Guerre en Ukraine : des soins de santé mentale à proximité des lignes de front

Vue d'un immeuble détruit à proximité de la ville d'Izium, dans l'est de l'Ukraine, reprise par l'armée ukrainienne.
Vue d'un immeuble détruit à proximité de la ville d'Izium, dans l'est de l'Ukraine, reprise par l'armée ukrainienne. © Nuria Lopez Torres

Plus de deux ans après le début de l’offensive russe en Ukraine, les équipes MSF qui travaillent dans l’est du pays constatent des besoins élevés en matière de soins de santé mentale. En 2022 et 2023, elles ont réalisé plus de 26 000 consultations individuelles, notamment grâce à des cliniques mobiles qui se rendent au plus près des populations vivant à proximité des lignes de front.

Lorsque la guerre s’est intensifiée en Ukraine, la ville de Trostianets a été l’une des premières à être occupée. Pendant près de deux mois, la plupart des services de l'hôpital local ont été déplacés dans les sous-sols, avant que le bâtiment ne soit gravement endommagé. « Le bâtiment était troué de toutes parts à cause des tirs, explique Anna Svesova, la directrice de l’hôpital. C'était très dur, mais nous avons survécu. » 

Après le retour de Trostianets sous contrôle ukrainien, Médecins Sans Frontières a contribué à la rénovation du bâtiment de l'hôpital en 2023. Toutefois, cette année-là, les bombardements se sont considérablement intensifiés et l'explosion d'un obus voisin a de nouveau endommagé l'hôpital, sans affecter son fonctionnement. 

Le bombardement constant des zones de première ligne dans l'est, le sud et le nord-est de l'Ukraine ont eu des conséquences néfastes sur l’état de santé mentale de la population et du personnel soignant. Le programme de santé mentale de MSF, dont les équipes étaient déjà présentes dans le pays avant l'évolution du conflit en 2022, a permis d’offrir un soutien aux patients et aux professionnels de santé de l’hôpital de Trostianets. 

Anna Svesova, directrice de l'hôpital de Trostraniets, dans les sous-sols du bâtiment. Ukraine. 2023.
 © Nuria Lopez Torres
Anna Svesova, directrice de l'hôpital de Trostraniets, dans les sous-sols du bâtiment. Ukraine. 2023. © Nuria Lopez Torres

« Durant la première phase de la guerre, les médecins et les psychologues ukrainiens travaillaient jusqu'à l'épuisement. Personne ne pensait aux effets de la guerre sur la santé mentale. C'est pour cela que MSF a ouvert son projet de soutien psychologique au personnel médical », explique Alisa Kushnirova, qui supervise une équipe de psychologues MSF travaillant dans les régions de Kherson, Mykolaïv et Kirovohrad. 

Les équipes MSF ont organisé des séances de groupe et des séances individuelles pour aider ces professionnels à développer des mécanismes de récupération et de repos, à gérer leurs préoccupations personnelles et, surtout, à apprendre à exprimer leurs émotions, parfois vives en raison des cas auxquels ils sont confrontés.  

Souvent, les patients que les équipes MSF rencontrent placent la santé mentale derrière des priorités matérielles comme l’accès à l’eau potable ou à la nourriture. Pourtant, une souffrance psychologique peut être la source d’une détérioration de l’état physique des personnes concernées, et peut par exemple conduire à l’aggravation de problème cardiovasculaire.  

Lors de leurs cliniques mobiles, déployées notamment dans des villages isolés, les psychologues MSF doivent fréquemment expliquer aux patients l'importance de la santé mentale et son impact sur leur qualité de vie. Ils conseillent aussi les patients sur la façon d'améliorer la qualité de leur sommeil ou la façon de gérer l'anxiété et la tension. 

Anna Svesova, directrice de l'hôpital de Trostraniets, accompagnée d'un membre des équipes MSF. Ukraine. 2023.
 © Nuria Lopez Torres
Anna Svesova, directrice de l'hôpital de Trostraniets, accompagnée d'un membre des équipes MSF. Ukraine. 2023. © Nuria Lopez Torres

Il existe cependant des cas plus complexes qui nécessitent un travail de long terme. Par exemple, les psychologues de MSF ont apporté un soutien psychologique aux survivants d'une attaque de missile russe* contre le village de Hroza, dans l'est de l'Ukraine, qui a causé le décès de plus de 50 personnes au début du mois d’octobre 2023.  

« Après que les blessés de cette attaque ont été transportés à l'hôpital, nos psychologues ont travaillé avec eux. Il y avait six personnes gravement blessées : certaines à la tête, avec des troubles de l'activité cérébrale et de la parole. Elles ont toutes perdu une partie de leur famille et ce village de quelque 300 habitants a été gravement traumatisé. Certains ont perdu un proche, d’autre deux et certains jusqu’à 15, témoigne Victoria Lepekha, responsable santé mentale chez MSF. Nous avons réalisé un travail minutieux avec des personnes qui vivent un deuil aigu. » 

Un soutien de long terme est essentiel au rétablissement des patients qui vivent la perte d’un proche. Dans la région de Kharkiv, par exemple, MSF a dispensé, sur demande, des conseils de groupe aux femmes qui avaient perdu leur mari ou leur fils au front. Ce groupe de sept femmes s’est réuni au moins dix fois depuis août 2023 pour discuter de leurs expériences et de leurs souffrances. 

Après 10 années de guerre dans la région, et une escalade du conflit qui a décuplé les violences que subissent les habitants de l’est de l’Ukraine, l’accès à des soins de santé mentale est un élément clé essentiel de la prise en charge humanitaire et médicale. À Vinnytsia, MFS propose également une prise en charge dédiée aux personnes présentant des symptômes de stress post-traumatique liés à la guerre. 

* https://www.ohchr.org/en/press-briefing-notes/2023/10/ukraine-report-hroza-missile-attack

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