Adrien est médecin urgentiste. Il a travaillé dans le centre de soins ouvert par MSF dans le camp de Kawargosk qui abrite des Syriens réfugiés au Kurdistan, en Irak.
Après plus de deux ans et demi d’un conflit extrêmement violent en Syrie, la situation devient de plus en plus difficile pour des millions de personnes.
Les Syriens souffrent des conséquences directes de la guerre mais ils doivent aussi abandonner leur foyer et leurs biens, ils ne peuvent plus mener leur vie de tous les jours, ni suivre leurs traitements médicaux habituels.
MSF est présente dans six hôpitaux en Syrie et deux centres de santé à l’intérieur de la Syrie, organise aussi des dispensaires mobiles dans des zones où les conditions sécuritaires le permettent et met en œuvre des programmes de vaccination de routine pour les enfants.
Dans les régions où MSF ne peut pas intervenir directement, nous avons un vaste programme de soutien à des réseaux médicaux syriens, se trouvant dans les zones contrôlées par l’opposition comme dans celles contrôlées par le gouvernement.
Face aux immenses besoins, MSF met tout en œuvre pour apporter des secours aux déplacés et aux réfugiés, par le biais de projets en Jordanie, au Liban et en Irak comme ici, dans le camp de Kawargosk.
► Retrouvez également l'intégralité des tchats précédents à propos de nos actions aux Philippines, en Haïti et en République centrafricaine.
Le tchat Syrie du 19 décembre 2013 avec Adrien Marteau
Emily : Bonjour Adrien, Combien de temps êtes-vous resté sur place ? Quels sont les "cas" que vous devez traiter majoritairement ?
Je suis resté au Kurdistan en Irak un mois et demi. Je travaillais dans un camp de réfugiés syriens. MSF avait ouvert un dispensaire. Je traitais principalement des enfants pour des problèmes de diahrrées et d'infections respiratoires.
Grilal: Quelle est le besoin le plus pressant des réfugiés Syrien, comment peut-on leur envoyer du secours (habits, couvertures, etc.)? Est-ce que tout doit être coordonné par l'ONU? sinon par qui?
Au Kurdistan, les besoins sont surtout en termes de logement et d'habitation, ils sont sous tentes.
Les besoins sont relativement bien couverts par les autorités locales et les organisations humanitaires présentes sur place.
Pour leur venir en aide, le mieux est de soutenir les ONG qui travaillent auprès des réfugiés syriens.
Actuellement, les secours sont coordonnés par les autorités locales, en collaboration avec le Haut Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés.
romuald: Avec l'hiver les accidents domestiques semblent se multiplier. Traitez-vous beaucoup de brûlés ? Quelles sont les causes ? Comment faites-vous ?
Oui, c'est l'hiver, mais il y a très peu d'accidents domestiques. Nous n'avons pas de brûlés à traiter dans le camp de Kawargosk.
marine: bonjour, quel etait le but exact de votre mission ?
Je suis médecin. Ma mission était d'ouvrir le dispensaire dans le camp de réfugiés, de former et de superviser les équipes médicales et paramédicales qui sont eux-même des réfugiés syriens.
Jamel: Bonjour,J'ai vu dans la le reportage que menez vos actions apparement isolées, est vous vous sentez en sécurité? et les conditions climatiques ne sont pas dures en cet début de l'hiver?
Nous ne sommes pas isolés, et dans cette partie de l'Irak, il n'y a pas de problème de sécurité, c'est une région tout à fait stable.
Il y a d'autres organisations humanitaires qui gèrent tout ce qui est eau et infrastructures sanitaires notamment.
Eric: Pouvez-vous faire un rapide historique de la situation en Syrie dont vous avez été témoin?Que craignez-vous le plus pour le proche avenir de la Syrie?
Avant d'être en mission au Kurdistan, j'étais en mission à l'intérieur de la Syrie d'octobre 2012 à juillet 2013, avec une interruption au milieu.
