Depuis mai 2021, MSF affrète son propre bateau, le Geo Barents, pour organiser des missions de recherche et de sauvetage en Méditerranée centrale. Les équipes de l’association sont ainsi parvenues à prendre en charge plus de 1 500 rescapés, y compris des nourrissons et des mineurs non accompagnés. Cette route migratoire est la plus dangereuse et mortelle au monde, notamment en raison des politiques irresponsables de l’Union européenne. Retour sur six mois d’intervention.
Le Geo Barents, un navire MSF
Le 13 mai 2021, MSF relance en urgence ses activités de recherche et sauvetage en Méditerranée centrale. À bord du Geo Barents se trouve une clinique, une salle de soins pour les sages-femmes et une salle d'observation, pour que les équipes médicales MSF puissent dispenser des soins médicaux aux rescapés. Le navire est également équipé de deux bateaux de sauvetage rapides qui sont déployés lors des activités de sauvetage.
Si MSF dispose de son propre navire depuis six mois, l'organisation a une longue expérience du sauvetage en mer, pour avoir notamment travaillé depuis 2015 à bord de l'Aquarius, de l'Ocean Viking et, dernièrement, à bord du Sea-Watch 4. Cette dernière opération s'est avérée très compliquée. Le Sea-Watch 4 a subi plusieurs blocages administratifs qui ont ralenti considérablement les opérations de recherche et sauvetage et ont contraint MSF et Sea-Watch à cesser leurs activités.
Notre retour en mer est le résultat direct des politiques européennes irresponsables de non-assistance aux personnes en danger en mer, qui les condamnent à mort.
Les États européens se sont désengagés de la recherche et du sauvetage en Méditerranée centrale. Ils ont manqué à leur devoir d'assistance aux personnes en danger et ont délibérément entravé, voire criminalisé, le travail indispensable des ONG de recherche et de sauvetage. Ces politiques de refoulement des flux migratoires ont conduit à l’abandon et au décès de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants aux frontières sud de l'Europe.
Méditerranée centrale : MSF continuera à sauver des vies en mer
Le 24 mai, les équipes MSF du Geo Barents réalisent leurs premiers sauvetages : 3 personnes repérées en mer ont été secourues par nos équipes. Les plus grosses opérations de la première rotation du Geo Barents ont lieu le 10, 11 et 12 juin. En trois jours, le navire a réalisé plusieurs sauvetages de bateaux en détresse autour de Malte.
Le 17 juin, MSF obtient l'autorisation de débarquer les 410 personnes à bord du Geo Barents, à Augusta en Sicile. Les équipes peuvent enfin se rendre dans un port sûr après 4 jours d’attente en Méditerranée.
Les politiques d'obstruction perdurent
Alors que des centaines de personnes continuent de périr en Méditerranée centrale, le Geo Barents est immobilisé par les autorités portuaires italiennes le 2 juillet 2021. Cette décision fait suite à une inspection de 14 heures dans le port au cours de laquelle 22 défaillances ont été identifiées à bord du bateau.
C'est la 13ᵉ fois que les autorités italiennes bloquent un navire de sauvetage d'ONG au cours des trois dernières années. La durée cumulée de ces immobilisations représente 1 078 jours, durant lesquels ces associations humanitaires n’ont pas pu mener d’opérations de sauvetage.
Bien que légitimes, ces contrôles portuaires sont aujourd’hui instrumentalisés par les autorités étatiques pour cibler les navires des ONG et empêcher les opérations de secours. Il s’agit là de motivations purement politiques. Pendant que les navires d’ONG humanitaires sont détenus, des vies continuent d'être inutilement perdues en Méditerranée.
Afin de reprendre ses activités en mer le plus rapidement possible, MSF demande dès le 4 juillet, par le biais d'un communiqué de presse, aux autorités italiennes de lever immédiatement l'ordre d'immobilisation du Geo Barents.
MSF demande l'arrêt immédiat de l’immobilisation du Geo Barents
Le 26 juillet, le Geo Barents est officiellement libéré par les gardes-côtes italiens après une nouvelle inspection de 4 heures. Cette libération fait suite à la nouvelle demande de reprise d'activités formulée par les équipes MSF le 23 juillet après avoir remis en conformité 22 irrégularités potentielles à bord.
Des rescapés par centaines
Après 24 jours de détention, le Geo Barents reprend ses activités le 3 août et assure son premier sauvetage deux jours plus tard, le 5 août.
Ce sauvetage met une nouvelle fois en lumière les difficultés rencontrées par les survivants pour fuir la Libye, où les conditions de vie sont inhumaines. À bord, ils témoignent de ce qu'ils ont vécu : pillage, humiliation, torture, détention…
Un jeune garçon malien rescapé le 5 août 2021 à bord du Geo Barents.
Secourus en Méditerranée, des rescapés témoignent
Entre le 16 et le 19 août, les opérations de sauvetage de MSF s'intensifient. Le Geo Barents compte alors 322 personnes à son bord dont 95 mineurs, des enfants et des nouveaux-nés. Le plus jeune rescapé est âgé de seulement 2 semaines.
En attente d'un port de débarquement, les équipes médicales à bord apportent des soins aux survivants. 68 personnes sont prises en charge pour des blessures traumatiques, des plaies, des brûlures mineures de carburant, ou encore des douleurs corporelles.
Nous sommes préparés pour faire face aux urgences qui peuvent survenir en mer, donc toujours prêts pour les brûlures de carburant, l'hypothermie ou les blessures. Les cas les plus courants que nous rencontrons sont liés aux conditions de vie en Libye, comme des problèmes de peau ou d'autres problèmes liés à la détention.
Il faut attendre jusqu'au 22 août pour que le Geo Barents se voit attribuer un port sûr de débarquement. Ces jours d'attente ont pesé sur l’état mental et physique des survivants.
Le 24 août, le débarquement est terminé. Toutes les personnes secourues effectuent un test Covid-19, rendu obligatoire par les autorités sanitaires italiennes.
Continuer à sauver des vies
Le 19 septembre, le Geo Barents est de nouveau dans la zone de recherche et de sauvetage.
Dès le lendemain, deux opérations de sauvetage permettent de sauver 60 personnes de la noyade.
La plupart des survivants à bord souffrent d'une exposition au carburant et certains d'entre eux présentent des blessures légères. Après de nombreuses souffrances et violences subies tout au long de leur quête d'un refuge, ces femmes, hommes, enfants sont en lieu sûr.
Le 28 septembre, MSF demande un port de débarquement. Après 7 demandes aux autorités compétentes, un port sûr est enfin attribué au Geo Barents.
Après 8 jours à bord, l'état de santé mentale des survivants ne cesse de se dégrader. Le sentiment d'espoir a été remplacé par la peur, le désespoir, l'anxiété et l'insomnie. L'incertitude concernant le processus de débarquement provoque une détresse sévère pour les personnes à bord.
Le 29 septembre, le Geo Barents débarque 60 personnes à Augusta en Sicile.
Depuis 2015, les équipes MSF ont procédé au sauvetage de plus de 82 000 personnes en Méditerranée, malgré les politiques d’obstruction menées par les États européens. De janvier à octobre 2021, plus de 1 400 personnes ont péri en mer.
Les équipes MSF poursuivent leurs opérations de sauvetage.