Gaza : multiplication des cas de brûlures graves pour cause de logements insalubres

Omar, 20 mois, lors du changement de ses pansements dans la clinique MSF de la ville de Gaza. 2021.
Omar, 20 mois, lors du changement de ses pansements dans la clinique MSF de la ville de Gaza. 2021. © Tetiana Gaviuk/MSF

En 2021 à Gaza, Médecins Sans Frontières a traité 5 540 personnes pour brûlures, soit presque mille de plus que l'année précédente. Dans ce territoire asphyxié par des années de blocus israélien, les brûlures de peau constituent un problème de santé chronique touchant avant tout les enfants. En cause : la précarité de l'habitat.  Près de 70 % des habitants sont des réfugiés vivant dans des logements insalubres.

Dans la clinique MSF de Khan Younis, dans le sud de Gaza, quatre physiothérapeutes se préparent pour une journée bien remplie. Ils portent un équipement de protection individuelle et examinent la liste des patients pour la journée : 46 au total, dont près de la moitié sont des enfants qui se remettent de brûlures.

Reem Abu Lebdeh, l'une des physiothérapeutes, enlève les vêtements compressifs d'Abdallah, 21 mois, et examine attentivement les cicatrices sur ses jambes, son abdomen et son bras droit. Dix mois auparavant, 50% de la surface du corps d'Abdallah a été brûlée. Il a passé plus de deux mois à l'hôpital et a reçu une greffe de peau de son père. « Encore quelques séances et il pourrait être libéré », déclare Reem Abu Lebdeh.

Ce n'est pourtant pas la fin du traitement d'Abdallah. « Les cicatrices ne restreignent pas ses mouvements pour le moment, explique Reem Abu Lebdeh, mais cela pourrait changer à mesure qu'il grandira. Il devra continuer à porter un vêtement compressif jusqu'à ce que ses cicatrices cessent de croître et il devra être réévalué régulièrement. »

Sham, 2 ans, est assise avec ses parents dans leur chambre du camp de réfugiés de Khan Younis. Gaza. 2021.
 © Tetiana Gaviuk/MSF
Sham, 2 ans, est assise avec ses parents dans leur chambre du camp de réfugiés de Khan Younis. Gaza. 2021. © Tetiana Gaviuk/MSF

Chaque année, les cliniques MSF de Gaza traitent 5 000 nouvelles victimes de brûlures, dont la grande majorité sont des enfants blessés dans des accidents domestiques. L’insalubrité des logements est l'une des principales causes de ces incidents. Près de 70 % des habitants de Gaza sont des réfugiés, dont beaucoup vivent dans des camps, tandis que plus de la moitié de la population vit dans la pauvreté, selon les Nations unies. En conséquence, un grand nombre de personnes vivent dans des logements surpeuplés et dangereux, sans accès suffisant à l'électricité, au chauffage, à l'eau potable ou à l'assainissement. « De nombreuses brûlures pourraient être évitées grâce à des logements plus sûrs et en sensibilisant les gens sur les risques », explique Séverine Brunet, responsable MSF des activités de traitement des brûlures.

À quelques lits d'Abdallah se trouve Sham, une fillette de deux ans dont la brûlure est également le résultat d'un accident domestique. La physiothérapeute Noura Alzaeem lui prodigue un massage des cicatrices. La famille de Sham, composée de quatre personnes, vit dans une chambre louée dans le camp de réfugiés de Khan Younis : un petit espace qui ne peut accueillir qu'un lit, un matelas et deux placards. La mère de Sham cuisine sur le sol du palier, à l'extérieur de la pièce. Un jour, Sham s'est prise dans les fils de la cuisinière électrique pendant que sa mère cuisinait. Elle a chuté et le poêle chaud est tombé sur elle, brûlant 10 % de son corps.

