Gaza : nos réponses à vos questions


Médecins Sans Frontières a reçu de nombreuses questions sur ses opérations humanitaires et ses prises de parole dans le cadre du conflit israélo-palestinien. Vous trouverez ci-dessous nos réponses pour décrypter au mieux nos actions et nos prises de paroles publiques.  
Cette page a été mise à jour pour la dernière fois le 30 août 2024. 

Contexte 

Les massacres perpétrés par le Hamas le samedi 7 octobre 2023 sont d’une ampleur et d’une brutalité inédite dans le conflit israélo-palestinien. Médecins Sans Frontières a offert son soutien aux hôpitaux israéliens, qui l’ont décliné.  

La riposte d'Israël se traduit par une campagne ininterrompue de bombardements et de combats d’une intensité encore jamais vue sur une zone densément peuplée et enclavée comme Gaza : une grande partie des zones habitées, notamment dans le nord et le centre de la bande, ont pratiquement été effacés de la carte. Un siège est également imposé aux quelque 2 millions d’habitants de la bande de Gaza, qui dépendaient déjà à 80 % de l’aide extérieure avant le 7 octobre, dans le contexte d’un blocus imposé par Israël et l’Égypte depuis 2007 sur ce territoire.

+ Quelle est la situation humanitaire de la population gazaouie ? 

Les habitants de Gaza sont privés de biens essentiels tels que la nourriture, l’eau, les abris, le carburant et l’électricité, ainsi que de soins de santé, en raison du siège inhumain de toute la bande de Gaza, et particulièrement du nord du territoire, imposé par Israël. Jusqu’à présent, les approvisionnements autorisés à rentrer à Gaza ont été négligeables par rapport à des besoins qui ne cessent d’augmenter, à mesure que la population est déplacée sans cesse au gré des combats et des avis d’évacuation. La malnutrition s’étend, les maladies transmissibles se propagent, l’eau potable est rare, ce qui aggrave les conditions de vie des populations.  

En raison du manque d'acheminement de nourriture dans le territoire, la totalité de la population de Gaza (environ 2,3 millions de personnes) est affectée, selon l’IPC (initiative de classification de la phase de sécurité alimentaire) par une insécurité alimentaire critique. Cela se traduit par l’apparition de cas de malnutrition aiguë, en particulier chez les enfants. Cela revient à consciemment infliger une punition collective à la population de Gaza, assimilée à une cible légitime.  
 
Dans le contexte actuel de bombardements continus de l’armée israélienne, les civils n’ont plus aucun endroit où se réfugier. Il n’existe pas de « safe space » aujourd’hui pour la population gazaouie dont 90% a été déplacée une ou plusieurs fois depuis le début du conflit. Fin août 2024, la « zone humanitaire » décrétée par Israël, dont le périmètre a changé plusieurs fois au cours des derniers mois en raison de l'évolution des opérations militaires d’Israël, ne représentait plus que 42 kilomètres carrés, soit 11 % de la superficie totale de la bande de Gaza. L’armée israélienne a pourtant bombardé et frappé cette zone, à l’instar de l’attaque sur un bâtiment abritant du personnel de MSF en février 2024, Israël déclarant cibler des combattants du Hamas.   Face à cette catastrophe humanitaire, Médecins Sans Frontières appelle à un cessez-le-feu immédiat et durable, à la levée du siège et à la protection des structures médicales et du personnel médical. 

+ Quelle est la situation du système de santé ?  

La majorité des hôpitaux sont hors service et ceux qui parviennent encore à délivrer des soins le font avec une grande difficulté et un accès aux fournitures médicales extrêmement restreint. Le système de santé est totalement effondré alors que les rapports des autorités sanitaires locales font état de plus de 40 000 morts et 92 000 blessés au 16 août 2024.  

Depuis le début de la guerre, les attaques contre les hôpitaux, les ambulances et le personnel de santé ont été systématiques. Selon le bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA) de l’ONU, entre le 7 octobre 2023 et le 1er août 2024, 880 travailleurs de santé ont été tués dans la bande de Gaza et au moins 310 ont été arrêtés. Actuellement, selon l’OMS, seuls 16 hôpitaux, sur les 36 existants dans la bande de Gaza, seraient encore partiellement fonctionnels et un total de 1 039 attaques ont été enregistrées contre les services de santé.  

+ Pourquoi témoigner publiquement ?  

Au-delà d’apporter une assistance humanitaire à celles et ceux qui en ont urgemment besoin, témoigner et alerter est l’une des missions que MSF s’assigne.  

Notre communication sur le conflit israélo-palestinien est basée - comme partout ailleurs sur nos terrains d’intervention - sur le témoignage direct issu de notre personnel sur place, des personnes à qui nous apportons des secours, et de leur entourage.  

Nous témoignons de ce que nous observons et constatons là où nous intervenons, et nous exprimons publiquement nos appels et nos demandes aux belligérants, aux acteurs politiques, et aux autres acteurs de l’aide.  

+ MSF fournit-elle des soins médicaux en Israël ? 

MSF ne gère actuellement aucun programme médical en Israël. Dans tout contexte, nous nous efforçons de répondre aux besoins de santé qui ne sont pas couverts par le système sanitaire du pays. Or, Israël dispose d’un système de santé solide capable de répondre aux plus graves urgences.  

MSF a toutefois proposé son soutien aux hôpitaux israéliens qui ont été amenés à traiter un grand nombre de blessés à la suite des massacres commis par le Hamas le 7 octobre. Les autorités israéliennes nous ont répondu, en la déclinant.  

+ Est-ce que MSF a pu constater la présence de combattants du Hamas au sein des hôpitaux de la bande de Gaza ?   

