Que reste-t-il de la ville de Haydan aujourd’hui ?
« La rue principale avec ses maisons et ses commerces est complètement détruite, elle est pratiquement déserte. On ne voit que des ruines. Il y a aussi beaucoup de bâtisses détruites dans les rues à côté. Cette petite ville qui se trouve dans une vallée à flanc de montagne a beaucoup changé depuis que je suis venue la première fois, en septembre. Avant la ville avait souvent été bombardée par des avions de la coalition, comme toute la région alentour. Le personnel de l’hôpital que l’on soutient m’avait dit qu’en juin et en juillet, des bombes étaient tombées à 250 mètres de l’hôpital, sur plusieurs maisons, ainsi que sur une école et un marché. Mais en octobre, les bombardements se sont intensifiés, en particulier la semaine du 12 octobre, les bombardements étaient tellement forts que l’équipe de l’hôpital que nous soutenons à Haydan nous avait déconseillé de venir. La semaine suivante, nous y sommes retournés avec mon collègue logisticien et nous avons vu de nouvelles destructions dans plusieurs villages et à Haydan même, des maisons et le marché avaient été rasés. Quelques jours plus tard, nous avons fait notre visite habituelle pour apporter des médicaments et suivre les travaux logistiques visant à améliorer l’hygiène et la gestion des déchets. Mais les raids aériens continuaient, ils étaient quasi-quotidiens et intenses, dix à quinze fois par jour. Haydan et les environs étaient bombardés, jour et nuit, jusqu’à la nuit du 26 octobre où les raids ont duré pendant deux heures. L’hôpital soutenu par MSF a été détruit par les premières frappes. Il n’en reste aujourd’hui plus rien. La salle des urgences, la maternité, les salles de consultation et d’hospitalisation, tout a été détruit. »
Il n’y a pas eu de victimes dans l’hôpital ?
« Non, cela tient du miracle. Le personnel ne se trouvait pas dans l’aile du bâtiment qui a été touchée par la première frappe et il a pu tout de suite après se mettre à l’abri. En outre il n’y avait pas de patients cette nuit-là. Le lendemain et les jours suivants, j’ai vu le personnel. Il était sous le choc. Mais en même temps, ils veulent reprendre le travail. L’hôpital de Haydan était le seul hôpital encore en activité dans la région, il couvrait une population de près de 200 000 personnes. L’activité était importante. A la maternité que nous soutenions, 16 accouchements ont été réalisés la dernière semaine d’activité. Aux urgences la semaine précédente, nous avions reçu 150 patients, 76 d’entre eux était victimes de violences, ce qui était beaucoup plus que d’habitude. Cette même semaine, une famille de 17 personnes qui avait eu sa maison bombardée dans le village d’Al Kraïd a été amenée à l’hôpital. Parmi elles, onze personnes (dont des femmes enceintes et des enfants) sont mortes à l’arrivée et aux urgences, seulement trois personnes ont pu être soignées et trois autres transférées à l’hôpital de Saada.
L’hôpital avait aussi un service de consultations externes, une centaine de consultations par semaine étaient données par le personnel du ministère de la Santé, parmi ces patients 60 enfants étaient suivis pour malnutrition. Mais il semble que l’hôpital avait reçu moins de patients que d’habitude parce que les bombardements étaient tellement intenses que les gens avaient peur de venir. »
Comment fait la population avec ces bombardements ?
« Les bombardements semblent avoir diminué sur Haydan, mais ils continuent. Le lendemain du jour où l’hôpital a été détruit, nous avons vu des gens partir sur la route dans des voitures chargées de bagages. Maintenant il n’y a plus de vie dans la ville. Les habitants se réfugient dans des grottes creusées dans les montagnes autour. Certains m’ont raconté qu’ils pouvaient être plusieurs familles cachées dans une même grotte. Ils ont tout juste assez de place pour s’asseoir. Ils ne peuvent même pas s’allonger pour dormir. Ils ne sortent que pour aller chercher de quoi manger et mettent des pierres pour boucher l’ouverture de la grotte. »
Haydan n’est pas la seule cible des bombardements de la coalition ?
« Toute la région est ciblée : les villages et les routes aussi. On voit des camions éventrés et des cratères creusés dans la route par les explosions. Sur la route principale qui mène à Saada, plusieurs ponts ont été endommagés. L’hôpital de Saquim a été détruit par les bombardements de la coalition en juin dernier. Fin août, c’est le centre de santé de Maran, également dans le gouvernorat de Saada, qui a été détruit. La petite ville de Kitaf où il y a un hôpital auquel nous voulons apporter un soutien est régulièrement la cible de bombardements. On peut aussi citer le village de Majz, les villes de Razeh, Ghamr… Partout ces raids aériens sont indiscriminés. »