Alors que les « émeutes de la faim » se multiplient, les mesures internationales actuelles ne répondent pas aux besoins vitaux des enfants malnutris. Entre 2 et 5 millions d’enfants malnutris meurent chaque année. Pourtant, des solutions existent pour éviter ces décès, comme celles mises en œuvre avec succès par MSF au Niger depuis 2005. Les explications du Dr Isabelle Defourny, responsable de notre programme au Niger.
Quelles sont les conséquences des « émeutes de la faim » sur nos activités ?
Dans certains pays, les manifestations ont fait des blessés. Nos collègues présents en Haïti ont pu intervenir pour les prendre en charge dans les hôpitaux où nous travaillons.
Mais, dans les pays où les populations sont déjà fragilisées du point de vue nutritionnel, le risque est grand de voir, dans quelque temps, des enfants basculer dans la malnutrition sévère.
En effet, dans les situations de pénurie alimentaire, les personnes les plus vulnérables sont les enfants en bas-âge, premières victimes de la malnutrition. Et, dans ce domaine, nous avons les moyens aujourd’hui de traiter ces enfants et d'éviter ainsi de nombreux décès.
Ces manifestations révèlent un problème de disponibilité et d’accès à la nourriture. Est-ce un problème nouveau ?
Au Niger, en 2005, des manifestations du même type avaient eu lieu et MSF avait dénoncé l’inadéquation du système de l’aide : les populations du sud du pays n’avaient plus les moyens d’acheter de la nourriture, mais les organismes d’aide refusaient d’en distribuer gratuitement pour ne pas « déstabiliser le marché » !
Nous nous sommes alors battus pour que des distributions gratuites de nourriture puissent avoir lieu et, en parallèle, nous avons mis en place un système de traitement de la malnutrition innovant. Grâce à des pâtes nutritives riches en nutriments essentiels, 40.000 enfants malnutris ont pu être traités et sauvés.
Pour la première fois, nous avons soigné, à très grande échelle, des enfants souffrant de malnutrition. Depuis plusieurs années, MSF alerte sur les mesures urgentes à prendre, au niveau international, qui pourraient éviter le décès des jeunes enfants de moins de 5 ans, qui souffrent de malnutrition. Les solutions existent, mais il n’y a pas de volonté politique internationale de mettre en place les mesures adaptées.
Les politiques internationales en matière de lutte contre la malnutrition sont-elles à la hauteur du problème ?
Il y a une reconnaissance de l’ampleur du problème (plus de 840 millions de personnes souffrant de la faim, 200 millions de malnutris), mais les propositions actuelles ne sont pas orientées vers les populations qui décèdent de malnutrition, c’est-à-dire les jeunes enfants de moins de 5 ans, qui ne reçoivent pas une alimentation adaptée à leurs besoins.
Les dernières recommandations des Nations unies, telles qu’elles ont été exprimées lors de la conférence d’Hanoï, début mars, sont très axées sur la prévention, et très peu sur le curatif. Alors que nous disposons aujourd’hui des moyens efficaces pour améliorer la nutrition des jeunes enfants et éviter ainsi les décès.
Quels sont les moyens pour lutter contre la malnutrition ?
Il s’agit d’offrir aux jeunes enfants une alimentation adaptée à leurs besoins. Et surtout, de ne pas attendre que ces enfants soient sévèrement malnutris ou malades pour agir. Grâce aux pâtes nutritives prêtes à l’emploi, qui rassemblent en un seul aliment l’ensemble des vitamines, minéraux, protéines et acides gras essentiels nécessaires à la croissance d’un jeune enfant, nous pouvons traiter, à très grande échelle, les jeunes enfants présentant des carences nutritionnelles.
L’année dernière au Niger, nous avons pu offrir ces produits à 62 000 enfants dans la zone de Maradi, au sud du pays. Cette année, nous recommençons la même opération, auprès de plus de 80 000 enfants de moins de 3 ans à qui nous distribuons ces pâtes. Et bien sûr, nous poursuivons notre prise en charge de la malnutrition sévère par le traitement des enfants à domicile, grâce à ces pâtes nutritives, et pour les enfants malades qui nécessitent une hospitalisation.