Akuem, un village de santé au milieu de la brousse

A Akuem, dans le Bahr El Ghazal, région au sud du Soudan, Médecins Sans Frontières gère un centre de santé. Dans cette zone isolée et difficile d'accès, c'est la seule structure de référence à des kilomètres à la ronde.


Un village de santé perdu au milieu de la brousse. C'est peut-être la définition qui résume le mieux ce qu'est Akuem. Lorsque MSF a décidé d'y ouvrir une mission, en juin 1999, Akuem était à peine un village. Juste un petit marché et, disséminées à quelques kilomètres à la ronde, des huttes traditionnelles - les tukuls - abritant des familles de l'ethnie Dinka.

Mais cette zone du Bahr El Ghazal, l'une des régions du sud du Soudan, subissait de plein fouet les conséquences de la guerre opposant depuis 1983 le gouvernement de Karthoum, la capitale du pays, aux rebelles du sud, menés par le SPLA/M (Mouvement/Armée de libération du peuple du Soudan). Les va-et-vient de la ligne de front, aggravés par des années de sécheresse, ont provoqué là, à plusieurs reprises, de graves crises nutritionnelles.

C'est à l'occasion d'un de ces épisodes de pénurie alimentaire que MSF a mené sa première intervention à Akuem, organisant des distributions de nourriture et ouvrant un centre nutritionnel thérapeutique pour prendre en charge les cas de malnutrition sévère* chez les enfants. MSF a ensuite choisi de rester pour créer un centre de santé de référence dans une région où n'existait pratiquement aucune structure de soins.

Depuis un peu plus de deux ans, cette zone n'a pas connu de combats, suite au cessez-le-feu signé en juillet 2002 dans le cadre des négociations de paix. Du coup, les cultures ont pu reprendre leur cours et la situation alimentaire commence enfin, cette année en tout cas, à s'améliorer. En revanche, le centre de santé d'Akuem est toujours la seule structure sanitaire d'envergure dans la région.

 

Akuem, au bout du monde

Pour arriver jusqu'à Akuem, compte tenu du conflit, il faut passer par le Kenya. Nairobi d'abord, puis Lokichoggio, étrange "cité humanitaire" au nord du pays, base logistique d'où part une grande partie de l'aide à destination du sud du Soudan. De là, un avion effectue tous les dix jours une "rotation" pour approvisionner Akuem en médicaments, en nourriture, en matériel... et en volontaires.

Avant de se poser, l'avion survole à trois ou quatre reprises la clairière qui fait office de piste, histoire de chasser les chèvres et les enfants qui traînent là. Histoire, aussi, de repérer l'état de la piste pour tenter de se poser - à vue, bien sûr, puisque ici la tour de contrôle n'est qu'un lointain souvenir! - sur sa partie la plus sèche.

En ce début de mois de septembre, en pleine saison des pluies, le terrain est parsemé de plaques d'herbes et de flaques. Le pilote réussit son atterrissage sans encombre, mais il faudra tout de même pousser l'avion sur une plaque de terre plus sèche pour qu'il ne risque pas de s'embourber en allant se positionner pour décoller!


Un vrai petit hôpital

La visite du centre de santé, sous la houlette de Kathy, la responsable de terrain, permet de rentrer dans le vif du sujet. Dans le jargon humanitaire, Akuem est un PHCC, un primary healthcare center, c'est-à-dire une structure qui offre l'ensemble des soins de base.

Un vrai petit hôpital, avec 80 lits d'hospitalisation, soins intensifs, consultations, maternité, pharmacie et salle de pansements. Il faut cependant faire une croix sur les repères occidentaux d'hôpitaux aseptisés qui baignent dans une odeur de chlore. Ici, la plupart des activités se déroulent sous tentes.

Quant aux quelques bâtiments (notamment pour stocker les médicaments et pour les soins intensifs), leurs murs de terre s'érodent peu à peu au fil de la saison des pluies et leurs toits de chaume nécessitent une maintenance de tous les jours. Malgré ces conditions précaires, le PHCC d'Akuem offre une gamme de soins élargie et de qualité dans la région.

L'année dernière, 50 000 consultations ont été réalisées, 3 185 patients ont été hospitalisés, 337 accouchements y ont eu lieu, et plus de 220 patients tuberculeux ont été mis sous traitement. Le plus impressionnant, lors d'un premier tour des activités du PHCC, est d'ailleurs l'aile consacrée à la tuberculose, séparée du reste pour éviter la propagation de cette maladie très contagieuse. Des hommes squelettiques aux yeux malades, des patients trop faibles pour tenir debout, quelques enfants affligés de fortes déformations osseuses, particulièrement à la colonne vertébrale, certains ne pouvant même pas marcher. Et, en bruit de fond, des quintes de toux et des raclements de gorge.


13 volontaires de 5 nationalités

En ce début de mois de septembre, pour faire tourner le PHCC, et mener une campagne de dépistage et de traitement du paludisme, treize volontaires travaillent à Akuem: une responsable de terrain, qui chapeaute deux médecins, trois infirmières et deux infirmiers, un technicien de laboratoire, deux logisticiens, un mécanicien et un administrateur. Un mélange de nationalités (Angleterre, Australie, Etats-Unis, France, Japon, Kenya) et d'âges (de 26 à 58 ans) qui semble avoir trouvé son équilibre pour travailler et vivre ensemble, 24 heures sur 24, dans ce lieu coupé du monde.

A suivre...

 

Notes

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