
Réduire les risques liés à la grossesse
La grossesse, l’accouchement et les premières semaines de vie du bébé sont des périodes risquées aussi bien pour la mère que pour le nouveau-né. Les femmes qui ne peuvent pas ou ne veulent pas mener une grossesse à terme sont confrontées à des situations de détresse et à des graves complications médicales résultant d'avortements pratiqués dans des conditions dangereuses pour leur santé.

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2004
Intégration formelle de l'accès à l'interruption volontaire de grossesse dans les soins offerts par MSF
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2008
MSF ouvre un projet de soins maternels à Aweil, au Soudan du Sud
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2014
MSF ouvre la maternité Dasht-e-Barchi à Kaboul, en Afghanistan, spécialisée dans les urgences obstétriques

Contexte
On estime qu'environ 830 femmes meurent des complications liées à la grossesse ou à l’accouchement chaque jour dans le monde (OMS, 2019). Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, où les femmes ont en moyenne davantage de grossesses que dans les pays développés, les risques encourus par celles-ci sont nettement supérieurs. Les femmes enceintes habitant dans des zones reculées et ayant un revenu modeste ont en effet moins de chances de recevoir les soins médicaux appropriés : seules 51% des femmes des pays à faible revenu bénéficient de l’assistance d’un personnel qualifié (sages-femmes, médecins, personnel infirmier, etc.) lors de leur accouchement (OMS, 2019). 75% des patients adultes hospitalisés dans les structures MSF sont des femmes ayant un accouchement compliqué ou souffrant de complications post avortement. Les décès maternels résultent ainsi essentiellement de :
- la manifestation d'hypertension artérielle, durant la grossesse
- l'obstruction lors de l'accouchement
- des cas d'hémorragie sévère post-partum
- l'apparition d'infections et septicémies la plupart du temps après l'accouchement
- un avortement pratiqué dans des conditions non médicalisées
D'autres causes de complications de la grossesse peuvent être également liées à des maladies comme le paludisme et le VIH par exemple.
Or, la plupart de ces complications peuvent être évitées ou traitées. Avec plus de 300 000 naissances assistées chaque année, la place accordée à la santé maternelle est majeure dans les activités menées par les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) sur ses terrains d'intervention. Les soins médicaux apportés aux femmes enceintes s'organisent autour de plusieurs axes, dont les principaux sont :
- le suivi de la grossesse avec des consultations prénatales
- le recours à des examens pour diagnostiquer et traiter les grossesses à risques de complications
- l'assistance médicale lors de l’accouchement
- la pratique de césariennes lorsque cela est nécessaire et faisable
- l'accompagnement et la référence de la mère vers une structure spécialisés si besoin
- le suivi de l’état de santé de l'enfant une fois mis au monde avec des consultations néonatales
Dans de nombreux programmes, MSF propose des soins de santé maternelle plus poussés. Plusieurs visites pré- et postnatales sont recommandées et, selon le contexte, elles comprennent la prévention de la transmission du VIH/Sida de la mère à l’enfant.
MSF offre également des solutions contraceptives pour celles qui souhaitent éviter des grossesses non désirées (planning familial) et fournit des soins liés à l’avortement médicalisé lorsque des femmes ou des adolescentes en formulent la volonté. Le besoin d’une prise en charge médicale de l’interruption de grossesse est avéré : chaque année, environ 25 000 femmes et adolescentes souffrant de complications et problèmes imputables à une tentative d’avortement non médicalisé sont prises en charge par MSF.
La présence de personnel qualifié pendant les accouchements et les soins postnatals précoces contribuent par ailleurs à prévenir les fistules obstétricales, une problématique médicale stigmatisante qui cause une incontinence chronique. MSF réalise la réparation chirurgicale des fistules dans des régions parmi les plus isolées.

