Une semaine après le séisme qui a dévasté Haïti le 12 janvier dernier, la priorité pour les équipes de MSF est de fournir des soins chirurgicaux aux nombreux blessés. Les structures de santé ayant été totalement détruites, dix salles d'opération ont été mises en place rapidement à Port-au-Prince et dans trois villes à l'ouest de la capitale haïtienne.
Par ailleurs, un hôpital gonflable constitué de deux blocs opératoires et d'une capacité d'accueil de 100 lits devrait être opérationnel dans les prochains jours.
Le point sur les besoins médicaux et les risques sanitaires auxquels nos équipes sont confrontées en Haïti avec le docteur Brigitte Vasset.
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Des milliers de personnes attendent d'être opérées en Haïti. Quelles sont les priorités des équipes MSF pour ces blessés ?
La plupart des blessés qui ont été touchés à l'abdomen, au thorax ou à la tête, ne peuvent être sauvés que dans les premières heures. La priorité demeure néanmoins de restaurer une capacité chirurgicale pour pouvoir faire de la chirurgie traumatologique, parce qu'il est encore possible de sauver des blessés, en particulier ceux victimes de plaies profondes, les fractures ouvertes et les membres écrasés.
Justement, si ces blessés attendent trop longtemps pour être traités, que se passe-t-il ?
Nos équipes sont contraintes d'amputer beaucoup de personnes. Cette intervention est pratiquée lorsque les membres (inférieurs ou supérieurs) d'un blessé sont broyés ou pour stopper les risques liés à la gangrène.
Dans le cas de Haïti, beaucoup de blessés présentaient des plaies profondes et des fractures ouvertes, qui lorsqu'elles ne sont pas traitées à temps, s'infectent très rapidement.
Si rien n'est fait, cette infection risque de s'intensifier et d'entraîner une gangrène, qui elle-même entraîne le risque d'une septicémie (infection généralisée du sang), engageant le pronostic vital de la personne. Cependant, un début d'infection n'implique pas une amputation, on peut retarder sa propagation en débridant soigneusement et correctement les plaies et en mettant les blessés sous antibiotiques.
Les blessés qui présentent des fractures ouvertes, mais qui n'ont pas subi d'amputations, doivent passer au bloc opératoire. Dans ces cas-là, il faut nettoyer et gratter l'os, enlever tous les fragments d'os et ensuite, mettre des fixateurs externes.
Parfois, certains développent une infection de l'os (ostéomyélite). Une deuxième intervention peut alors être nécessaire pour soit nettoyer et gratter l'os à nouveau, ou amputer si l'infection n'est pas traitable.
Un autre type de patients nécessitant une prise en charge chirurgicale sont les personnes gravement brûlées. Lors du tremblement de terre, l'effondrement des bâtiments a par exemple provoqué des explosions de gaz. Les besoins en pansements sous anesthésie et parfois en greffes de peau nécessitent un passage au bloc opératoire.
Pour tous les blessés, il faut être attentif au tétanos. En effet, en Haïti la couverture vaccinale est faible et le développement du tétanos, maladie grave et potentiellement mortelle, est un risque pour les blessés (cf. tsunami 04/05).
On entend parfois parler de syndrome d'écrasement, de quoi s'agit-il ?
Le syndrome d'écrasement ou crush syndrome, est provoqué lors d'une compression trop longue et importante des masses musculaires. Les toxines s'accumulent dans le muscle comprimé et lorsque cela s'arrête, les toxines libérées en trop grand nombre ne peuvent pas être filtrées instantanément par les reins. Cela provoque des insuffisances rénales. C'est pourquoi les équipes doivent être renforcées en médecins spécialisés en néphrologie et en appareils pouvant effectuées des dialyses.
Les cadavres sont-ils facteurs d'épidémies ?
Dans ce genre de situation, comme une catastrophe naturelle (ici un tremblement de terre), les cadavres ne sont pas un risque sanitaire. Ils ne présentent pas de menaces épidémiques puisque la cause de leur mort n'est pas liée à une maladie infectieuse. Pour qu'un cadavre présente un risque, il faut que la personne soit porteuse d'une maladie infectieuse avant sa mort.
Outre les blessés, y a-t-il des risques sanitaires pour le reste de la population ?
Dans le cas d'Haïti, il y a de grands regroupements de populations et c'est plutôt ces rassemblements qui constituent un réel risque sanitaire. En effet, la promiscuité entre les personnes et les mauvaises conditions d'hygiène favorisent le développement de maladies. Donc il faut être vigilant face au risque d'épidémies de diarrhées et de maladies respiratoires, comme les pneumonies.
On se souvient également qu'une épidémie de typhoïde avait eu lieu en 2003 à la frontière dominicaine. En l'absence de traitement, cette maladie peut provoquer des complications engageant le pronostic vital. En revanche, il n'y a pas eu d'épidémie de choléra déclarée depuis longtemps en Haïti, donc ce n'est pas le premier risque à envisager.
Comme toujours dans ce type de situation, la tranche d'âge la plus à risque est celle des enfants moins de cinq ans. Chez les enfants, il faut être attentif aux cas de rougeole et envisager rapidement une vaccination de masse si nécessaire. En effet, nous savons que la couverture vaccinale rougeole en Haïti n'était pas optimale avant le séisme.
Une autre maladie pour laquelle il faut être vigilant est la diphtérie, une angine grave provoquant des risques d'asphyxie et de complications, qui touche particulièrement les moins de cinq ans et qui peut être mortelle ; on sait qu'Haïti a été touché par une épidémie de diphtérie en 2005/ 2006.
On annonce des précipitations abondantes pour ce week-end en Haïti. Que peut-il se passer ?
D'abord l'arrivée de précipitations peut être positive en Haïti puisque la population manque cruellement d'eau potable, encore faut-il qu'ils aient des récipients disponibles (bassines, seaux) pour récolter cette eau de pluie.
Mais l'arrivée de pluies abondantes pourrait bien évidemment comporter des aspects négatifs. Le premier, c'est le risque d'épidémies diarrhéiques, en particulier chez les moins de cinq ans : si la population recueille directement l'eau des mares qui vont se former et si les enfants jouent dedans.
Ensuite, si les gens gardent sur eux des vêtements et des couvertures mouillés ou humides, il y a un risque d'épidémie d'infections respiratoires. Encore une fois, la tranche d'âge la plus à risque est celle des enfants de moins de cinq ans.
A moyen terme, si les pluies et les mares persistent, les eaux vont stagner, se transformant en gîte à moustiques. Même si le pic saisonnier de paludisme est atteint au mois de mai, l'hypothèse d'avoir à traiter des cas de paludisme n'est pas à exclure.
Une autre maladie transmissible par les moustiques est la dengue. En Haïti, cette maladie, qui déclenche des fièvres hémorragiques, a sévit en décembre dans la région.