J'étais médecin urgentiste dans les deux hôpitaux MSF dans le nord de la Syrie.
Nous avons vu une situation dramatique avec des civils victimes des combats et des bombardements.
Il est clair que la situation ne s'est pas améliorée.
L'accès aux soins primaires pour traiter les pathologies courantes s'est dégradé. Les personnes souffrant par exemple de diabète, d'hypertension, n'ont pas accès à leur traitement, ce qui provoque des compmlications.
MSF est une des rares organisations humanitaires internationales à avoir des équipes sur place dans le nord de la Syrie, dans des zones contrôlées par l'opposition.
Les agences humanitaires des Nations-Unies ne fournissent pas d'aide dans ces zones à partir des pays limitrophes alors que les besoins sont immenses et ne font que s'amplifier.
Il faut accroître et faciliter l'aide acheminée à partir des pays voisins pour ces zones contrôlées par l'opposition ou aucune aide médicale ne parvient de Damas.
Jeanne: Bonjour Adrien ? Vous travaillez dans un camp de réfugiés mais MSF est-elle aussi en Syrie dans les zones de combat ? Soignez-vous des blessés des 2 camps ?
Les hôpitaux où nous travaillons sont en zone contrôlée par l'opposition, à distances des zones de combat, ce qui nous permet de travailler en relative sécurité.
Nous recevons des blessés de tout bord, c'est l'éthique médicale, et le principe d'impartialité que MSF respecte strictement.
Tout blessé a le droit d'être soigné, qu'il soit combattant ou civil.
Ces hôpitaux se situent à l'intérieur de la Syrie, dans le nord du pays, comme je vous l'ai dit.
Jean-Marie: combien de soignants infirmiers/médecins/chirurgiens sur place?
Marie: Combien de médecins français étaient présent sur cette mission en même temps que vous?
Dans ma dernière mission, au Kurdistan, il y a un médecin, une psychologue, un infirmier expatriés, et une équipe médicale syrienne avec 4 médecins et une dizaine d'infirmiers.
Il n'y avait pas de chirurgien car c'était un dispensaire.
Et quand j'étais en Syrie, il y avait dans chaque hôpital : un chirurgien, un anesthésiste, un médecin urgentiste, deux infirmiers en mission pour MSF.
Il y avait aussi des équipes médicales locales.
Gilles: Dans quel état d'esprit sont les réfugiés syriens que vous accueillez ? Ils espèrent retourner dans leur pays ? Cherchent asile dans les pays limitrophes ? Ou plus loin en Europe ou aux US ?
Il y a toutes les situations. Certains veulent reconstruire leur vie en Irak ou dans des pays occidentaux. D'autres espèrent retourner en Syrie, chez eux.
Peu sont confiants dans une résolution du conflit rapide. Ces réfugiés syriens viennent de la région kurde de Syrie. Ils se sont réfugiés dans la région kurde de l'Irak.
Bachir: Comment les réfugiés syriens sont ils accueillis par les Irakiens qui ont eux même souffert (et souffrent encore) ?
Du fait de cette proximité de langue et de culture, ils sont très bien accueillis, comme des frères par les kurdes irakiens.
Sophie miko: Bonjour Adrien,j'ai tellement de questions qui me viennent...avez vous des difficultés a travailler dans un pays comme l'Irak et subissez vous des pressions de la part de qui que ce soit?
Ce n'est jamais facile de travailler dans un pays étranger.
En Irak, nous avons une bonne collaboration avec les autorités locales et nous ne subissons aucune pression.
MSF est indépendante financièrement car elle mène ses activités uniquement avec des fonds privés et ne dépend pas de bailleurs de fonds insitutionnels ni d'aucun gouvernement.
C'est pourquoi le soutien des donateurs est si précieux...
nadia: collaborez-vous avec le Croissant Rouge sur place ?
Milka : Quelles autres associations sont présentes sur place et comment travaillez-vous avec elles ?