Les avortements non médicalisés représentent 45 % des interruptions de grossesse dans le monde. Les interruptions volontaires de grossesses pratiquées de manière sûre et médicalisée par les équipes MSF ont été multipliées par cinq ces dernières années, passant de près de 4 000 en 2017 à 21 500 en 2019.
Prévenir les complications de la grossesse et fournir des soins obstétricaux d'urgence
L'objectif des programmes de soins obstétricaux de MSF visent à remédier aux trois retards cruciaux qui peuvent menacer à la fois la vie de la mère et de l'enfant :
- le retard dans la décision de demander des soins
- le retard pour atteindre un établissement de santé, souvent dû à une longue distance à parcourir pour s'y rendre
- le retard de la réception d'un traitement approprié dans un centre de santé.
Les soins obstétricaux d'urgence sont un élément clé de cette stratégie. Les soins d'urgence administrés rapidement par du personnel qualifié peuvent sauver la vie de femmes qui éprouvent des complications pendant ou juste après l'accouchement. Lors de conflits ou de catastrophes naturelles, les services de santé sont souvent effondrés ou sont insuffisants, et les besoins obstétricaux d'urgence font partie des principaux besoins des femmes enceintes. Pour cette raison, la mise en œuvre rapide des soins maternels d'urgence est désormais intégrée à la réponse aux crises dans lesquelles MSF intervient. Les complications graves non traitées pendant la grossesse ou l'accouchement comprennent des risques de différentes natures :
Obstruction
Les cas d'obstruction peuvent survenir si la tête du bébé est trop grande ou si sa position est anormale, bloquant le passage dans le canal génital. Lorsqu'une mère souffre de malnutrition ou si son bassin est sous-développé en raison de son jeune âge, le canal génital lui-même n'est souvent pas assez large pour accueillir la tête du bébé. Si l'obstruction dure plus de 24 heures, le bébé peut mourir et la femme peut encourir des risques – tous potentiellement mortels – d'hémorragie post-partum, de rupture utérine ou de fistule, ainsi que des infections graves. Un personnel qualifié est essentiel pour gérer les accouchements complexes et identifier les signes indiquant que des interventions plus poussées sont nécessaires.
Hémorragie
Une hémorragie ou des saignements excessifs peuvent survenir après une naissance compliquée. Cela résulte souvent de l'incapacité de l'utérus à se contracter après l'accouchement. Normalement, ces contractions arrêtent le saignement qui se produit une fois que le placenta se sépare de la paroi utérine. Des complications ou une séparation placentaire incomplète peuvent entraîner des saignements continus et, sans intervention médicale rapide, une femme peut rapidement saigner jusqu'à en perdre la vie. Lorsque des sages-femmes qualifiées sont présentes, de l'ocytocine peut être administrée pour prévenir les saignements. En cas de saignement sévère, la mère est réanimée et des méthodes allant de la prise de médicaments supplémentaires à la chirurgie d'urgence sont appliquées.
Hypertension
L'éclampsie (crise convulsive) et d'autres troubles hypertensifs de la grossesse, liés à l'hypertension artérielle, se caractérisent par des convulsions pouvant entraîner le coma et la mort. L'éclampsie commence pendant la grossesse sous forme de pré-éclampsie, ce qui entraîne une hypertension artérielle. Sans soins prénatals, la pré-éclampsie peut évoluer vers une pré-éclampsie sévère, provoquant des symptômes tels que des gonflements, une prise de poids, des maux de tête, des modifications de la vision et des convulsions potentiellement mortelles.
Infections
Des infections graves peuvent se développer pendant la grossesse ou en raison de conditions insalubres lors de l'accouchement. Les infections de l'appareil reproducteur engendrent des infections intra-utérines, parmi les plus courantes et les plus risquées pour la femme et le nourrisson. L'accès à de l'eau propre et à des conditions d'hygiène strictes pendant l'accouchement (mains et surface d'accouchement propres) permettent de prévenir ces infections. En cas d'infection, une détection précoce et un traitement avec un antibiotique approprié peuvent prévenir une maladie grave ou la mort.
Les équipes MSF veillent à proposer des services de suivi de grossesse à proximité des femmes qui en ont besoin. Des cliniques mobiles sont ainsi mises en place pour atteindre des zones où les personnes n'ont souvent pas accès aux soins de santé. Cela permet d'identifier directement les femmes ayant des risques de complications de grossesse, nécessitant par conséquent d'être transférées vers une structure de santé où des des soins appropriés pourront leur être fournis. Dans des zones reculées comme le district rural de Kabezi, au Burundi, MSF a également mis en place des services d'ambulance, ce qui a permis de réduire significativement la mortalité maternelle dans la région.
Les soins prénatals améliorent la santé de la mère pendant sa grossesse et aident à réduire ou à gérer les complications pour la mère et le nouveau-né. Ces consultations offrent l'occasion de sensibiliser les femmes et leurs familles sur la manière de reconnaître les éventuelles complications et ainsi de mieux anticiper les risques d'intervention d'urgence. Les visites prénatales permettent également d'informer les mères sur les structures de santé où elles peuvent se rendre pour des soins d'urgence si nécessaire, ainsi que pour l'accouchement.

C’était Dasht-e-Barchi
Reportage au cœur de la maternité avant l’attaque du 12 mai 2020
Voir le grand formatLes soins postnatals sont par ailleurs essentiels pour réduire la mortalité maternelle et infantile et améliorer le bien-être physique et mental de la mère et de l'enfant. La plupart des maladies et des décès maternels surviennent au moment de l'accouchement ou peu de temps après, tandis que la majorité des décès infantiles surviennent dans les premiers jours suivant l'accouchement. 30% des décès des enfants de moins de cinq ans surviennent au cours des quatre premières semaines de la vie.
9,63 % des naissances par césarienne
Entre 2016 et 2019, les équipes MSF ont assisté plus de 1,1 million de naissances, dont plus de 106 000 par césarienne.
Les césariennes représentent une place majeure dans les interventions chirurgicales menées par les équipes MSF. Une part importante des césariennes est pratiquée dans des contextes de conflits actifs.
Grossesse à risques chez des mères déjà malades ou exposées à des maladies infectieuses
Les femmes enceintes sont plus sensibles aux maladies infectieuses. Lorsqu'elles sont infectées par le paludisme, la tuberculose, ou le choléra par exemple, elles sont plus susceptibles de subir des complications de grossesse et de faire face à un risque accru de fausse couche, de mortinatalité, de décès du nouveau-nés ou de nourrissons de faible poids à la naissance. Les complications liées à des maladies infectieuses représentent environ 20 % des décès maternels.
La prise d'un traitement efficace par les femmes enceintes atteintes de ces maladies réduit ainsi le risque de complications graves de leur grossesse.

