Yémen : les équipes MSF face à une augmentation de la malnutrition chez les mères

Yémen : les équipes MSF face à une augmentation de la malnutrition chez les mères
Vue de la salle d'attente de la maternité soutenue par MSF dans l'hôpital d'Abs au Yémen. 2024. © Jinane Saad/MSF

Depuis deux ans, les équipes MSF qui travaillent dans la ville d’Abs, dans le gouvernorat d’Hajjah au Yémen, constatent une augmentation du nombre d’admissions de femmes enceintes ou de jeunes mères souffrant de malnutrition.

Mayasa est assise sur le lit de son fils à l’hôpital général d’Abs, dans le gouvernorat d'Hajjah, au Yémen. Mohammad, deux ans, a été admis dans le centre de nutrition thérapeutique soutenu par MSF. Il souffre de malnutrition, accompagnée de pneumonie et de diarrhée. 

Quand Mohammad était encore un bébé, Mayasa n’avait pas les moyens d’acheter du lait maternisé, alors elle nourrissait son enfant avec du lait de vache, du pain et des pommes de terre. C’est le cinquième séjour de Mohammad à l’hôpital d’Abs. La première fois, il n’avait que six mois. 

Malgré la gratuité des soins prodigués dans cette structure de santé, Mayasa a dû s'endetter pour couvrir les frais de transport élevés depuis son domicile, situé à deux ou trois heures de route en voiture. Aujourd’hui enceinte de son quatrième enfant, elle a souffert de malnutrition quatre mois seulement après le début de sa grossesse. 

« Ce matin, mes enfants sont allés prendre le petit-déjeuner chez leur oncle et je suis partie à l'hôpital le ventre vide, explique Mayasa. Je n'ai pas d'argent pour manger. Si je mange le matin, je n’ai plus rien pour le déjeuner et le dîner. » 

Mayasa et son fils Mohammad âgé de deux ans, dans la maternité de l'hôpital d'Abs soutenue par MSF. 2024.
 © Salam Daoud/MSF
Mayasa et son fils Mohammad âgé de deux ans, dans la maternité de l'hôpital d'Abs soutenue par MSF. 2024. © Salam Daoud/MSF

Comme beaucoup de mères yéménites, Mayasa se demande tous les jours si elle va parvenir à nourrir ses enfants, et si elle va devoir leur donner sa part de nourriture. 

« Nous recevons beaucoup de mères d’enfants malnutris qui souffrent elles-mêmes de malnutrition, explique le docteur Hilaire Pato, pédiatre MSF à l'hôpital Abs. L’insécurité alimentaire est malheureusement répandue au Yémen. » 

Ce phénomène est également observable dans la maternité de l’hôpital. Saada est enceinte de neuf mois et vient d'être admise en raison d'un saignement et d'une occlusion intestinale. Elle souffre également de malnutrition. Elle n'a reçu aucun contrôle prénatal pendant sa grossesse en raison des coûts exorbitants pour se rendre au centre de santé le plus proche. 

Saada habite un village où il n’y a aucun travail ni moyen de gagner sa vie, et sa famille de huit personnes a du mal à trouver de quoi manger. « Nous mangeons du pain et du thé, mais jamais de viande ni de poisson, explique-t-elle. Avant, nous recevions une aide alimentaire, composée d’un sac de farine et d’une bouteille d’huile. Mais cela s’est arrêté il y a cinq mois. » 

Une mère nourrit son fils âgé de neuf mois dans la maternité de l'hôpital d'Abs soutenue par MSF. 2024.
 © Jinane Saad/MSF
Une mère nourrit son fils âgé de neuf mois dans la maternité de l'hôpital d'Abs soutenue par MSF. 2024. © Jinane Saad/MSF

Le nombre de femmes souffrant de malnutrition modérée ou sévère a augmenté régulièrement au cours des deux dernières années. En 2021, 51 % des femmes admises en maternité à l’hôpital d’Abs souffraient de malnutrition, et 4 % souffraient de malnutrition aiguë sévère. En 2022, ces chiffres sont passés respectivement à 64 % et 6 %. En février 2024, 68 % des femmes admises à la maternité souffraient de malnutrition. 

« Ces femmes courent un plus grand risque de complications pendant la grossesse et l'accouchement, explique le docteur Hilaire Pato. Leurs enfants risquent aussi de souffrir de malnutrition et il sera également plus difficile pour leurs mères d'allaiter leurs enfants. » 

En 2023, 24 % des admissions dans le programme nutritionnel MSF d’Abs concernaient les enfants de moins de six mois. Afin de détecter les femmes et les enfants souffrant de malnutrition et d'éviter que leur état ne s'aggrave, des agents de santé communautaires de MSF font du porte-à-porte pour mesurer le périmètre brachial des enfants, des femmes enceintes ou qui ont accouché récemment. Tous ceux qui présentent des signes de malnutrition sont orientés vers le centre de santé disposant d’un programme nutritionnel le plus proche. 

La crise de malnutrition au Yémen a de nombreuses causes sous-jacentes. Après plus d’une décennie de conflit et une crise économique persistante, de nombreuses personnes ont perdu leurs moyens de subsistance. Les taux d’inflation élevés ont diminué le pouvoir d’achat, et beaucoup de Yéménites ne peuvent donc plus se permettre d’acheter suffisamment à manger. La diminution des distributions d’aide alimentaire, notamment la suspension des distributions du Programme alimentaire mondial (PAM) dans le nord du Yémen, a exacerbé une situation déjà désastreuse. 

D'autre part, l'accès aux soins de santé est sérieusement limité en raison du manque d'établissements de soins de santé primaires fonctionnels et du coût élevé du transport. Cela affecte l’accès des femmes enceintes aux soins prénatals et postnatals, de telle sorte que les premiers signes de malnutrition ne sont pas détectés. 

« Réussir à répondre aux besoins non couverts par des programmes de nutrition et d'assistance alimentaire est devenu crucial au Yémen, conclut le docteur Hilaire Pato. Compte tenu du déficit dramatique des financements des bailleurs, il est urgent de mettre en œuvre une approche ciblée, en se concentrant sur les groupes les plus vulnérables, en particulier les enfants de moins de cinq ans, les femmes enceintes et les nouveau-nés et leurs mères. Il est également important de sensibiliser aux avantages et à l’importance de l’allaitement maternel. Cela contribuerait à réduire le risque de malnutrition et les complications associées. » 

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