Un physiothérapeute MSF prépare un pansement additionnel pour Wadi, 3 ans. Gaza. 2021.
 © Tetiana Gaviuk/MSF
Un physiothérapeute MSF prépare un pansement additionnel pour Wadi, 3 ans. Gaza. 2021. © Tetiana Gaviuk/MSF

Il y a trois ans, le frère aîné de Sham, Jamal, alors âgé de deux ans, a également subi une brûlure après être tombé de son lit, sur un poêle. Il a été soigné dans une clinique MSF durant huit mois, explique sa mère.

L'espace dédié à la cuisine, où Nabeel, 4 ans, s'est brûlé le dos. Gaza. 2021.
 © Tetiana Gaviuk/MSF
L'espace dédié à la cuisine, où Nabeel, 4 ans, s'est brûlé le dos. Gaza. 2021. © Tetiana Gaviuk/MSF

En 2021, MSF a traité 5 540 nouveaux brûlés, contre 4 591 en 2020 et 3 675 en 2019. En moyenne, plus de 60 % d'entre eux étaient des enfants de moins de 15 ans et 35 % étaient des enfants de moins de cinq ans. Comme Abdallah et Sham, beaucoup ont été blessés dans des accidents domestiques causés par des logements insalubres.

Un traitement adéquat dans les 48 premières heures est essentiel pour le rétablissement des patients brûlés, mais les victimes de brûlures et leurs familles connaissent rarement les premiers soins adéquats. Atteindre l'hôpital peut aussi être un défi. Lorsque Nabeel, quatre ans, s'est accidentellement appuyé contre un four chaud dans lequel sa grand-mère Sana faisait cuire du pain, le bas de son dos a été gravement brûlé. Dans l’impossibilité de payer un taxi, il a fallu une heure à sa famille pour se rendre à l'hôpital, au moyen d’une charrette tirée par des chevaux.

Nabeel avec sa famille à Khan Younis. Cet enfant de 4 ans s'est brûlé le dos et a été pris en charge par les équipes MSF de Gaza. 2021.
 © Tetiana Gaviuk/MSF
Nabeel avec sa famille à Khan Younis. Cet enfant de 4 ans s'est brûlé le dos et a été pris en charge par les équipes MSF de Gaza. 2021. © Tetiana Gaviuk/MSF

Pour augmenter leurs chances de guérison, les patients gravement brûlés ont besoin de changements fréquents de leurs pansements, de physiothérapie et de traitements de suivi, mais beaucoup finissent par ne plus venir à leurs rendez-vous à cause des frais de transport. MSF assure le transport vers et depuis sa clinique de Gaza pour éviter ce problème.

« Suivre tout son traitement est très important, mais c'est très difficile pour nos patients à Gaza, déclare Séverine Brunet. En outre, une mauvaise hygiène, due à un accès insuffisant à l'eau potable et à l'assainissement, augmente le risque d'infection et de résistance aux antibiotiques, un problème répandu à Gaza. De nombreux patients n'ont pas accès à une bonne alimentation ou ont des comorbidités qui ralentissent leur processus de guérison. »

Les brûlures peuvent avoir un impact durable sur la santé physique et psychologique, tandis que le traitement peut nécessiter une hospitalisation prolongée et des mois de soins de suivi pour éviter la défiguration et l'invalidité. Des soins que le système de santé de Gaza, paralysé par le blocus israélien et égyptien, ne peut pas offrir.

Pour améliorer l'accès à des soins de qualité pour les victimes de brûlures, MSF fournit une prise en charge des plaies et de la douleur, de la physiothérapie et un soutien psychosocial aux victimes de brûlures et à leurs soignants dans quatre cliniques de la bande de Gaza. L'association soutient également l'unité des brûlés de l'hôpital Al-Shifa - la principale unité de référence à Gaza – où en moyenne 270 patients sont traités chaque année pour des brûlures. Cependant, tant que les gens continueront à vivre dans des logements insalubres et surpeuplés, le fardeau des brûlures continuera de peser sur Gaza.

Notes

    À lire aussi