En Irak, c'est le Croissant Rouge qui a, avec les hôpitaux locaux, permis un accès aux soins aux réfugiés. Nous les avons relayés lorsque nous sommes arrivés.
L'Unicef est présente sur place et nous coordonnons nos activités pour éviter les doublons.
En ce qui concerne le Croissant Rouge syrien, il est surtout présent dans les zones contrôlées par le gouvernement mais il y a des volontaires du Croissant Rouge et de d'autres associations locales qui apportent leur aide dans les zones contrôlées par l'opposition.
Evelyne: Les ONG peuvent-elles encore secourir et se déplacer dans les villes qui subissent les bombardements ?
En Syrie, il n'y a pas d'ONG internationales qui se déplacent dans les villes bombardées.
Les hôpitaux MSF se trouvent à l'écart des lignes de front pour pouvoir soigner les patients.
Dans les villes bombardées, ce sont principalement des équipes syriennes qui s'occupent des blessés dans des postes médicaux avancés.
Ils stabilisent les blessés et les envoient ensuite dans les hôpitaux.
MSF soutient des équipes médicales syriennes qui travaillent dans des postes médicaux avancés.
Evelyne: Bonjour,Les informations provenant de la Syrie sont de plus en plus brèves et nous ne pouvons qu'imaginer les conditions de vie des Syriens au milieu de cette guerre infâme. Comment vivent les habitants de ces villes bombardées au coeur de l'hiver ? Existe-t-il des lieux de soins protégés ?
Oui, les journalistes ne peuvent pratiquement plus aller en Syrie à cause de l'insécurité et des risques d'enlèvement.
De très très nombreux syriens ont dû fuir leur maison.
Ces personnes déplacées vivent dans des conditions très difficiles.
Elles sont dans des camps ou habitent chez des proches ou s'entassent dans des bâtiments publics...
Effectivement, l'hiver est rude, les gens ont des problèmes pour se chauffer, il n'y a pas d'électricité...
Dans les camps, les gens se chauffent avec des réchauds qui utilisent du pétrole de mauvaise qualité, ce qui provoque des accidents et nous voyons beaucoup de brûlés.
Il y a 6 millions de syriens déplacés dans le pays et plus de 2 millions de réfugiés dans les pays limitrophes.
Ceux qui vivent dans les villes sont exposés aux bombardements, aux difficultés d'approvionnement en nourriture, et ont un accès très limité, voire nul, aux soins médicaux.
Ali: la situation des réfugiés syriens en turquie est-elle moins dramatique?? comment msf se repartit sur les différentes frontières ?
Nous ne sommes pas présent en Turquie mais les autorités turques prennent en charge un grand nombre de réfugiés syriens.
Nous avons aussi des équipes en Jordanie et au Liban pour apporter des secours aux réfugiés syriens.
Gilles: Pensez vous que la conférence de Genève 2 prévue en janvier puisse changer quelque chose ?
Je suis médecin et non analyste politique. Mais je peux vous dire que MSF demande aux pays qui discutent de l'aide humanitaire de faciliter et d'accroître l'aide transfrontalière, c'est-à-dire concrètement l'aide qui est acheminée à partir des pays voisins dans les zones contrôlées par l'opposition.
Nous espérons que les négociations sur la Syrie abordent cette question cruciale de l'aide humanitaire.
Kiki: Etes vous parfois confrontés à des situations de stress post-traumatiques quand vous rentrez de destinations comme la Syrie et, si oui, comment est-ce géré et par qui ?
Personnellement, cela ne m'est pas arrivé. Mais cela peut nous arriver à tous.
Nous voyons un psychologue à notre retour de mission. Il nous alerte sur les signes et nous propose éventuellement un suivi.
Lola : Vous arrivez à concilier votre rôle de MSF avec une vie de famille ? C'est quoi votre parcours ? Comment vous êtes devenu MSF ?
