Si les problèmes rencontrés par le secteur de la santé palestinien de Gaza sont encore plus criants aujourd'hui, après que la violence eut atteint son paroxysme avec l'opération il y a un an, ils étaient déjà pré-existants et persistants, et ce en dehors de ce type d'épisode de violence extrême.
La capacité du système de santé à fonctionner correctement est aujourd'hui très affaiblie. Une bonne partie de l'équipement médical n'est pas fiable et, du fait de l'embargo, il est très difficile de faire rentrer certaines pièces détachées. Les services médicaux doivent également faire face à des pénuries de médicaments.
Plus de 5 000 personnes ont été blessées pendant la guerre de janvier. Depuis, beaucoup sont handicapées et le seul centre de rééducation de la bande de Gaza a lui aussi du mal à importer les matières premières et les composants nécessaires à la production de membres artificiels. L'attente pour enfin être appareillé ou recevoir une prothèse s'étire jusqu'à la mi-2010.
Et, alors que 150 personnes handicapées attendent, des munitions non-explosées continuent de tuer ou de blesser. « Deux enfants sont morts et trois au moins ont été blessés en jouant avec ces munitions. Après un an, les enfants de Gaza perdent encore la vie suite à la guerre » déplore Jean-Luc Lambert, chef de mission MSF.
Les personnes défigurées et/ou brûlées devraient pouvoir bénéficier d'une intervention en chirurgie plastique et de soins post-opératoires. Or le seul chirurgien plastique de Gaza peine à prendre tout le monde en charge, d'autant que les accidents domestiques, comme les explosions de bouteilles de gaz, et les affrontements inter-palestiniens continuent de faire leur lot de victimes.
On estime que 40% des patients souffrant d'une maladie chronique n'ont pas pu recevoir leur traitement pendant l'offensive de janvier (la priorité étant alors donnée aux urgences vitales). Cela a bien évidemment un impact à long terme sur la santé de ces patients. « La chimiothérapie - qui combine souvent trois médicaments, alors que seuls deux sont disponibles à Gaza - est partiellement disponible. Et, alors que 30% de la totalité des cancers à Gaza concernent le sein, il est impossible d'importer le produit chimique utilisé pour les rayons X nécessaires à la mammographie » constate Jean-Luc.
Les patients ne pouvant être pris en charge dans la bande de Gaza devraient être soignés en dehors du Territoire, mais les demandes d'autorisation de sortie sont si compliquées à obtenir, aussi bien du côté Israélien que du côté palestinien, que certains ne peuvent quitter Gaza à temps pour leurs rendez-vous.
L'impact psychologique de " Plomb durci " est difficile à mesurer. « L'équipe de psychologues MSF doit répondre à un afflux de demandes. La liste d'attente est conséquente. » Les enfants sont particulièrement touchés (échec ou absentéisme scolaire, agressivité, énurésie...)
La violence domestique est devenue un vrai problème social. « Pendant la guerre, le manque d'abris sûrs contre des bombardements quasi-continuels et la fermeture hermétique et continue des frontières ont placé la population civile, prise au piège, dans une position extrêmement vulnérable. Les gens ont perdu tout sens de la sécurité, composante fondamentale du bien-être psychologique général ». Selon l'OMS, entre 20 000 et 50 000 personnes vont continuer à souffrir d'affections mentales, à long terme, suite à l'offensive.
Un marasme économique. Les moyens d'existence ont été systématiquement détruits, notamment en janvier dernier. De nombreuses petites entreprises, industrielles et commerciales, ainsi que des maisons privées ont été anéanties ou fortement endommagées. Le montant de ces destructions atteint un coût total estimé, selon les Nations Unies, de 139 millions de dollars.
140 000 Gazaouïs sont aujourd'hui sans emploi, c'est 50% de la population qui est au chômage (contre 32% en 2007). « Ces chiffres sont parmi les plus élevés du monde. L'imposition du blocus est à l'origine de la perte de 120 000 emplois dans le secteur privé. Or, en moyenne, chaque travailleur doit faire vivre 6-7 membres de sa famille et ce alors que 70% des familles vivent avec moins de 1 dollar par jour. Aujourd'hui, 75% de la population de Gaza, soit plus de 1,1 millions de personnes, dépendent de l'aide alimentaire ».
Les restrictions liées à la sécurité renforcée, la dernière offensive militaire, la limitation de plus en plus drastique des zones de pêche et d'agriculture affectent l'approvisionnement alimentaire et provoquent des fluctuations majeures sur les prix. En janvier 2007, plus de 600 chargements entraient chaque jour dans Gaza, aujourd'hui on en compte moins de 100, dont 70% concernent les produits alimentaires.
Enfin, à l'approche de l'hiver, les limitations sur les importations des matériaux de construction vont encore dégrader des conditions de vie déjà précaires pour les 20 000 déplacés vivant toujours pour la plupart, un an après, sous des abris de fortune ou dans les décombres de ce qui reste de leur maison.
Pénurie en électricité, en eau et en assainissement. Lors de "Plomb durci ", des infrastructures cruciales pour l'approvisionnement en électricité et en eau, ainsi que le système d'assainissement ont été visés et partiellement détruits. « Il ne subsiste qu'une seule centrale électrique sur Gaza. 60% des besoins en énergie sont pourvus grâce à l'achat d'électricité en Israël et en Egypte. Les coupures de courant, qui durent de 4 à 8 heures, sont quotidiennes et 10% de la population n'a pas du tout accès à l'électricité ».
Le système d'alimentation en eau est lui aussi extrêmement fragile et 90% de l'eau fournie aux habitants de Gaza est - selon les normes de l'OMS - impropre à la consommation. Chaque jour, ce sont environ 80 millions de litres d'eaux usées, ne pouvant pas être traitées, qui sont déversés dans la Méditerranée, avec tous les risques pour la santé et l'environnement, notamment sur les produits de la pêche, que cela induit. Les cas de maladies dues à l'eau, comme les diarrhées aiguës, augmentent. Or, aucune reconstruction ou réparation majeure de ces infrastructures publiques n'a pu, à ce jour, être effectuée.
« Il est vraiment urgent aujourd'hui de lever le blocus. Tout manque, y compris les livres ou les crayons. Hôpitaux et écoles n'ont plus ni fenêtres ni toits. Tout doit être reconstruit : les maisons, les structures de santé, les infrastructures publiques... Ensuite la population pourra à son tour se reconstruire, physiquement et psychologiquement » conclut Jean-Luc.