Haïti : dix ans après le séisme, le système de santé au bord du gouffre

Hôpital MSF Tabarre
Lundi 9 décembre 2019, hôpital de Tabarre, spécialisé dans les urgences traumatologiques, Port-au-Prince, Haïti. Un médecin et une infirmière se préparent à administrer des médicaments aux patients hospitalisés. La capacité initiale de 25 lits a été dépassée deux semaines seulement après l'ouverture de l'hôpital, fin novembre 2019. © Leonora Baumann

Dix ans après le tremblement de terre qui a dévasté Haïti, Médecins Sans Frontières (MSF) alerte sur la détérioration du système de santé haïtien, gravement affecté par la crise politique et économique en cours et désormais au bord du gouffre.

Les structures de soins – y compris celles gérées par MSF – peinent à fournir des services de base en raison de pénuries de médicaments, d'oxygène, de sang, de carburant et de personnel, et ce alors que les besoins médicaux restent importants.

En 2019, le centre de stabilisation d'urgence dans le quartier de Martissant à Port-au-Prince a reçu en moyenne 2450 patients par mois, dont 10% avec des blessures par balle, des lacérations ou d'autres blessures dues à la violence. L'hôpital de MSF dans le quartier Drouillard de Port-au-Prince, seule structure de prise en charge dans le pays pour les grands brûlés, a connu un pic d'activité en septembre, lorsqu'il a admis un total de 141 patients souffrant de brûlures graves, principalement causées par des accidents. À Delmas, où MSF gère un programme pour les victimes de violences sexuelles, le nombre de patients a diminué pendant cette période de violence accrue, tout simplement parce qu'il était trop difficile d'accéder à l'établissement.

Dans les zones rurales, comme Port-à-Piment où MSF soutient les services d'urgence et de santé maternelle, l'effet de la crise sur le système de santé haïtien est aussi évident : l'hôpital de référence et la banque de sang du département du Sud ont fermé en octobre dernier après avoir été pillés, et ils ne sont toujours pas pleinement fonctionnels. Pour organiser le transfert des patients dans un état critique, il faut parfois cinq heures de route pour trouver un hôpital pouvant les accepter. Au nord du pays où MSF s’apprêtait à ouvrir deux structures de prises en charge pour les victimes de violences sexuelles, les activités n’ont pas pu démarrer à cause du manque de carburants et des difficultés d’accès.

En réponse à l'aggravation de cette crise, MSF a démarré de nouveaux projets pour soigner les patients que le système médical haïtien ne peut pas prendre en charge. En novembre 2019, MSF a rouvert un centre de traumatologie de 50 lits dans le quartier de Tabarre à Port-au-Prince. Au cours des cinq premières semaines, le centre de traumatologie a accueilli 574 patients dont plus de la moitié étaient blessés par balle. Cent cinquante personnes souffrant de blessures potentiellement mortelles ont été admises. L'organisation a également renforcé son aide au ministère de la Santé par des dons d'équipements et de matériel médicaux, en réhabilitant des structures médicales, en formant le personnel du principal hôpital public de Port-au-Prince, ainsi qu'en soutenant un hôpital à Port-Salut dans le département du Sud et dix centres de santé dans tout le pays.

Le 12 janvier 2010, le tremblement de terre de magnitude 7,0 qui a frappé Haïti, a fait des milliers de morts et de blessés, laissé des millions de personnes sans-abri et décimé de nombreuses infrastructures dans le pays. MSF, qui était présente en Haïti depuis 1991, n'a pas été épargnée 12 employés ont été tués et deux des trois centres médicaux soutenus par MSF ont été gravement endommagés. En réponse aux besoins urgents et immenses de la population, MSF a organisé l'une de ses opérations d'urgence les plus importantes jamais réalisées, prenant en charge plus de 350 000 personnes impactées par le tremblement de terre en seulement 10 mois.

« Le soutien international que le pays a reçu ou qui a été promis à la suite du tremblement de terre ne s'est jamais concrétisé, ou a été arrêté depuis. L'attention médiatique s'est aussi détournée alors que la vie quotidienne de la plupart des Haïtiens devient de plus en plus précaire en raison de l'inflation galopante, du manque de perspectives économiques et des flambées de violence. Il est nécessaire que d'autres acteurs se mobilisent pour répondre aux besoins médicaux actuels », conclut Hassan Issa, chef de mission pour MSF.

Plus d’informations sur la réponse de MSF au tremblement de terre en Haïti en 2010, et sur la situation sanitaire actuelle dans le pays sont disponibles dans le rapport « Haïti, 10 ans après ».

Notes

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