Sans traitement, 25 à 40 % des enfants nés de mères séropositives sont également infectés par le VIH. Ce taux peut être ramené à moins de 5% grâce à des traitements antirétroviraux pour la mère, une cure de médicaments antirétroviraux de courte durée pour le bébé et des pratiques d'allaitement appropriées. MSF gère ainsi des projets de prévention de la transmission du VIH de la mère à l'enfant. En République Centrafricaine par exemple, MSF fournit un traitement contre le VIH à des milliers de femmes enceintes séropositives dès que possible après leur diagnostic pour éviter que leur bébé ne soit à son tour infecté.
Pour les femmes enceintes exposées au paludisme et à la tuberculose, des mesures préventives incluant la réduction de l'exposition (en dormant sous des moustiquaires dans les régions touchées par le paludisme par exemple) et l'utilisation à court terme de médicaments antipaludiques ou antituberculeux pendant la grossesse, sont mises en œuvre par les équipes MSF.
Grossesses non désirées : la nécessité de généraliser l'accès aux avortements médicalisés
En 1999, à la fin de la guerre civile au Congo Brazzaville, les équipes MSF sont confrontées à de très nombreux récits de femmes victimes de viols commis par des soldats et des milices pro-gouvernementales. Cette expérience incite l’organisation à développer des programmes destinés aux victimes de violences sexuelles et à ouvrir petit à petit les yeux sur une autre réalité prévalente dans les contextes de crise où elle intervient : la détresse et les graves complications médicales affectant les femmes qui ne veulent pas ou ne peuvent pas mener une grossesse à son terme, mais qui n’ont pas d’autre choix que de l’interrompre dans des conditions très dangereuses pour leur santé, à cause de barrières financières, de lois restrictives, de la pression de leur entourage, de la peur du stigma, et du pouvoir discrétionnaire du personnel soignant.
À partir de 2004 MSF adopte une politique volontariste et décide d’intégrer l’accès à l’avortement médicalisé dans ses programmes de soins maternels, en fournissant à ses équipes de terrain formations, protocoles et techniques adaptées. Mais les avancées sont restées humbles, avant tout car les freins au sein d’une partie de ses équipes demeurent importants. Peur de se retrouver dans l’illégalité, d’avoir des problèmes avec les autorités, peur que la femme soit exclue par son entourage ou subisse des représailles : derrière l’expression de ces craintes se cachent souvent des résistances d’ordre personnel vis-à-vis des demandes d’avortement des femmes, reflets des normes morales, culturelles, religieuses qui imprègnent les soignants comme elles imprègnent les sociétés dont ils sont issus.
On estime à plus de 25 millions le nombre d'avortements non sécurisés pratiqués chaque année, pour la quasi totalité dans les pays en développement (OMS). L'avortement non sécurisé est l'une des principales causes de décès maternel dans le monde – faisant plus de 22 000 victimes par an – alors qu'elle est pourtant la seule qui soit presque entièrement évitable. MSF considère l'accès à l'avortement médicalisé comme un élément essentiel des soins de santé reproductive pour réduire la mortalité maternelle ainsi que la souffrance liée aux grossesses non désirées, considérées comme une vulnérabilité universelle. Un avortement est considéré comme sûr s'il est pratiqué selon une méthode recommandée par l'OMS et adaptée à la durée de la grossesse, et si la personne qui réalise l'avortement est formée. Si l'une de ces conditions n'est pas remplie, l'avortement est dangereux.
L'avortement sécurisé peut être pratiqué soit avec des médicaments, soit avec une procédure ambulatoire. Un avortement médicamenteux est efficace à plus de 95 % et est extrêmement sûr, avec moins de 1% de risque de complications graves. Il a élargi l'accès aux soins d'avortement sans risque à des millions de femmes et d'adolescentes à travers le monde, en particulier dans les situations de crise et dans les pays à faible revenu. L'avortement par aspiration manuelle intra-utérine est une procédure ambulatoire qui consiste à retirer la grossesse par aspiration. Cette méthode, très sécurisée, peut être pratiquée par un personnel de santé jusqu'à 14 semaines de grossesse.

De nombreuses femmes et adolescentes rencontrent pourtant encore trop d'obstacles pour accéder à un avortement médicalisé : le coût élevé des procédures, les restrictions légales, la stigmatisation, etc. Lorsque les avortements sécurisés sont inaccessibles, de nombreuses femmes et adolescentes se tournent vers des méthodes dangereuses pour mettre fin à leur grossesse. Les femmes qui, pour avorter, sont obligés de s'approvisionner en médicament sur le marché noir peuvent par exemple souffrir de complications dues à des pilules de mauvaise qualité, à un dosage incorrect ou à des informations insuffisantes.