Depuis septembre 2007, MSF soigne des enfants atteints de malnutrition dans les provinces de Passoré et de Loroum dans le nord du Burkina Faso. À ce jour, plus de 13 600 enfants ont été admis dans le programme, avec des taux de guérison proches de 89 %.
Il y a neuf semaines, le petit Abdul âgé de deux ans oscillait entre la vie et la mort. Il pesait à peine 4 kg et la circonférence de son bras ou périmètre brachial (MUAC) était de 89 mm. Chez un enfant, lorsque ce périmètre est inférieur à 110 mm, on considère que son état est critique. La zone rouge du bracelet brachial - moins de 110 mm - indique que l'enfant court un risque de mortalité élevé.
« La première fois qu'Abdul nous a été amené, il était si maigre et si faible, rapporte Toni Roméo, infirmier MSF travaillant au Burkina Faso. Nous avions tous peur qu'il ne survive pas. Sa mère était totalement désespérée. »
Abdul a passé quatre semaines au Centre nutritionnel thérapeutique (TFC) dirigé par Médecins Sans Frontières (MSF) à Yako, capitale de la Province de Passoré, pour y recevoir des soins intensifs, et a continué le traitement pendant cinq semaines supplémentaires chez lui qui consistait en une prise quotidienne de deux sachets de pâtes nutritives prêtes à l'emploi (RUF) baptisées Plumpy'nut, pâte à base de cacahuètes riche en protéines et très calorique adaptée au traitement de la malnutrition.
Peu à peu Abdul a repris du poids et à la fin de son traitement son périmètre brachial était de 136 mm. La mère d'Abdul était ravie par le rétablissement remarquable de son fils. « MSF a fait des merveilles sur mon fils. Les enfant ne meurent plus dans notre village. »
Prise en charge des enfants malnutris
Le Burkina Faso est l'un des pays les plus pauvres du monde. En 2007, il occupait le 176ème rang sur 177 selon l'indice de développement humain du PNUD et plus de 70 % de la population vit avec moins de deux dollars par jour. Une grande majorité de Burkinabés dépend de l'agriculture pour vivre mais les conditions climatiques difficiles et changeantes telles que sécheresse et pluies torrentielles ne donnent généralement que de maigres récoltes. Les habitants souffrent fréquemment de graves pénuries alimentaires et bien trop souvent les enfants sont les premières victimes de la malnutrition.
En septembre 2007, MSF a commencé à prendre en charge des enfants malnutris dans les provinces de Passoré et de Loroum situées dans la région semi-aride du nord du pays. Avec l'aide du personnel de santé communautaire qui a diffusé l'information sur le programme du traitement aux mères dans les villages, les équipes de MSF ont procédé à un dépistage nutritionnel et à un suivi médical des enfants de moins de cinq ans dans les 17 centres ambulatoires répartis dans les deux provinces. Tous les enfants dont le périmètre brachial est inférieur à 120 mm, ainsi que les enfants souffrant d'un œdème (quantités anormalement importantes de liquides dans les tissus corporels ou dans une cavité du corps) sont admis dans le programme.
Les mères jouent un rôle fondamental dans le traitement
Sous la direction d'une infirmière de MSF, Balki Harouna, une équipe suit les enfants dans cinq centres ambulatoires dans la province de Passoré. Aujourd'hui c'est vendredi et l'équipe se dirige vers un village appelé Kirsi, à 37 km au sud de Yako. « Ici aujourd'hui, nous avons environ 130 enfants. C'est relativement calme. Pendant la haute saison, vers novembre et décembre l'année dernière, nous avions plus de 250 enfants par semaine. »
Les enfants souffrant de complications médicales telles que anémie grave et déshydratation sévère sont référés au TFC (centre nutritionnel thérapeutique) de Yako pour y suivre un traitement intensif. Néanmoins, près de 90 % des enfants ne développent aucune complication et sont soignés chez eux. MSF fournit aux mères la ration hebdomadaire de Plumpy'nut ainsi que des conseils sur l'alimentation quotidienne, l'hygiène et la prévention des maladies. Les enfants doivent être ramenés au centre ambulatoire une fois par semaine pour un bilan de santé.
