Les équipes MSF durant un entraînement au sauvetage. 

Les équipes MSF durant un entraînement au sauvetage. 

© Pablo Garrigos/MSF

Retour en mer

Sauvetage en Méditerranée : six mois d'activités entravées et des centaines de rescapés

Depuis mai 2021, MSF affrète son propre bateau, le Geo Barents, pour organiser des missions de recherche et de sauvetage en Méditerranée centrale. Les équipes de l’association sont ainsi parvenues à prendre en charge plus de 1 500 rescapés, y compris des nourrissons et des mineurs non accompagnés. Cette route migratoire est la plus dangereuse et mortelle au monde, notamment en raison des politiques irresponsables de l’Union européenne. Retour sur six mois d’intervention.

Les équipes MSF transfèrent 71 personnes en octobre 2021.

Les équipes MSF transfèrent 71 personnes en octobre 2021.

© Filippo Taddei/MSF
Chapitre

Le Geo Barents, un navire MSF

Le 13 mai 2021, MSF relance en urgence ses activités de recherche et sauvetage en Méditerranée centrale. À bord du Geo Barents se trouve une clinique, une salle de soins pour les sages-femmes et une salle d'observation, pour que les équipes médicales MSF puissent dispenser des soins médicaux aux rescapés. Le navire est également équipé de deux bateaux de sauvetage rapides qui sont déployés lors des activités de sauvetage.

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Les équipes MSF en approche d'un bateau avec 54 personnes à son bord, notamment 6 femmes, 21 mineurs non accompagnés et un bébé.

Les équipes MSF en approche d'un bateau avec 54 personnes à son bord, notamment 6 femmes, 21 mineurs non accompagnés et un bébé.

© Pablo Garrigos/MSF

Si MSF dispose de son propre navire depuis six mois, l'organisation a une longue expérience du sauvetage en mer, pour avoir notamment travaillé depuis 2015 à bord de l'Aquarius, de l'Ocean Viking et, dernièrement, à bord du Sea-Watch 4. Cette dernière opération s'est avérée très compliquée. Le Sea-Watch 4 a subi plusieurs blocages administratifs qui ont ralenti considérablement les opérations de recherche et sauvetage et ont contraint MSF et Sea-Watch à cesser leurs activités.

Notre retour en mer est le résultat direct des politiques européennes irresponsables de non-assistance aux personnes en danger en mer, qui les condamnent à mort.

Ellen van der Velden ,  Responsable des opérations de recherche et de sauvetage de MSF

Les États européens se sont désengagés de la recherche et du sauvetage en Méditerranée centrale. Ils ont manqué à leur devoir d'assistance aux personnes en danger et ont délibérément entravé, voire criminalisé, le travail indispensable des ONG de recherche et de sauvetage. Ces politiques de refoulement des flux migratoires ont conduit à l’abandon et au décès de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants aux frontières sud de l'Europe.

MSF Geo Barents prêt à prendre la mer
© MSF/Avra Fialas

Méditerranée centrale : MSF continuera à sauver des vies en mer

Retrouvez notre communiqué de presse

Le 24 mai, les équipes MSF du Geo Barents réalisent leurs premiers sauvetages : 3 personnes repérées en mer ont été secourues par nos équipes. Les plus grosses opérations de la première rotation du Geo Barents ont lieu le 10, 11 et 12 juin. En trois jours, le navire a réalisé plusieurs sauvetages de bateaux en détresse autour de Malte.

Le 17 juin, MSF obtient l'autorisation de débarquer les 410 personnes à bord du Geo Barents, à Augusta en Sicile. Les équipes peuvent enfin se rendre dans un port sûr après 4 jours d’attente en Méditerranée.

Sauvetage de 54 personnes sur un bateau gonflable.
Les équipes MSF en approche d'une embarcation en détresse.
Sur le bateau, 26 personnes dont 15 mineurs non accompagnés. Pendant le sauvetage, les équipes MSF ont été menacées à la radio par les gardes-côtes libyens.
Opérations de sauvetage en mer des équipes MSF. © Gauche : Pablo Garrigos/MSF © Droite : Avra Fialas/MSF
Rescue 4 - Rotation 4

Dans la soirée du 23 octobre 2021, les équipes du Geo Barents ont secouru un canot pneumatique avec 95 personnes à bord, juste avant qu'il ne soit intercepté par les garde-côtes libyens.

© Filippo Taddei/MSF
Chapitre

Les politiques d'obstruction perdurent

Alors que des centaines de personnes continuent de périr en Méditerranée centrale, le Geo Barents est immobilisé par les autorités portuaires italiennes le 2 juillet 2021. Cette décision fait suite à une inspection de 14 heures dans le port au cours de laquelle 22 défaillances ont été identifiées à bord du bateau.

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Les Geo Barents, immobilisé dans le port d'Augusta en Sicile. 

Le Geo Barents, immobilisé dans le port d'Augusta en Sicile.

© Pablo Garrigos/MSF

C'est la 13ᵉ fois que les autorités italiennes bloquent un navire de sauvetage d'ONG au cours des trois dernières années. La durée cumulée de ces immobilisations représente 1 078 jours, durant lesquels ces associations humanitaires n’ont pas pu mener d’opérations de sauvetage.

Bien que légitimes, ces contrôles portuaires sont aujourd’hui instrumentalisés par les autorités étatiques pour cibler les navires des ONG et empêcher les opérations de secours. Il s’agit là de motivations purement politiques. Pendant que les navires d’ONG humanitaires sont détenus, des vies continuent d'être inutilement perdues en Méditerranée.

