La course pour contenir la plus grande épidémie d'Ebola de l'Histoire a été un marathon, pas un sprint. Quand je suis arrivée en Afrique de l'Ouest il y a un an, le virus faisait des ravages dans la région. Il détruisait des familles et lacérait le tissu social, tandis que les autorités nationales et une poignée d'organisations d'aide luttaient désespérément contre cet implacable ennemi invisible.
De retour au Liberia, en Guinée et en Sierra Leone trois mois plus tard, des centaines de personnes tombaient toujours malades chaque semaine. Il était impossible de déterminer comment elles avaient été infectées, ni les individus potentiellement contaminés avec lesquels elles avaient été en contact. Cependant l’aide internationale avait enfin commencé à se déployer, tandis que les préparatifs pour le démarrage d'essais cliniques de traitements expérimentaux et de vaccins étaient en cours.
Je suis retournée dans la région la semaine dernière et je suis soulagée de constater le chemin parcouru. Bien qu’il reste des choses à accomplir, nous avons aujourd'hui les moyens de mettre fin collectivement à l'épidémie.
Pendant des mois, il y a eu entre 20 et 30 nouveaux cas d'Ebola chaque semaine. La semaine dernière, il y en avait seulement trois. Les nouvelles chaînes d'infection sont maintenant analysées avec plus de rapidité et d’efficacité, et nous pouvons retracer la propagation du virus dans les communautés. Les autorités nationales font preuve d'un leadership fort et maintiennent l'élan nécessaire pour vaincre l’épidémie.
Bien que nous attendions tous un signe que la fin était proche, la seule constante dans cette épidémie a été son imprévisibilité. Elle a le plus souvent fluctué, et quand elle semblait avoir été éteinte dans une zone, une personne malade mal suivie ou un enterrement imprudent lui permettait de flamber à nouveau.
Le signal le plus encourageant jusqu'ici est la publication il y a dix jours des résultats provisoires d'un essai de vaccin contre le virus Ebola effectué en Guinée, qui sont très prometteurs. Bien que le vaccin VSV seul ne suffira pas à terminer l’épidémie, nous espérons qu’il sera un outil supplémentaire pour enfin stopper le virus.
Si nous nous sentons aujourd’hui plus optimistes que jamais auparavant, nous redoutons de baisser la garde, même pour un instant. Le but à atteindre est zéro patient pendant 42 jours - deux fois la période d'incubation du virus – avant qu’un pays ou une région puissent être déclarés sans Ebola.
Pour franchir la ligne d'arrivée, la persévérance - voire l’entêtement - est essentielle, afin de suivre avec soin toute personne ayant été en contact avec un patient souffrant d'Ebola, d'identifier et de répondre précocement aux nouveaux cas, et de veiller à ce que les enterrements soient effectués de manière sure.
La clé du succès réside dans la confiance des populations locales. Notre équipe de promotion de la santé de Forécariah, en Guinée, m'a raconté comment, après qu’Ebola ait de nouveau flambé cet été, elle va de maison en maison tous les jours pour expliquer à chaque famille comment le virus est transmis, quels sont les symptômes, ce qu'il faut faire si quelqu'un tombe malade et comment en prendre soin en toute sécurité.
Les histoires qu'ils entendent de certains villageois peuvent sembler surprenantes à un stade aussi avancé de l'épidémie: scepticisme sur le fait qu’Ebola soit bien réel, rumeurs selon lesquelles la maladie est propagée par des étrangers en combinaisons spatiales, ou qu'elle peut être guérie grâce à des remèdes traditionnelle. Prendre le temps d'écouter et de répondre personnellement à ces interrogations fonctionne.
La vérité est que l'impact du virus Ebola sera beaucoup plus durable que nous aurions pu l’imaginer. Les systèmes de santé de la Guinée, du Libéria et de la Sierra Leone, déjà insuffisants avant le déclenchement de l’épidémie, sont désormais en lambeaux. Des centaines de travailleurs de la santé sont morts. Pourtant les survivants d'Ebola ont toujours besoin de notre soutien. Battre le virus n’a été pour eux que la première étape, ils font maintenant face à des complications médicales encore mal comprises, tout en restant stigmatisés au sein de leurs communautés.
Quatre personnes sur dix en Sierra Leone connaissent quelqu'un qui est mort, a été mis en quarantaine ou a survécu au virus. Ces nations sont en deuil, mais continuent à faire preuve de beaucoup de courage et de détermination.
Ebola a peut-être quitté la une des journaux, mais il n'a pas disparu. Quelle que soit la distance restant à parcourir jusqu’à la ligne d'arrivée, tout ceux impliqués dans la réponse - à la fois nationale et internationale - doivent canaliser leurs énergies afin de la franchir. Et en accélérant l'utilisation du nouveau vaccin dans les pays touchés, nous pouvons mieux briser les chaînes de transmission et protéger les travailleurs de santé placés en première ligne.
Nos équipes étaient là dès le début. Et comme les coureurs de fond, nous resterons jusqu’à la fin.
D'abord publié sur time.com, le 12 août 2015