Quand nous
rencontrons cette famille de six personnes, en mai 2003, elle est
arrivée depuis une semaine à Dare-Panshir, une des banlieues les plus
pauvres de Zahedan. Un genre de "village afghan" adossé à une colline,
très impressionnant avec ses rues sales et poussiéreuses, ses
constructions en pisé, sans eau courante ni hygiène minimale...
Le
père, son épouse enceinte et leurs quatre enfants âgés de 10 à 4 ans
vivent en haut de la colline, hébergée temporairement dans une maison
de quatre petites pièces déjà occupées par trois autres familles. Ils
ont prévu de bientôt déménager dans une maison du quartier voisin de
Shir-Abad. Mais pour payer les 400.000 rials (45 euros) de loyer, ils
savent déjà qu'il leur faudra sous-louer une partie des trois pièces à
d'autres réfugiés afghans.
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En vingt ans, le conflit afghan a chassé plus de 4,5 millions d'Afghans
de chez eux, réfugiés au Pakistan, en Iran, ou déplacés au sein de leur
propre pays.
© Tim Dirven
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Fuir son pays
Jusqu'à l'arrivée des Taliban au pouvoir en 1996, cette famille
d'origine tadjik vivait dans un bon quartier au centre de Kaboul. Le
père travaillait comme chauffeur de taxi. Puis le durcissement du
régime taliban est passé par là. Arrêté à plusieurs reprises (pour
avoir transporté des femmes dans son taxi, ou sans raison), le père
s'est finalement fait retirer sa licence. Seuls les Taliban pouvaient
être chauffeurs de taxi, une règle appliquée à beaucoup d'autres
emplois et pour beaucoup de logements également. En 1997, la famille
est expulsée. Sans travail, sans argent, impossible de retrouver une
maison. "Je ne pouvais pas laisser ma famille sans toit !", s'exclame
le père. C'est alors qu'il décide de rejoindre Zahedan, en Iran, où son
propre père est déjà installé.
Emmenant
sa famille, il rejoint Zaranj, ville-frontière où il emprunte 2.000.000
rials (225 euros) à un contrebandier afin de payer leur passage. Arrivé
à Zahedan, il trouve un logement sans problème et travaille comme
journalier, la plupart du temps dans la construction, gagnant 350.000
rials par mois (40 euros). En un an, il parvient à rembourser sa dette
auprès du contrebandier afghan. Et s'il ne parvient pas à économiser,
il réussit néanmoins à faire vivre sa famille. "Il y avait suffisamment
de travail en Iran à ce moment là, nous avions une bonne vie", se
souvient-il.
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Déplacés afghans, décembre 2001
© Tim Dirven
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Mourir dans son pays
Puis en octobre 2002, le grand-père tombe gravement malade et veut
mourir en Afghanistan. A l'époque, les autorités, les médias iraniens
et même le Haut Commissariat aux Réfugiés disaient que la situation
était normale en Afghanistan. La famille décide donc de rentrer. Le
grand-père décèdera deux jours après leur arrivée.
A
Kaboul, la famille est hébergée deux mois chez la grand-mère
maternelle. Si la ville est redevenue sûre, la situation de ses
habitants est de plus en plus précaire. le coût de la vie augmente sans
cesse, et particulièrement les loyers. Les emplois disponibles sont
rares. Le père enchaîne les petits boulots (ouvrier, chauffeur, etc.),
mais ne gagne pas assez. Il doit se résigner à squatter avec sa famille
une maison détruite, où des bâches plastiques remplacent les murs. Mais
le propriétaire exige plus d'un mois de salaire comme loyer, et finit
par les expulser. Ils n'ont alors d'autre choix que de repartir, une
deuxième fois, en Iran.
Argent réclamé par les passeurs,
bakchichs aux soldats iraniens, emprunts pour survivre à Zahedan : une
fois de plus, la famille se retrouve lourdement endettée. Au total, 8
millions de rials (900 euros) à rembourser, soit plus de deux ans de
salaire. Or, aujourd'hui, il y a de moins en moins de travail pour les
réfugiés afghans de Zahedan. Malgré tout, cette famille préfère rester
ici. De toutes façons elle n'a pas de quoi revenir en arrière...