Cette mission à Misrata avait-elle une spécificité ?
Cela a été une mission de formation pour une bonne part. C'est la première fois que je faisais cela. Dans les autres missions, on fait son travail de son côté mais à Misrata, j'ai eu la possibilité de transmettre mes connaissances. Les chirurgiens et médecins libyens à Misrata étaient tous très expérimentés dans leur propre spécialité, mais ils n'avaient pas de formation suffisante en traumatologie.
Dans la salle d'opération ou la zone de triage à l'hôpital Abbad, j'ai vu que le personnel faisait du très bon travail mais que certaines choses pouvaient être bien améliorées pour ce qui est par exemple de la prise en charge initiale des blessés : la ventilation et la circulation cardiaque, ou pour arrêter une hémorragie catastrophique. Ils n'avaient pas assez d'expérience ou de connaissances pour faire face à ce type de problème. Et j'ai décidé de leur apprendre comment bien prendre en charge la chirurgie de guerre parce que la chirurgie de tous les jours est très différente de la chirurgie de traumatologie.
Comment avez-vous organisé la formation ?
A Londres, j'enseigne la chirurgie de traumatologie au Royal College of Surgeons et j'ai donné le même cours à Misrata, en anglais parce qu'ils parlaient tous anglais. J'avais une foule d'informations et de vidéos sur une clé USB. J'ai donc donné des cours sur la prise en charge en traumatologie : la prise en charge initiale et la prise en charge chirurgicale. Je leur ai montré par exemple des vidéos sur la fasciotomie (la greffe de lambeaux musculaires). Après notre séminaire, nous utilisions les informations et les connaissances acquises en allant en salle d'opération où nous faisions la même chose.
Mais vous avez opéré aussi ?
J'ai fait cette formation tout le temps que j'étais à Misrata, pendant trois semaines, en début d'après-midi. Et le reste du temps j'opérais à l'hôpital Abbad. C'était de la chirurgie de traumatologie - mais pas énormément parce que la plupart des blessés étaient référés à l'hôpital Al Hikma, le principal centre de traumatologie de Misrata - et surtout de la chirurgie de reprise.
Nous avons fait beaucoup de greffes de peau et de lambeaux musculaires. Nous avons soigné des combattants et des civils blessés par balle ou par des fragments d'obus. Et j'ai remarqué une chose. Tous les patients étaient traités de la même manière, indépendamment du camp où ils se battaient.