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Contexte

Le droit international humanitaire (DIH) prend racine dans la première Convention de Genève signée en 1864. C’est le droit qui pose les règles à appliquer lors de conflits armés internationaux, mais également lors d'un conflit interne à un pays. Le DIH a plusieurs objectifs : limiter les formes de violences armées, borner les actes de guerre à des cibles définies et garantir des secours aux populations victimes du conflit. L'action humanitaire se sert donc du DIH comme d'une boussole, pour atteindre – d'un point de vue pratique – les deux finalités essentielles qu'il prévoit : assistance et protection. Le DIH prévaut sur les droits nationaux. Le DIH fournit un cadre qui permet de définir  les responsabilités et les droits des acteurs humanitaires privés et indépendants. Ce cadre favorise l’ouverture d’un espace de négociations avec les gouvernements qui ont pris l’engagement de le respecter, et renforce ainsi les demandes d’autorisation d’agir des acteurs humanitaires, en confortant leur légitimité dans les conflits.

Le 3 octobre 2015, les forces américaines bombardaient l’hôpital de MSF à Kunduz, en Afghanistan, faisant 42 morts parmi les patients et les soignants. Ce bombardement a été traité par l’armée américaine comme une bavure regrettable : pour MSF, il s’inscrit dans la logique d'une évolution des règles d’engagement des armées impliquées dans la lutte contre le terrorisme, qui les a autorisés à considérer comme des cibles légitimes civils et infrastructures civiles dans une logique de recapture de la ville à tout prix.

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Articulation du DIH et de l'action humanitaire

Le DIH fournit un ensemble de règles articulées autour de trois piliers principaux : les limites de l’emploi de la force armée, le contenu et les conditions du secours aux civils et le respect de la mission médicale. Selon Françoise Bouchet-Saulnier, directrice juridique de MSF, ces règles permettent de « définir des espaces de responsabilité » pour l‘ensemble des acteurs impliqués dans les conflits armés ou les situations de troubles intérieurs.

Le principe fondamental du DIH est de limiter les méthodes de guerre, en distinguant d'un côté les objectifs légitimes des attaques et, de l'autre, la protection des biens et des personnes contre les effets des violences. Cette distinction permet ainsi d'établir la proportionnalité de l'usage de la force et permet d'évaluer les dommages subis par la population civile et les biens à caractère civil. Ceux qui ne participent pas directement aux combats (civils, blessés, prisonniers etc.) ne doivent en aucun cas être pris pour cible ou être utilisés à des fins stratégiques. Les biens et services essentiels à la population (eau, nourriture, fournitures médicales, ressources énergétiques, écoles, structures sanitaires…) ne doivent, quant à eux, aucunement être détruits. En cas de pénurie, leur approvisionnement par les acteurs humanitaires impartiaux ne peut être refusé par les parties au conflit.

MSF trouve dans le DIH les éléments concrets permettant de clarifier le contenu et les limites de sa propre responsabilité d’acteur humanitaire et médical. Le DIH permet aussi de baliser certains dilemmes auxquels sont confrontés les acteurs humanitaires face aux situations de violences et de crimes contre les populations. Il attribue ainsi une responsabilité spéciale aux organisations humanitaires impartiales en matière d’initiative et de mise en œuvre d’actions de secours.

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Enjeux du DIH et principes de l'action humanitaire

Le DIH est la matrice de ce que l’on appelle « l'espace humanitaire ». Ce sont les textes du DIH (Conventions de Genève et les textes fondamentaux sur lesquels repose l’action de la Croix-Rouge) qui ont permis, à l'origine, de définir les principes opérationnels fondateurs de l’action humanitaire, dont se revendique MSF :

 

  • La neutralité : elle consiste à ne pas prendre part à un conflit directement ou en s’alliant à l’un ou l’autre des belligérants. Pour un acteur humanitaire, elle implique de faire admettre que les actions de secours ne constituent pas en elles-mêmes des actes hostiles, ni une contribution effective à l’effort de guerre de l’un des belligérants.
  • L'impartialité : dans les Conventions de Genève, c’est le terme « impartial » qui qualifie l’action de secours humanitaire. Ce principe essentiel de l’action humanitaire qualifie le secours sans discrimination. L’impartialité ne doit pas être confondue avec une neutralité arithmétique de l’aide qui consisterait à donner des secours de façon égale à chaque partie en présence sous prétexte de n’en favoriser aucune. L’impartialité exige que les secours soient donnés de façon prioritaire aux personnes qui en ont le plus besoin, quelle que soit leur appartenance.

  • L'indépendance : l’action humanitaire doit chercher à être indépendante de toute pression politique, financière, militaire. C’est autour de cette notion que s’organise la différence entre l’action humanitaire conduite par des États et celle conduite par des organisations privées. Le caractère privé de l’organisation ne suffit pas à lui seul à prouver l’indépendance de celle-ci. Des éléments tels que le financement général de l’organisation, ses principes fondateurs et la transparence de son fonctionnement doivent être pris en compte. MSF enracine son autonomie d’action dans son indépendance financière, puisque la quasi-totalité de son budget est financé par des donations privées. 

 

Le DIH pose également des principes particuliers concernant l’assistance médicale aux victimes des conflits. Considérant le rôle des organisations humanitaires impartiales dans les secours médicaux et protégeant impérativement la mission médicale au profit des malades et blessés dans les conflits armés, le DIH permet de déclencher concrètement des leviers d'actions pour les opérations de secours médical de MSF dans les pays en conflit. Le travail de MSF est ainsi mené dans le respect des règles d'éthique médicale, notamment le devoir de prodiguer des soins sans causer de préjudice et d'assister toute personne en danger avec humanité, de manière impartiale et dans le respect de la confidentialité. 

 

Depuis sa création, MSF se confronte en permanence à l’évolution de la nature des conflits et/ou de la pratique des relations internationales. Ces enjeux (guerre contre le terrorisme, importance croissante des droits de l’homme et des mécanismes judiciaires internationaux, opérations militaro-humanitaires etc.) conduisent MSF à repenser constamment les modalités de son action et de ses dénonciations.

Le DIH combine toujours l'assistance et la protection car il cherche constamment à mettre en relation le volume des secours matériels avec la négociation des critères d'accès, de distribution et de contrôle par des organisations impartiales. Pour MSF, cette négociation est un élément primordial de la dimension protectrice de ses actions de secours.

    DROIT HUMANITAIRE (1/5) : DEFINITIONS, PRINCIPES ET ENJEUX

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