Depuis sa création en 1971, Médecins Sans Frontières apporte ses secours dans le respect des principes de l’action humanitaire : indépendance, impartialité et neutralité, des principes énoncés dans la charte qui rassemble tous nos membres. L’analyse et la réflexion critique sur l’action humanitaire, ses responsabilités et ses limites se sont élaborées face aux dilemmes que nos équipes ont dû affronter pour apporter leurs secours.
Intervenir dans des situations de crise aiguës – conflits, déplacements de population, famines, épidémies, catastrophes naturelles, etc. – pour aider les plus vulnérables à franchir un cap difficile : c’est cette idée de l’action humanitaire que développe Médecins Sans Frontières. L’objectif est d’alléger des souffrances de façon impartiale et pacifique, de sauver des vies. Si ces ambitions peuvent sembler modestes par rapport à des objectifs de développement à plus long terme, elles sont en revanche marquées par une forte exigence de qualité dans l’assistance que nous déployons.
Indépendance et liberté d'action
L’indépendance à l’égard de tous pouvoirs et intérêts (politiques, religieux, économiques ou militaires) est également au cœur de notre conception de l’humanitaire. MSF intervient, sans discrimination ethnique, politique ou religieuse, après sa propre évaluation des besoins. Pour préserver sa liberté d’action et de parole, MSF a développé la collecte auprès de donateurs privés, les financements institutionnels (Union européenne, bailleurs de fonds gouvernementaux ou organismes internationaux) ne représentant qu’une minorité de ses ressources.
Un questionnement permanent
La mise en œuvre de cette conception de l’humanitaire pose de nombreuses questions sur le rôle et les limites de l’action de MSF. Cette démarche de questionnement est essentielle pour nos équipes sur le terrain comme au siège, car elle permet de préciser le cadre d’intervention ébauché par la charte de MSF et d’autres documents de référence. Le Centre de réflexion sur l’action et les savoirs humanitaires (CRASH), cellule mise en place par MSF, favorise ce questionnement sur nos pratiques et fait vivre le débat à l’extérieur de l’association.
Les limites de l'action
Les limites de l’action humanitaire sont au centre de nos réflexions, notamment pour des domaines qui relèvent directement de la responsabilité des Etats et de l’ONU: organisation du système de santé à l’échelle d’un pays, reconstruction des infrastructures, financement de l’aide internationale, etc. Contrairement à l’aide au développement, MSF ne vise pas à construire, reconstruire ou encadrer le destin de groupes de population dans la durée, tâches pour lesquelles nous ne nous sentons ni la légitimité ni la compétence.
Le rôle de témoin
Parmi les autres thèmes sur lesquels nous nous interrogeons, citons les conditions d’exercice de l’action médicale et humanitaire, ou encore la protection des populations en danger. Sur ces questions, MSF s’appuie sur l’outil du droit international humanitaire. Si MSF ne cherche pas à mettre fin aux guerres et n’a pas les moyens de garantir la protection de civils contre la violence, nous pouvons en revanche dénoncer publiquement des violations dont nos équipes sont témoins sur le terrain : violences de masse contre des civils, instrumentalisation de l’aide à des fins politiques, confusion entre humanitaires et militaires, etc. Cette notion de témoignage, et la mise en tension avec divers pouvoirs qu’elle suppose, fait partie des principes fondateurs de MSF.