Depuis plusieurs mois, les équipes MSF sont de nouveau témoins de flambées de violences au Soudan du Sud, malgré la signature d’un accord de paix et la composition d’un gouvernement d’union nationale, censées mettre fin à la guerre civile qui a éclaté dans le pays en 2013. L’accès aux soins de santé est extrêmement difficile dans ce pays, même dans les régions relativement épargnées par les affrontements. Le photoreporter Peter Bauza s’était rendu fin 2017 dans la ville d’Aweil, dans le nord-ouest du pays, une région où les structures de santé sont quasi inexistantes. Reportage.
Anger est désormais rassurée. Son fils âgé d’un an va mieux, après avoir été pris en charge par les équipes MSF dans l’hôpital général d’Aweil. Lors de son admission, il présentait un paludisme et une anémie sévères et nécessitait une transfusion sanguine.
« Soudainement, mon fils ne voulait plus jouer, il était amorphe, il avait de la fièvre et des boursouflures », détaille sa mère.
Anger s’était auparavant rendue à deux reprises dans un centre de santé privé, à proximité de son foyer. Le sirop qui avait été administré à son fils n’avait eu aucun effet sur son état de santé. Le traitement était pourtant coûteux, près de 1 300 livres sud-soudanaises, soit environ 7 euros. Une somme pour Anger et sa famille, même si, selon elle, ils ont « tout ce qu’il faut », avec près de 70 vaches, de nombreux moutons et quatre hectares pour cultiver le sorgho et d’autres légumes. L’état de son fils l’a finalement décidée à faire les trois heures de marche pour se rendre à Aweil. « MSF a sauvé la vie de mon fils », conclut-elle.
Quand les équipes de Médecins Sans Frontières ont commencé à travailler dans l’hôpital d’Aweil en 2008, les taux de mortalité chez les enfants étaient alarmants au Soudan du Sud. Ils ont depuis baissé, mais les enfants de moins de cinq ans restent hautement vulnérables à de nombreuses maladies, comme le paludisme, la malnutrition ou les infections respiratoires, et représentent près de 70 % des consultations MSF à l’hôpital d’Aweil, structure médicale de référence pour une population estimée à environ 1,3 million de personnes.
Agan a marché du lever du soleil jusqu’à une heure avancée de la nuit pour parcourir les quelque 80 kilomètres qui séparent le village de Gok Machar de la ville d’Aweil. Elle est allongée sur un lit à côté de son enfant, qui reçoit une transfusion sanguine. « Nous avions une bonne vie, de la nourriture, de la joie. Maintenant, tout est différent », explique-t-elle. Son mari, un soldat, est décédé il y a quelques années lors d’un affrontement à la frontière avec le Soudan.
Depuis, la famille tente de survivre au mieux, mais avec seulement 2 hectares à cultiver pour 9 personnes, la nourriture vient à manquer. Agan doit, comme de nombreuses femmes de la région, collecter du bois de chauffe qu’elle revend sur les marchés, pour espérer acheter des légumes.
La banque de sang de l’hôpital joue un rôle crucial dans la réduction de la mortalité infantile, et permet notamment de traiter les enfants atteints d’anémie provoquée par le paludisme, comme le fils d’Agan. Les proches des patients doivent donner leur sang pour que le système en place puisse fonctionner, en l’absence de banque de sang centralisée au Soudan du Sud.
Atok attend dans une salle de l’hôpital, accompagnée de sa mère. Elle a marché une journée et une nuit entière pour arriver à Aweil, malgré de fortes contractions et une poussée de fièvre causée par le paludisme. Elle est enceinte, devrait accoucher sous peu et se dit rassurée d’être arrivée à l’hôpital. Il n’y a pas de sage-femme compétente dans son village et c’est ici qu’elle a donné naissance à son premier enfant, avec le soutien des équipes MSF.
Près de 5 000 accouchements sont réalisés chaque année par les équipes MSF, qui peuvent gérer les complications et pratiquer des césariennes, une opération qui mobilise des ressources rares.
Les soins particuliers des nouveau-nés sont également dispensés par les équipes MSF. Le premier enfant d’Achol, 20 ans, est né prématurément, ce qui le rend d’autant plus vulnérable. C’est cette raison qui a poussé Achol, sur les conseils de sa mère, à venir à Aweil depuis son village situé à trois heures de marche. Son enfant y a reçu des soins de santé qui comprennent notamment une nutrition adaptée, quand Achol reçoit des recommandations sur l’alimentation de son enfant et sur la meilleure façon de pouvoir lui fournir une quantité suffisante de lait maternel.
Faire la route et arriver à temps à l’hôpital est une question vitale pour les habitants des villages entourant Aweil. William, un jeune père de 25 ans, est venu pour faire ausculter sa fille née il y a 4 jours. La mère du bébé est décédée en donnant naissance, au bord d’une route boueuse. Après avoir tenté d’accoucher en vain dans son village, situé à trois jours de marche d’Aweil, à l’aide d’une accoucheuse traditionnelle, la jeune femme et sa famille ont décidé de se mettre en route pour l’hôpital. Elle avait 19 ans.
Depuis 12 ans, la présence des équipes de Médecins Sans Frontières a contribué à faire baisser les taux de mortalité maternelle et infantile de la ville et de la région d’Aweil. Cet hôpital et ce travail nous rappellent également que si les attaques et les violences contre les populations peuvent diminuer un temps, la question de l’accès aux soins de santé reste une préoccupation quotidienne pour les habitants du Soudan du Sud.