« Ils ont abattu 13 membres de ma famille » : récits de la violence extrême et des déplacements forcés des communautés réfugiées dans les monts Nuba, au Soudan

Depuis avril 2023, début de la guerre entre les forces armées soudanaises et les forces de soutien rapide, on estime que 11 millions de personnes ont été déplacées à l'intérieur du pays. Des centaines de milliers d’entre elles ont trouvé refuge dans la région des monts Nuba, dans l’État du Kordofan du Sud. Cette région, jusqu'ici relativement épargnée par les violences, accueille de nombreux déplacés qui peinent à trouver de la nourriture, un abri et un accès aux soins de santé. De nouveaux déplacés continuent d’arriver chaque jour, aggravant une situation déjà critique. Médecins Sans Frontières (MSF) intervient dans cinq camps pour fournir des soins médicaux.
« Ils ont attaqué tôt le matin. J’ai pris ce que je pouvais et nous nous sommes enfuis. J'ai perdu deux de mes enfants dans la fuite. Jusqu'à présent, je n’ai pas de nouvelles et je ne sais pas où ils sont, nous n’avons pas de téléphone », explique une femme d'une cinquantaine d'années. Avec sa famille, elle a marché cinq jours sans nourriture pour atteindre Al Hadra, dans le Kordofan du Sud. Une fois arrivée, un bombardement a tué sa fille de 15 ans. « C'était la première fois que je voyais des bombardements. J'étais dans la brousse en train de ramasser du bois pour nous abriter. Ma fille était allée chercher de l'eau. Je me suis précipitée vers ma tente, elle n’était pas rentrée. Plus tard, ils [les villageois] m'ont apporté son corps. »
La région des monts Nuba connait des vagues de déplacements depuis des décennies en raison du conflit entre le Mouvement populaire de libération du Soudan-Nord (SPLM-N) et le gouvernement soudanais. De nombreuses personnes ont déjà été contraints de fuir et de se déplacer à de multiples reprises. Mais le déclenchement d’une autre guerre en 2023 entre les forces armées soudanaises et les forces de soutien rapide a accentué les déplacements vers cette région en grande partie sous le contrôle du (SPLM-N) qui reste donc un peu moins exposée aux violences de cette guerre.
Un homme d'une cinquantaine d'années explique que des soldats sont entrés dans la ville d’Habila, dans le nord du Kordofan, en ciblant une partie de la population sur des critères ethniques : « Dès leur arrivée, ils ont capturé une grande partie de ma famille : 13 personnes, tous des hommes. La milice les a rassemblés dans une maison et les a tous abattus. J’ai réussi à m’enfuir. » Il est parti à Tungul, dans le Kordofan du Sud. Il y avait de la nourriture et de l’eau mais aucun accès aux soins de santé, ce qui l’a contraint à fuir de nouveau. « De Tungul, je suis allé au camp de déplacés de Korgul. Ici, les choses sont plus calmes. Je me sens en sécurité. Nous voulons rester ici. Même si mes enfants ont souffert de la malnutrition pendant la saison des pluies, quand il n'y avait pas de nourriture, aucun d'entre eux n'est mort. »
L'afflux de personnes dans cette région a eu un impact sur les communautés locales. La mauvaise récolte de 2023, combinée aux difficultés d'accès aux services de base et au manque d'aide humanitaire, a entraîné une famine généralisée pendant la période de soudure, touchant à la fois les camps de déplacés et les communautés environnantes. Les équipes de MSF sur le terrain constatent que de très nombreuses personnes ont besoin de soins de santé, de nourriture et d'eau.
Pour les femmes fuyant la violence, l'accès aux soins de santé est très difficile : « J'étais au marché quand ils sont arrivés. J'ai essayé de me défendre, mais ils m'ont maltraitée et m'ont frappée à la poitrine », nous raconte une femme de 30 ans. « Je ressens encore la douleur aujourd'hui. Après la torture, j'ai essayé de me faire soigner, mais je n'avais pas d'argent pour passer une radio ».
Une autre femme d'une trentaine d'années explique : « J'ai passé deux jours sans manger. Je ramassais des feuilles pour les faire cuire. J'ai dû me faufiler dans les buissons pour éviter les postes de contrôle et obtenir des soins médicaux à Hajar Jawad. Pendant la saison des pluies, mon enfant et moi avons eu le paludisme, nous avons reçu un traitement à la clinique de Hajar Jawad (une clinique de MSF) contre le paludisme et la malnutrition ».
MSF mène des activités dans la localité de Dalami et dans l'ouest du Jebel. Dans la localité de Dalami, nos équipes soutiennent l'hôpital de Tujur avec des services d'urgence, de maternité, de malnutrition et d'hospitalisation. En janvier 2025, MSF a effectué près de 20 200 consultations et 460 admissions à l'hôpital, dont 30 % pour le paludisme. Les équipes ont assisté presque 120 naissances et effectué 215 consultations de santé sexuelle et reproductive.
A Western Jabel, MSF a également soutenu des centres de santé, organisé des cliniques mobiles dans des camps de personnes déplacées et distribué des articles de première nécessité.
Nos équipes dans les montagnes de Nuba observent une couverture extrêmement inégale et insuffisante des soins de santé. Lorsque les soins sont disponibles, ils sont souvent inaccessibles en raison de la distance et de l'insécurité.