MSF n’a eu accès au rapport que le vendredi 29 avril, jour de sa mise en ligne, après une conférence de presse tenue par le général Joseph Votel, en charge du commandement militaire américain pour l’Asie centrale et le Moyen-Orient. La veille, des représentants de MSF ont été briefés oralement pendant deux heures par le Général Votel et son équipe, qui leur ont transmis les principales conclusions et recommandations du rapport d’enquête. MSF prendra maintenant le temps nécessaire pour analyser le rapport, et pour déterminer s’il éclaire suffisamment les zones d’ombre et les questions laissées sans réponse depuis sept mois.
MSF salue les efforts de l’armée américaine qui a décidé de mener une enquête, alors que dans de nombreuses zones de conflit les équipes de l’association, comme celles d’autres acteurs médicaux, font l’objet d’attaques dont les perpétrateurs refusent d’endosser la responsabilité. Mais une enquête menée par l’armée américaine ne peut suffire dans ces circonstances, comme l’a souvent rappelé MSF, qui continue en vain jusqu’à présent à demander que la Commission internationale humanitaire d’établissement des faits puisse mener sa propre investigation.
« Les conclusions qui nous ont été transmises reviennent à dire qu’une opération militaire hors contrôle aurait été menée dans une zone urbaine densément peuplée, lors de laquelle les forces américaines ne seraient pas parvenues à suivre les règles de base de la guerre, déclare Meinie Nicolai, présidente de MSF. Il est incompréhensible que dans les circonstances décrites par l’armée américaines, l’attaque n’ait pu être avortée. »
L’hôpital était pleinement fonctionnel au moment où il a été bombardé. Le rapport de l’armée américaine établit qu’il n’y avait pas de combattants en arme, ni d’activités militaires dans l’enceinte de l’hôpital.
« Il est inenvisageable pour nous de renvoyer nos équipes – dont les collègues qui ont survécu à l’attaque - travailler à Kunduz sans avoir obtenu des parties au conflit qu’elle s’engagent à tout mettre en œuvre pour que ce type d’événement n’arrive plus, dit Meinie Nicolai. Nous avons besoin d’un accord explicite dans lequel les belligérants, incluant les autorités afghanes et l’armée américaine, garantissent qu’elles ne mèneront pas d’opération militaire ni n’utiliseront la force contre les structures MSF, son personnel, ses patients, ses ambulances. Nous devons également être assurés que le personnel de MSF sera autorisé à fournir des soins médicaux à tous ceux qui en ont besoin, sans avoir à opérer de discrimination. Chaque jour passé à attendre l’obtention de cet accord alourdit le bilan de l’attaque, car la population de la région est désormais privée d’accès aux soins vitaux. »
Les sanctions administratives annoncées par l’armée américaine aujourd’hui ne sont pas proportionnées à la destruction d’un hôpital fonctionnel, à la mort de 42 personnes, aux blessures infligées à des dizaines d’autres et à l’anéantissement total de services médicaux essentiels vitaux qui bénéficiaient à des centaines de milliers de personnes.
En parallèle, ajoutant à l’horreur de l’attaque, il est maintenant établi que les victimes et leurs familles n’auront ni la possibilité de poursuivre en justice l’armée américaine, en Afghanistan ou aux Etats Unis, ni même celle de réclamer des compensations pour leurs pertes humaines et matérielles.