Ukraine : alors que les combats s’intensifient, des hôpitaux sont bombardés et des civils sont isolés

L'hôpital psychiatrique détruit de Semenovka près de Slavyansk dans la région de Donetsk en novembre 2014.
L'hôpital psychiatrique détruit de Semenovka, près de Slavyansk, dans la région de Donetsk, en novembre 2014. © Julie Remy/MSF

Les combats s’accentuent dans l’Est de l’Ukraine, atteignant un niveau jamais connu depuis le mois d’août, et la situation des civils piégés dans ce conflit est désormais extrêmement grave. MSF renforce son support à des hôpitaux proches de la ligne de front où des médecins travaillent, s’efforçant de soigner les blessés avec de moins en moins de matériel. Mais les combats intenses empêchent les équipes médicales d’atteindre les zones les plus durement touchées.

Sous pression jusqu’au point de rupture. "Depuis des mois, le personnel médical est soumis à des pressions énormes et doit faire face à des milliers de personnes blessées et déplacées, explique Loïc Jaeger, chef de mission adjoint pour MSF en Ukraine. L’intensification des combats a encore exacerbé le manque de médicaments essentiels tels les antibiotiques, les analgésiques et le matériel de suture. Les médecins et le corps infirmier qui travaillent sur la ligne de front ont désormais atteint leur point de rupture."

Les directeurs des hôpitaux de Donetsk, Stakhanov, Pervomaisk et Novoaidar, auxquels MSF fournit du matériel médical depuis le début du conflit, rapportent que le nombre de civils blessés admis augmente depuis que les lourds combats ont repris le 13 janvier. Depuis cette date, nos équipes fournissent du matériel à ces hôpitaux ainsi qu’à 7 autres structures, situés de part et d’autre de la ligne de front, afin de leur permettre de traiter jusqu’à 500 blessés.

Des hôpitaux bombardés. Le conflit n’a jamais épargné les structures sanitaires. La semaine dernière, trois cliniques à Donetsk et Luhansk ont été touchées par des bombes et des roquettes. Le 19 janvier, une roquette a frappé l’hôpital de Donetsk #3 alors qu’il est situé au centre-ville, au moins à sept kilomètres de la ligne de front.

"Bombarder des structures médicales, de manière ciblée ou indiscriminée, est totalement inacceptable, poursuit Loïc Jaeger. Endommager ou détruire des cliniques, cela signifie que des blessés ne seront pas soignés aujourd’hui, mais aussi que des femmes enceintes, des enfants malades ou encore des personnes qui souffrent de diabète ou d’hypertension ne seront pas soignés demain. Toutes les parties dans ce conflit doivent s’assurer que les hôpitaux soient épargnés et que le staff médical puisse assumer son travail sans avoir à craindre pour sa vie."

Le 14 janvier, un hospice pour patients atteints de troubles mentaux, situés à Slavyanoserbsk, dans la région de Luhansk, a été gravement endommagé lorsque la ville subissait d’intenses bombardements. Depuis le début du conflit, MSF soutient cet hospice en lui fournissant des médicaments et du matériel d'hygiène. Une équipe MSF a réussi à atteindre l’hôpital principal de laville le 19 janvier pour y donenr du matériel en quantité suffisante pour traiter 50 blessés. Suite aux bombardements, l’hôpital s’est retrouvé sans électricité pendant deux jours. L’équipe MSF a vu au moins 10 maisons récemment détruites dans le centre de Slavyanoserbsk.

Des civils isolés. "Il devient de plus en plus compliqué d’entrer et de sortir de la zone de conflit, tant pour les civils que pour les équipes MSF qui tentent d’apporter leur assistance, décrit Loïc Jaeger. Lundi et mardi derniers, notre équipe a tenté de fournir du matériel urgemment nécessaire à un hôpital situé dans la ville de Gorlovka, à Donetsk, sur la ligne de front. Les camions ont été refoulés aux check points. Nous n’avons toujours pas pu livrer ce matériel. Pourtant la situation se dégrade rapidement pour les civils et il est crucial que toutes les parties permettent à l’aide humanitaire d’atteindre ceux qui en ont désespérément besoin."

Depuis novembre, une série de mesures prises par le gouvernement ukrainien ont en effet isolé les civils vivant dans les zones contrôlées par les rebelles. Il est ainsi devenu de plus en plus difficile de fournir une assistance humanitaire dans ces zones. Tout support aux services publiques et sociaux a été supprimé, y compris le paiement des pensions, du matériel médical et des salaires des employés du service public, dont le personnel de santé. Les banques ont été sommées de fermer les comptes et tous les services bancaires sont bloqués dans ces zones, y compris le retrait de liquide et les paiements par cartes de crédit. Les gens sont obligés de se rendre dans les villes situées de l’autre côté de la ligne de front pour tenter de retirer de l’argent ou de toucher leur pension. Cette situation risque de s’aggraver encore suite à une nouvelle mesure entrée en vigueur le 21 janvier, obligeant toute personne souhaitant sortir ou rentrer à l’intérieur des zones contrôlées par les rebelles à posséder un passe spécial. En outre, depuis le 19 janvier, les mouvements dans et hors de Luhansk sont fortement restreints à cause des combats et des routes endommagées.

Depuis le début du conflit en Ukraine, les équipes de MSF soutiennent des structures médicales dans la région de Donetsk et Luhansk. Elles fournissent du matériel médical et réalisent des activités de support psychologiques. Depuis le mois de mai, nos équipes soutiennent 70 structures médicales situées des deux côtés de la ligne de front (donations pour soigner plus de 13 500 blessés). Au vu des difficultés rencontrées par la population pour accéder à des soins de santé de base, nous soutenons désormais des centres de santé primaire et des maternités situés dans les zones touchées par le conflit. Dans différentes villes, des psychologues MSF apportent un soutien aux personnes affectées par le conflit, individuellement ou en groupe. Les psychologues MSF organisent aussi une formation pour des psychologues locaux, des travailleurs sociaux et du personnel médical travaillant dans toute la région sinistrée. MSF poursuit également sont programme de traitement contre la tuberculose multirésistante au sein du système pénitentiaire régional de Donetsk. Ce programme existe depuis 2011.

Notes

    À lire aussi