« Les consultations externes des cas sans complication permettent non seulement aux équipes de MSF de prendre en charge un grand nombre d'enfants, explique Harouna, mais elles permettent également aux mères de prendre soin d'autres enfants et d'effectuer des travaux ménagers quotidiens. Elles rassurent aussi la mère qui comprend que son enfant n'est pas gravement malade car elle peut facilement le soigner avec Plumpy'nut. »
Harouna dit qu'elle n'est pas linguiste mais elle sait ce qu'il faut faire pour attirer l'attention des mères burkinabés en à peine dix phrases en Moré, langue locale parlée dans la région. « Lorsque je vois des mères venir dans notre centre ambulatoire, je demande « rita soma ? », est-ce que l'enfant mange ? »
Harouna s'attend à l'une des deux réponses suivantes : soma ou bafun, bien ou rien. Une seconde plus tard, l'inquiétude disparaît du visage de la mère et, soutenue par une dizaine de mères derrière, celle-ci éclate de rire. « Soma soma !"
« Comme ce sont les mères qui amènent leurs enfants au centre ambulatoire et qui s'en occupent à la maison, nous devons nous assurer qu'elles comprennent bien l'importance de ce traitement, précise Harouna. Nous devons également les motiver constamment et les responsabiliser pour qu'elles reviennent nous voir chaque semaine. Ma façon de m'exprimer un peu maladroite détend l'atmosphère du centre ambulatoire. »
À la recherche des absents dans la brousse
Tandis que le programme de MSF s'efforce de prendre en charge un grand nombre d'enfants en répartissant ses équipes dans plusieurs sites ambulatoires, sur les 5 841 enfants qui sont sortis du programme, près de 10 % d'entre eux manquent au moins trois visites hebdomadaires consécutives au centre ambulatoire.
Le samedi matin, une équipe de MSF est partie pour le site de Bokin, à environ 54 km à l'est de Yako, en quête de 15 enfants qui ne viennent plus au centre. À Bokin, l'équipe s'est divisée en deux groupes : l'un est chargé d'en retrouver six dans et autour de Bokin et l'autre d'en retrouver neuf plus au nord dans des villages éloignés.
Après cinq heures et demie de recherche sur des pistes non balisées, l'équipe a réussi à retrouver 12 enfants dont un qui est décédé.
Dans un village, une mère de 21 ans a expliqué que Bokin est tout simplement trop loin de chez elle. « Pendant 11 semaines, j'ai emmené ma fille au centre ambulatoire toutes les semaines mais je suis tombée malade et j'ai eu des problèmes gastriques. Je ne pouvais plus parcourir 30 km aller-retour à vélo. »
La température dépasse 50 degrés Celsius dans la journée et le trajet aller dure deux heures et demie.
« Les mères comprennent l'importance et les avantages du traitement, explique Roméo. Mais la distance (certaines mères marchent pendant 15 km, d'autres font jusqu'à 50 km à vélo aller), leurs propres problèmes de santé ou des engagements familiaux comme des funérailles les empêchent souvent de venir consulter pour leur traitement. Un enfant est mort mais heureusement les autres enfants que nous avons vus aujourd'hui n'étaient pas malnutris. »
Un avenir sombre
« Actuellement, les habitants vivent encore sur leurs réserves alimentaires, précise Roméo. Mais ils disent qu'ils n'auront plus rien d'ici quelques mois. »
Dans une famille, les adultes ne mangent que deux fois par jour afin que les enfants puissent prendre trois repas. D'autres disent qu'ils vont chercher tout ce qui est comestible sur ce qui reste de leur pauvres terres. « Lorsque le millet sera épuisé nous devrons acheter de la nourriture, se plaint un homme dans un village près de Bokin. Mais nous n'avons pas d'argent. Ici la vie est difficile. »