Kenya – Soigner les victimes de violences dans le bidonville de Mathare

Vue du bidonville de Mathare octobre 2009.
Vue du bidonville de Mathare, octobre 2009. © Julie Damond/MSF

Situé au Nord-est de Nairobi, le bidonville de Mathare sert de refuge à une population estimée entre 300 000 et 450 000 personnes. Suite aux violences post-électorales de début 2008, une activité de prise en charge des victimes de violences a débuté. Mickaël Njuguna Wambui, en charge de ce projet, revient sur les activités développées depuis deux ans.

Dans quel contexte ces nouvelles activités ont-elles débuté ?

On a mis en place ce projet début 2008 après les violences post-électorales. A l'annonce des résultats de l'élection, une vague de violence s'est déclenchée au Kenya, et le bidonville de Mathare à Nairobi a été l'une des zones les plus affectées. MSF, qui gère depuis plusieurs années un programme de prise en charge du sida et de la tuberculose dans ce bidonville, est immédiatement intervenu pour prendre en charge les victimes de violences.

Parmi les personnes que nous recevions en consultation, il y avait un certain nombre de victimes de violences sexuelles. Après cette période de tensions, nous avons décidé de poursuivre cette activité, dont le volume n'a cessé d'augmenter. Début 2008, nous recevions une dizaine de cas par mois contre une trentaine en moyenne aujourd'hui, la plupart d'entre eux ayant été agressés sexuellement.

Concrètement, cela signifie-t-il que les agressions sexuelles sont fréquentes pour les habitants de Mathare ?

Oui, nous supposons que nous ne voyons qu'une proportion infime des victimes de diverses violences. Il est très difficile pour des gens agressés sexuellement de venir consulter un médecin ou même d'en référer aux autorités, surtout pour les habitants de quartiers "informels" comme les bidonvilles. Donc nous devons les rassurer, et nous leur expliquons que le rôle de MSF est de leur offrir un accès aux soins anonyme et gratuit. A eux de décider ensuite s'ils veulent porter plainte ou non. Beaucoup d'entre eux ne le font pas, de peur de devoir payer des pots-de-vin, de ne pas trouver le réconfort recherché ou même de subir des représailles.

Qui sont nos patients ?

Près de 55% des victimes de violence sexuelle sont des enfants. En près de deux ans d'activités, la plus jeune victime que nous ayons reçu était un bébé âgé de 11 mois, et la plus vieille une femme de 85 ans. Les hommes, moins nombreux, en sont également victimes. Mais nous recevons aussi des victimes de violence physique, des femmes qui ont reçu des coups, justement parce qu'elles n'ont parfois pas cédé aux faveurs sexuelles exigées. L'alcoolisme provoque bien sûr beaucoup de dégâts. La majorité de la population vivant à Mathare n'a pas de travail, beaucoup survivent grâce à des activités illégales ou criminelles, les enfants passent la journée dehors et sans surveillance...

Est-ce que MSF est connu à Mathare ?

Oui, nous sommes connus parce que MSF est présent à Mathare depuis 1996. La population connaît donc MSF pour la « Blue House », la clinique qui offre une prise en charge médicale des malades atteints du VIH/sida et de la tuberculose. Concernant le projet à destination des victimes de violence, nous essayons de faire connaître cette activité. Nous collaborons ainsi avec les organisations de la société civile et les autres ONG travaillant à Mathare. Plusieurs organisations nous réfèrent des patients, et de plus en plus, la population sait que nous offrons des soins médicaux aux victimes de violences. Nous avons mis en place un numéro de téléphone que les gens peuvent appeler gratuitement en cas de problèmes.

Comment se déroule une consultation ?

Lorsqu'une victime arrive dans notre clinique, nous l'accueillons et lui offrons le premier réconfort qu'elle est venue chercher. Elle est d'abord vue par quelqu'un à qui elle peut expliquer ce qui s'est passé. Ensuite, on lui propose une consultation médicale. Si la personne ne connaît pas son statut sérologique, un test rapide de dépistage du sida peut être effectué afin d'adapter au mieux notre prise en charge. Ce qui est le plus couramment administré est un traitement prophylactique pour prévenir la transmission du VIH/sida ou d'autres maladies sexuellement transmissibles. Nous tenons également à disposition des vaccins contre les hépatites ou le tétanos. Lorsqu'une personne a peur pour sa sécurité, nous nous rendons directement à son domicile. Certaines personnes, après leur consultation, souhaitent parfois se reposer dans un lieu sûr.

Notes

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