A lire sur le site du
Huffington Post et ci-dessous :
Lettre ouverte à la Secrétaire d’Etat au Développement
MAIS SI, MADAME GIRARDIN, LA SOUS-NUTRITION
EST UNE AFFAIRE DE SANTE !
La France doit-elle faire de la lutte contre la sous-nutrition une priorité de sa politique en matière de développement et de santé ? A cette question, Madame la Secrétaire d’Etat, vous avez répondu non il y a quelques jours, lors des discussions sur la prochaine Loi sur le développement et la solidarité internationale (1), qui sera votée dans quelques jours. Motif invoqué : la sous-nutrition n’est pas une maladie.
Pourtant, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) l’identifie comme une maladie dans sa classification internationale des pathologies (2). En ce moment même, des discussions sont en cours dans le cadre de l’Assemblée Mondiale de la Santé sur la nécessité d’accélérer les progrès en matière de lutte contre la sous-nutrition. Car, l’OMS le rappelle, ce fléau sanitaire est à l’origine de près de la moitié des décès d’enfant de moins de cinq ans dans le monde (3). N’est-ce pas suffisant pour que la France en fasse une priorité en matière de santé ?
Pour les spécialistes de la santé et de l’aide humanitaire que nous sommes, ce positionnement est particulièrement inquiétant. C’est un véritable retour en arrière. Il y a un an, presque jour pour jour, la France s’engageait lors d’une conférence internationale à Paris (4) à redoubler d’efforts pour soigner la sous-nutrition (ou « malnutrition »). « La malnutrition aiguë sévère est une maladie, déclarait votre prédécesseur Pascal Canfin. Elle doit donc être prise en charge par les systèmes de santé. Les traitements existent et sont peu coûteux. Nous ne pouvons pas nous résigner. »
La sous-nutrition ne se soigne pas par le simple retour à une alimentation suffisante : les stades avancés de sous-nutrition nécessitent une prise en charge médicale, selon un protocole précis, par un personnel formé. Or, aujourd’hui, seuls 10% des enfants atteints de la forme la plus grave de sous-nutrition ont accès à un traitement (5). La sous-nutrition, lorsqu’elle ne provoque pas directement la mort, aggrave la sévérité d’autres pathologies combattues par les politiques de santé soutenues par la France. Globalement, les enfants sévèrement malnutris meurent neuf fois plus fréquemment que les enfants bien portants (6).
Pour toutes ces raisons, nous, organisations spécialisées de la santé et l’humanitaire, souhaitons rappeler au gouvernement comme à l’ensemble des acteurs français du développement qu’une politique de santé qui fait l’impasse sur la sous-nutrition ne peut être pleinement efficace. La détection et la prise en charge de la sous-nutrition doivent faire partie des mesures de santé de base à destination des jeunes enfants, comme c’est le cas en France.
C’est d’ailleurs pourquoi la convention pour un programme d’appui à la santé materno-infantile, qui doit être signée entre l’AFD et un consortium d’ONG lors de votre visite prochaine à Madagascar, accorde une place centrale à la nutrition.
Madame la Secrétaire d’Etat, iI ne s’agit pas ici de débattre sur des définitions médicales mais de trancher sur une question fondamentale : souhaitons-nous que l’aide française au développement permette de réduire véritablement la mortalité infantile ?
Références :
(1) Ce texte fixe pour la première fois de l’histoire de la République les grandes orientations de la France en matière d’aide au développement
(2) http://apps.who.int/classifications/icd10/browse/2008/fr#/E40-E46). Chapitre IV : endocriniennes, nutritionnelles et métaboliques»
(3) OMS Aide-mémoire N°178 ; Septembre 2013
(4) Conférence Internationale sur la malnutrition infantile, mai 2013
(5) P.13, Global SAM Management Update: Summary of Findings,UNICEF, 2013
(6) www.who.int/elena/titles/bbc/hiv_sam/en/