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Papouasie-Nouvelle-Guinée : quand l’accès aux patients devient un enjeu essentiel

L'accès à Kéréma peut être compliqué... Octobre 2014
L'accès à Kéréma peut être compliqué... Octobre 2014 © ARIS MESSINIS/Matternet

Naviguer au large de la province du Golfe, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, peut s’avérer très dangereux. Environ cinq mois dans l’année, les alizés venus du Sud-est appelés Laura Bada soufflent régulièrement à une vitesse de 30 nœuds, générant une forte houle et empêchant souvent les petites embarcations utilisées dans la région de larguer les amarres.

Si la province n’est pas complètement coupée du monde pendant cette période – elle est située à 300 kilomètres à l’ouest de la capitale Port Moresby – elle n’en demeure pas moins isolée. Montagneuse, couverte d’une forêt luxuriante, scindée par des fleuves et leurs affluents, elle est à peine desservie par la route.

Difficile ici de circuler en Land Cruiser, le 4x4 Toyota souvent utilisé par MSF dans ses opérations. Ce qui ajoute un défi aux nombreux autres qui se présentent : comment avoir accès aux patients du programme tuberculose en cours depuis 2014 ? Comment s’assurer que cette population très durement touchée par la tuberculose et qui recense une hausse des cas de résistance aux traitements, puisse bénéficier des traitements et des soins nécessaires ?

« Ici, il faut penser les choses différemment », explique le docteur Isaac Chikwanha, responsable adjoint du programme à Tokyo et conseiller médical pour la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Cette approche différente se manifeste sous des formes multiples : de la manière de livrer les échantillons de salive pour les tests de dépistage depuis les zones reculées – des drones ont été testés l’année dernière – à celle d’administrer les traitements, en passant par les simples moyens pour accéder aux patients.

Cet accès est fondamental : près de 85 % de la population du pays vit en milieu rural, et la majorité des quelque 158 000 habitants de la province du Golfe habite au sein de communautés diffuses, chacune étendue sur plusieurs kilomètres. « À Kerema, on recense une cohorte de 200 patients répartis sur trois sites, mais nous ne savons pas vraiment ce qui se passe dans le reste de la province, à cause de la difficulté d’accès, explique le docteur Chikwanha. Le problème pourrait être beaucoup plus étendu. »

Kéréma, une zone reculée de Papouasie-Nouvelle-Guinée. © Sean Brokenshire/MSF 2014

Kéréma, une zone reculée de Papouasie-Nouvelle-Guinée. © Sean Brokenshire/MSF 2014

À la fin du mois d’août, une expédition a été lancée depuis Kerema vers la ville de Ihu, en vue d’explorer un itinéraire potentiel majoritairement terrestre depuis Kerema vers les neuf centres médicaux de cette partie de la province, quasi inaccessible pendant que le Laura Bada souffle. Soit un périple de trois jours intègrant de longs parcours d’une journée à travers la forêt et le franchissement de rivières, ce qui vaut toutefois mieux que pas d’accès du tout. Cette option ne représente en revanche pas une solution durable pour les équipes MSF qui, ces douze derniers mois, ont identifié 22 patients tuberculeux résistants aux antibiotiques, rien qu’à Kerema. Ces mêmes patients devraient entreprendre le même trajet vers Kerema pour avoir accès aux soins.

MSF a lancé son programme tuberculose dans la province du Golfe en mai 2014 en collaboration avec les autorités de santé. Un programme similaire est en cours dans le district de la capitale. C’est la première maladie infectieuse en termes d’admissions hospitalières. Mais les patients ont d’abord besoin d’un accès à une structure de santé.

En termes de traitement, pour les cas décelés à Kerema, le processus clinique peut prendre six mois à deux ans. « Bien entendu, certains patients à qui on demande de prendre le traitement réagissent d’abord de manière négative. Les préjugés sont grands à l’égard de la tuberculose, mais les résultats restent encourageants », explique Philomena Tatireta, coordinatrice médicale adjointe pour MSF qui, avant de rejoindre l’organisation, travaillait pour le AGNAU Memorial Hospital de Lae. « Ce n’est pas un « projet d’urgence », il n’en est qu’à ses débuts et de nombreux défis restent à relever, tant sur le plan logistique que géographique », confirme-t-elle.


Il ne s’agit pas uniquement d’assurer un suivi des patients diagnostiqués ; assurer un meilleur accès à la province est essentiel. Pour l’heure, un patient sur trois ne revient pas au département de soins externes de l’hôpital général de Kerema. Autres dimensions essentielles : atteindre ceux qui pourraient avoir besoin d’un dépistage, renforcer les aspects éducatifs du programme tuberculose – une maladie mortelle mais qui se soigne – et construire une relation de confiance avec les communautés locales.

Les cultures et les langues présentes – plus de 800 dans le pays – sont très variées et les identités tribales restent très marquées, ce qui signifie que des communautés voisines peuvent adopter des attitudes très distinctes à l’égard de maladies comme la tuberculose, et la considérer d’un point de vue médical ou bien plus traditionnel, voire magique.

C’est un programme qui n’en est qu’à ses balbutiements mais c’est un programme pour lequel MSF et le ministère de la Santé s’engagent. Les patients ne font pas la queue devant les structures de santé comme ils le font dans d’autres pays dotés de meilleures infrastructures, aussi une approche différente de la part du personnel MSF est-elle nécessaire.

Des drones ont été testés l’année dernière pour livrer les échantillons de salive pour les tests de dépistage de la tuberculose.

Des drones ont été testés l’année dernière afin de livrer les échantillons de salive pour les tests de dépistage de la tuberculose. © ARIS MESSINIS/Matternet 2014

Risako Inoue a travaillé deux mois en Papouasie Nouvelle-Guinée, principalement à Kerema, au poste de pharmacienne. Avec une expérience terrain pour MSF au Soudan du Sud et au Malawi, elle pensait qu’il s’agirait d’une mission normale. Mais elle s’est très rapidement aperçue que le processus serait long. « Si j’avais un congé de six mois, je choisirais de nouveau la Papouasie-Nouvelle-Guinée, explique-t-elle depuis Tokyo, où elle travaille désormais dans l’un des hôpitaux de la ville. On ne peut pas soigner la maladie rapidement. Les expatriés doivent savoir ce qu’est une mission longue ou bénéficier d’une expérience en gestion de programmes VIH ou tuberculose dans leur propre pays. »

Chaque nouveau projet présente son lot de difficultés et de défis mais tous peuvent être surmontés. « Pour être franc, que MSF s’efforce d’aider mes compatriotes est ce qui m’aide à continuer, explique Philomena Tatireta. Ce sont eux qui ont franchi le premier pas pour aider la province du Golfe, négligée depuis trop longtemps. »

MSF opère deux programmes en Papouasie-Nouvelle-Guinée, dans la province du Golfe depuis mai 2014, et dans le district de la capitale, depuis mars 2015.

Notes

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