Duccio Staderini ,  Représentant MSF pour la recherche et le sauvetage en mer

Afin de reprendre ses activités en mer le plus rapidement possible, MSF demande dès le 4 juillet, par le biais d'un communiqué de presse, aux autorités italiennes de lever immédiatement l'ordre d'immobilisation du Geo Barents.

Une embarcation sur le point d'être interceptée par les gardes-côtes libyens. Les équipes MSF arrivent avant et font monter les rescapés à bord du Geo Barents.
© Filippo Taddei/MSF

MSF demande l'arrêt immédiat de l’immobilisation du Geo Barents

Retrouvez notre communiqué de presse

Le 26 juillet, le Geo Barents est officiellement libéré par les gardes-côtes italiens après une nouvelle inspection de 4 heures. Cette libération fait suite à la nouvelle demande de reprise d'activités formulée par les équipes MSF le 23 juillet après avoir remis en conformité 22 irrégularités potentielles à bord.

Les équipes MSF sur le point de transférer des rescapés.

Les équipes MSF sur le point de transférer des rescapés.

© Avra Fialas/MSF
Chapitre

Des rescapés par centaines

Après 24 jours de détention, le Geo Barents reprend ses activités le 3 août et assure son premier sauvetage deux jours plus tard, le 5 août.

Ce sauvetage met une nouvelle fois en lumière les difficultés rencontrées par les survivants pour fuir la Libye, où les conditions de vie sont inhumaines. À bord, ils témoignent de ce qu'ils ont vécu : pillage, humiliation, torture, détention…

Un groupe de rescapés sur le pont du Geo Barents.

Un groupe de rescapés sur le pont du Geo Barents.

 

© Vincent Haiges
« Nous avons échappé à l'enfer. Sur ce bateau en bois, avant que vous ne nous sauviez, notre moteur était cassé, nous dérivions dans les vagues. Nous avons choisi de continuer malgré notre faible chance d'atteindre l'Europe et notre risque énorme de mourir. Nous avons tous préféré mourir dans la mer Méditerranée plutôt que de vivre un instant de plus en Libye.»

Un jeune garçon malien rescapé le 5 août 2021 à bord du Geo Barents.
Un migrant secouru en Méditerranée à bord du Geo Barents le 20 septembre 2021.
© Pablo Garrigos/MSF

Secourus en Méditerranée, des rescapés témoignent

Retrouvez leurs témoignages

Entre le 16 et le 19 août, les opérations de sauvetage de MSF s'intensifient. Le Geo Barents compte alors 322 personnes à son bord dont 95 mineurs, des enfants et des nouveaux-nés. Le plus jeune rescapé est âgé de seulement 2 semaines. 

Un sauvetage de nuit pour récupérer 34 personnes dans une embarcation en détresse.
Sauvetage de 188 personnes sur une embarcation en bois, le 15 août.
Les équipes MSF en approche d'une embarcation en détresse.
Opérations de sauvetage des équipes MSF de nuit. © : Vincent Haiges

En attente d'un port de débarquement, les équipes médicales à bord apportent des soins aux survivants. 68 personnes sont prises en charge pour des blessures traumatiques, des plaies, des brûlures mineures de carburant, ou encore des douleurs corporelles.

Nous sommes préparés pour faire face aux urgences qui peuvent survenir en mer, donc toujours prêts pour les brûlures de carburant, l'hypothermie ou les blessures. Les cas les plus courants que nous rencontrons sont liés aux conditions de vie en Libye, comme des problèmes de peau ou d'autres problèmes liés à la détention.

Catherine ,  Médecin à bord du Geo Barents

Il faut attendre jusqu'au 22 août pour que le Geo Barents se voit attribuer un port sûr de débarquement. Ces jours d'attente ont pesé sur l’état mental et physique des survivants.

Le 24 août, le débarquement est terminé. Toutes les personnes secourues effectuent un test Covid-19, rendu obligatoire par les autorités sanitaires italiennes.

Un sauvetage de nuit. 188 personnes étaient à bord de cette embarcation.

Un sauvetage de nuit. 188 personnes étaient à bord de cette embarcation.

© Vincent Haiges
Chapitre

Continuer à sauver des vies

Le 19 septembre, le Geo Barents est de nouveau dans la zone de recherche et de sauvetage.

Le Geo Barents de retour en Mer Méditerranée

Dès le lendemain, deux opérations de sauvetage permettent de sauver 60 personnes de la noyade. 

La plupart des survivants à bord souffrent d'une exposition au carburant et certains d'entre eux présentent des blessures légères. Après de nombreuses souffrances et violences subies tout au long de leur quête d'un refuge, ces femmes, hommes, enfants sont en lieu sûr. 

Le 28 septembre, MSF demande un port de débarquement. Après 7 demandes aux autorités compétentes, un port sûr est enfin attribué au Geo Barents.

Après 8 jours à bord, l'état de santé mentale des survivants ne cesse de se dégrader. Le sentiment d'espoir a été remplacé par la peur, le désespoir, l'anxiété et l'insomnie. L'incertitude concernant le processus de débarquement provoque une détresse sévère pour les personnes à bord.

Hager Saadallah ,  Psychologue MSF

Le 29 septembre, le Geo Barents débarque 60 personnes à Augusta en Sicile.

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Des rescapés débarquent dans le port d'Augusta en Sicile.

Des rescapés débarquent dans le port d'Augusta en Sicile.

© Pablo Garrigos/MSF

Depuis 2015, les équipes MSF ont procédé au sauvetage de plus de 82 000 personnes en Méditerranée, malgré les politiques d’obstruction menées par les États européens. De janvier à octobre 2021, plus de 1 400 personnes ont péri en mer.

Les équipes MSF poursuivent leurs opérations de sauvetage.

Notes