Kurdistan : récits de réfugiés du camp de Bharka

Sheima avec sa fille et son mari
Sheima avec sa fille et son mari © Gabriella Bianchi

Les affrontements récents entre les combattants de l’Etat islamique et les forces kurdes dans le nord de l’Irak ont provoqué depuis le 3 août dernier le déplacement de plus de 250 000 personnes, dont la majorité ont fui au Kurdistan. Trois d'entre eux livrent ici leur témoignage.

Ali, un homme d’âge moyen, père de sept enfants est venu au dispensaire MSF dans le camp de Bharka, pour une consultation.

Nous vivions à Mossoul. Mais nous avons dû fuir. Je suis si fatigué de la violence. Chez nous, nous vivions bien, nous avions deux maisons à Mossoul. Maintenant nous vivons sous une tente et avons tout perdu. Les conditions ici sont très dures, il fait très chaud dans la journée et nous n’avons pas de climatiseurs. L’eau aussi est un problème. Quand il y a des coupures d’électricité, les pompes ne marchent plus et on n’a plus d’eau. C’est très difficile aussi de garder la nourriture au frais sans réfrigérateur. Nous jetons de la nourriture.  
 

Il est très important d’avoir un dispensaire dans le camp où nous pouvons recevoir les soins médicaux dont nous avons besoin. Je suis venu ici parce que j’ai une infection pulmonaire et je ne peux pas aller à Erbil. La ville est loin et je n’ai pas d’argent.
 

Le Dr Aljuboori est un médecin qui a récemment quitté Bagdad pour Erbil avec sa famille à cause de l’escalade de la violence. Il travaille maintenant au dispensaire MSF dans le camp de Bharka.

Au début quand nous sommes arrivés ici, il y avait deux ambulances mais pas de médecins pour offrir des soins de santé primaire alors qu’un nombre croissant de personnes déplacées venant de Mossoul s’installaient dans le camp. En cette période de l’année, il fait très chaud, on met donc l’accent sur la réhydratation. Nous faisons aussi des recommandations sur la manière de maintenir un environnement sain. La maladie la plus courante parmi la population du camp est la gastro-entérite, à cause de l’approvisionnement en eau déficient et des mauvaises conditions d’hygiène. Il n’y a pas assez de latrines et il y a un besoin urgent d’eau potable. Les choses s’améliorent mais cela prend du temps.
 

Nous voyons aussi beaucoup de gens souffrant de maladies chroniques qui n’ont plus leur traitement ou qui ont perdu leurs ordonnances parce qu’ils ont fui dans la précipitation pour sauver leur vie. Les patients qui ont du diabète, font de l’hypertension ou sont épileptiques courent de graves risques s’ils interrompent leur traitement. Des patients viennent nous voir avec des boîtes de médicaments vides ou avec une vieille ordonnance. Nous examinons l’histoire de leur maladie et mesurons leur taux de glucose. Une fois que nous avons déterminé les médicaments dont ils ont besoin, ils peuvent aller à notre pharmacie les recevoir gratuitement.
 

Beaucoup de gens souffrent d’allergies, ce qui n’est pas étonnant vu la quantité de poussière ici. Les réfugiés vivent sous des tentes et sont exposés en permanence à des conditions difficiles.
 

Sheima, une mère de deux enfants âgée de 19 ans, est dans la salle d’attente du dispensaire MSF dans le camp de Bharka.

Je suis venue voir un médecin parce que mon bébé qui n’a que 26 jours a eu du mal à respirer toute la nuit et je suis très inquiète. Des voisins m’ont dit qu’il y avait un dispensaire offrant des bons services. C’est important d’avoir un dispensaire et des médecins pour s’occuper de nous dans le camp. Nous avons beaucoup d’enfants et les conditions ici ne sont pas bonnes.
 

Je viens de Mossoul, nous avons fui en juin quand ma grossesse était déjà bien avancée. Nous sommes d’abord allés à Qaraqosh, j’ai accouché là. Puis nous sommes restés quelques semaines à Bartala mais les insurgés ont aussi pris le contrôle de la ville et on a dû fuir de nouveau.
 

Nous avons décidé d’aller au Kurdistan avec l’espoir de trouver un endroit sûr où s’installer. Mon mari a donc fait toute la route en voiture pour qu’on aille jusqu’à Erbil. Mais quand nous sommes arrivés, nous n’avions nulle part où aller et on nous a dit d’aller dans le camp. Rien n’était prêt quand nous sommes arrivés, juste un hangar abandonné. Maintenant des lots commencent à être créés et des tentes ont été montées mais les conditions ne sont pas bonnes et cela m’inquiète. L’eau n’est pas propre et les coupures d’électricité sont fréquentes.
 

La plupart des gens ici sont de Mossoul, chiites et sunnites. Nous ne pouvons pas y retourner, c’est dangereux. Mais je souhaite une seule chose : rentrer chez moi.

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► Consultez notre dossier consacré à la situation en Irak.

Notes

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