Dans un rapport « Dadaab: retour forcé en Somalie » publié ce jour, plus de huit refugiés sur dix affirment qu’ils ne veulent pas rentrer. Leurs principales inquiétudes sont la peur des recrutements forcés par les groupes armés, les violences sexuelles et l’absence de soins de santé.
Dans ce rapport, MSF souligne également les graves conséquences médicales qu’aurait un tel retour massif.
« Il est clair que les camps de réfugiés ne sont pas la meilleure manière de gérer une crise prolongée qui dure depuis 25 ans. Fermer un camp de réfugiés sans proposer de solutions pérennes revient à les contraindre à retourner dans une zone de conflit, où les soins médicaux sont dangereusement absents », déclare Bruno Jochum, Directeur Général de MSF. « Cette décision est une menace supplémentaire à la protection des réfugiés. Nous constatons un échec total à offrir un refuge aux personnes en danger. Les Nations unies ont elles-mêmes récemment déclaré que cinq millions de personnes risquaient la famine en Somalie. Renvoyer encore plus de gens est à la fois inhumain et irresponsable. »
Somalie: un manque criant de soins de santé
A Dagahaley, un des cinq camps que compose Dadaab, les équipes médicales de MSF ont vu des enfants arrivant de Somalie n’ayant pas été vaccinés contre des maladies évitables, ce qui indique que le système de santé est déchiré par plus de deux décennies de guerre, et que même les soins les plus basiques sont quasi-inexistants. Les femmes enceintes n’auront accès qu’aux soins minimaux, mettant leur vie et celle de leur bébé en danger. Les personnes qui souffrent de maladies chroniques sont aussi à risque, qu’elles soient diabétiques et aient besoin d’insuline ou qu’elles souffrent d’hypertension et nécessitent une continuité dans leur traitement.
Les patients en santé mentale sont aussi en danger imminent. A Dagahaley, 70% des patients en santé mentale de MSF sont sous traitement. « Si un patient qui souffre de psychose se voit retirer ses médicaments, ses fonctions cognitives et son comportement fonctionnent à l’envers. Pris au piège d’un pays où les soins de santé mentaux sont à peu près inexistants mettrait leur vie en danger », explique Liesbeth Aelbrecht, Cheffe de mission pour MSF au Kenya.
Un appel au Kenya, au HCR et aux pays donateurs : Il y a urgence
Quatre-vingt-six pour cent des personnes interrogées à Dagahaley ne veulent pas rentrer en Somalie. Le sentiment d’insécurité est très fort et presque tous, hommes et femmes confondus, ont qualifié d’élevé le risque de violences sexuelles. MSF remet donc en question la nature volontaire des retours facilités par le HCR.
« Les peurs dont les réfugiés nous font part sont réelles », explique Liesbeth Aelbrecht. « Il est crucial que les retours soient volontaires, et que les réfugiés aient toute l’information nécessaire sur les services et les conditions qu’ils vont rencontrer en Somalie ».
MSF tient à rappeler que la mise en place de camps similaires à Dadaab de l’autre côté de la frontière n’est qu’un transfert de responsabilité et revient à abandonner la protection des réfugiés. D’autres solutions plus durables devraient être considérées urgemment, telles que l’établissement de plus petits camps au Kenya, davantage de réinstallation dans des pays tiers ou l’intégration de réfugiés dans les communautés kenyanes. Ainsi, MSF appelle la communauté internationale à partager la responsabilité du gouvernement kenyan.
« Il est inacceptable qu’aucune autre solution ne soit offerte, que des milliers de personnes soient refoulées vers un conflit et une crise sévère : soit exactement les conditions qu’ils ont fuies”, conclut Liesbeth Aelbrecht. « Le Kenya ne doit pas porter ce fardeau seul. Les financements de pays donateurs doivent permettre d’apporter une assistance dans le pays de refuge, au lieu de financer ce qui serait un retour forcé vers une zone de guerre. »
MSF n’accepte pas de fonds institutionnels pour ses projets à Dadaab – tous les fonds viennent de donateurs privés.
MSF travaille à Dadaab depuis 1992 et est actuellement la seule organisation médicale dans le camp de Dagahaley. Le personnel travaille dans un hôpital de 100 lits et deux centres de santé à Dagahaley, où des soins de santé primaire et de santé mentale, de la chirurgie, des soins prénataux, des traitements pour le VIH et la tuberculose sont dispensés. En 2015, 182 351 consultations ont été fournies et 11 560 patients ont été admis à l’hôpital.