J'ai fait ma première mission pendant mon internat, après ma spécialisation d'urgentiste, je suis revenu à MSF.
Mes premières missions étaient dans des pays stables comme le Cambodge dans le cadre d'un programme sur la tuberculose.
Puis je suis parti dans des contextes moins stables comme l'Afghanistan où j'étais chef d'un service d'urgence.
Enfin, j'ai intégré l'équipe d'urgence en octobre 2012 et je suis parti en Syrie.
A l'époque, je n'avais pas vraiment de famille, mais maintenant, je suis entrain d'en créer une et je vais donc attendre un peu avant de repartir.
Georges: Qu'allez vous faire maintenant que vous êtes rentré en France ? Travailler dans un hôpital français ? Repartir autre part avec msf ?
Je travaille dans un service d'urgence dans un hôpital à Marseille.
Julie: Quel est votre souvenir le plus fort lors d'une de vos missions?
Lors de ma première mission en Syrie, je suis allé dans un poste médical avancé. Nous avons reçu une vague de patients victimes d'un bombardement. Parmi les blessés, il y avait deux enfants dont la surface corporelle était brûlée à plus de 90%, presque tout le corps était brûlé. Nous ne pouvions rien faire d'autre que de soulager leur douleur, et c'était très dur pour la famille présente et l'équipe médicale.
J'étais dans ce poste médical avancé le 24 décembre au soir l'an dernier, l'équipe syrienne nous avait spécialement préparé un repas de réveillon, c'était une attention exceptionnelle, il y a pas de mots pour dire cela.
JAMM: Bonjour Adrien,Nous sommes des élèves de première ES et préparons l'épreuve du bac des TPE pour laquelle nous avons choisi le sujet des médecins volontaires chez MSF : quelles ont été les motivations principales qui vont ont amené à partir dans un pays si lointain ?
On ne choisit pas de partir pour un pays mais de travailler pour l'humanitaire. MSF propose une mission et c'est à moi d'accepter ou non.
On part pour une mission médicale plus que pour une destination géographique.
Mes motivations c'est d'aider les personnes les plus démunies, de travailler dans des régions difficiles où les besoins sont très importants.
Christiane: Je peux avoir un suivi de mon don ? Par exemple, si je veux donner à MSF, mais pour une situation locale qui me tient à coeur comme celle de la Syrie. Non pas que je veuille faire de distinctions entre le malheur des Syriens et des Philippins, mais les situations de guerre m'ont tjs révolté.
Oui, bien sûr, c'est possible sur le mini-site www.avecmsf.fr/avecadrien.
Il nous arrive de faire des appels de dons affectés, nous l'avons fait pour la Syrie en janvier dernier, mais ce qui est important pour MSF c'est de disposer de fonds pour pouvoir intervenir dès qu'une urgence survient, et non pas de devoir attendre que des fonds affectés soient disponibles pour envoyer des équipes sur le terrain.
Merci Adrien. Un mot pour conclure ?
Merci à tous pour vos questions et merci pour votre soutien.
J'espère que cela vous aura donné envie de continuer à nous soutenir ou à nous rejoindre.
Bonnes fêtes à tous !
anne: Bonjour,Je n'ai pas de question, je veux juste vous dire que nous pensons à vous, d'ici où tout est calme et facile, du moins pour nous, que nous vous encourageons, que nous vous remercions de votre travail et vous souhaitons un Très Bon Noël, malgré les difficultés.Anne et Philippe
[email protected]: juste vous dire que vous etes une personne qui s interesse au bien de l humanité et qui cherche a ameliorer la condition de l homme deux qualités qui vous definit altruiste et genereuse !!
sophie: Bon courage a vous
Dilan: Bonsoir merci à vous vous etes un modele pour moi!
dam: Bravo
sophie: Bon courage a vous!
Dossier Urgence SyrieRetrouvez notre dossier spécial rassemblant toutes nos informations à propos de nos activités relatives au conflit qui se déroule en Syrie.
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