MSF ne dispose d’aucune information directe indiquant que les combattants du Hamas utilisent les hôpitaux de la bande de Gaza à des fins militaires.  Si la présence de bases militaires et de combattants du Hamas dans les hôpitaux où nous travaillons avait été portée à notre connaissance, nous n’aurions pas maintenu d’activités sur place, pour des raisons évidentes de responsabilité et de sécurité de nos équipes. Il est également important de comprendre que les équipes MSF ne travaillent ou ont travaillé que dans une partie des grands complexes hospitaliers comme Al-Shifa et Nasser.   

D’autre part, MSF travaille depuis de nombreuses années dans la bande de Gaza, en coordination avec le ministère de la Santé, qui fait partie de l’administration civile du Hamas. À Gaza comme dans tous nos autres contextes d’intervention, la coordination avec les autorités sanitaires locales est essentielle à la bonne conduite des interventions de l’association.   

+ Est-il possible que MSF emploie des personnes qui soutiennent le Hamas, le Jihad islamique ou tout autre groupe armé ?  
Que répondez-vous face aux accusations directes d’Israël à l’encontre de Fadi Al-Wadiya, l’un de vos employés tué en juin 2024 et suspecté d’être impliqué dans des activités militaires à Gaza ?  
 

MSF n'aurait jamais sciemment employé une personne engagée dans des activités militaires. Tout employé qui serait lié à un groupe armé représente un danger pour notre personnel et nos patients. Partout où nous travaillons, nous demandons aux membres de notre personnel de s'engager à respecter la Charte de MSF, qui inclut le respect des principes humanitaires et de l'éthique médicale.  

Le 26 juin, les autorités israéliennes ont diffusé sur les réseaux sociaux des éléments concernant l’employé de MSF Fadi Al-Wadiya, tué par les forces israéliennes le 25 juin, l'accusant d'être impliqué dans des activités militaires à Gaza. Médecins Sans Frontières (MSF) est profondément préoccupée par ces allégations qu’elle prend très au sérieux. Nous n'avions aucune indication d’une éventuelle implication de Fadi Al-Wadiya dans des activités militaires. Bien que nous ayons demandé des éclaircissements aux autorités israéliennes, nous n'avons jusqu'à présent reçu aucune réponse formelle. MSF souhaite que toute la lumière soit faite sur cet assassinat et considère que seule une enquête indépendante permettra d’établir les faits. La frappe qui a tué Fadi Al-Wadiya a également tué quatre autres personnes, dont deux enfants. 

La façon dont les autorités israéliennes choisissent de communiquer autour de cet événement met davantage en danger notre personnel et contribue à discréditer les travailleurs médicaux et humanitaires à Gaza et en Cisjordanie. Cinq autres membres du personnel de MSF ont été tués à Gaza depuis le 7 octobre sans qu’aucune réponse formelle ne soit apportée à nos demandes d’explications. 

+ Que demande MSF ?  

- Un cessez-le-feu immédiat et durable afin d'éviter d'autres morts à Gaza, de rétablir et d'augmenter le flux d'aide humanitaire dont dépend la survie de la population de Gaza.  

- Les attaques systématiques contre les établissements et le personnel de santé doivent cesser immédiatement Les hôpitaux, les soignants, les ambulances et les patients ne peuvent pas être pris pour cible.  

- L'acheminement de l’aide humanitaire destinée à la population de Gaza ne doit pas être entravé. L'aide humanitaire à Gaza doit être autorisée de façon inconditionnelle.  Nous constatons des pénuries de fournitures médicales essentielles dans les hôpitaux. Il est urgent de faciliter l’entrée massive de matériel médical et de médicaments dans la bande de Gaza. Avant le 7 octobre, entre 300 et 500 camions d'approvisionnement entraient chaque jour à Gaza, où la majeure partie de la population dépendait déjà de l’aide humanitaire. Après un blocus total jusqu’au 20 octobre 2023, jamais plus de 240 camions ne sont rentrés en une journée dans Gaza, une quantité largement insuffisante face aux besoins immenses de la population.  

Nous appelons également de toute urgence au rétablissement d’un accès à l’eau potable suffisant et immédiat pour la population de la bande de Gaza.  

- Nous demandons à tous les dirigeants et chefs d’États, et notamment aux États-Unis, à la France, au Royaume-Uni, au Canada, à l'Union européenne, à la Ligue des États arabes et aux États membres de l'Organisation de la coopération islamique, d'exercer toute leur influence sur Israël pour obtenir un cessez-le-feu et arrêter le massacre en cours à Gaza. Le 10 juin 2024, après 247 jours de guerre à Gaza, le Conseil de sécurité a adopté une résolution proposant un accord de cessez-le-feu global en trois phases pour mettre fin à la guerre à Gaza, exhortant Israël et le Hamas à le mettre en œuvre intégralement, sans délai et sans condition. 

- Nous appelons à ce que les personnes qui souhaitent fuir puissent le faire. Médecins Sans Frontières demande que ses collaborateurs palestiniens qui souhaitent partir puissent être évacués, avec la possibilité de revenir à Gaza ultérieurement.  

+ Quelles activités MSF menait-elle à Gaza avant le 7 octobre 2023 ? 

Cela fait 20 ans que des équipes MSF, composées de personnel international et palestinien, travaillent à Gaza, fournissant des soins médicaux et un soutien au système de santé qui manque cruellement de personnel et de matériel. Avant que la guerre n’éclate, nos équipes intervenaient dans trois hôpitaux (Al-Shifa, Al-Awda et Al Nasser) et plusieurs cliniques ambulatoires, offrant une prise en charge globale aux personnes souffrant de brûlures et de traumatismes. Depuis 2018 et la répression brutale de l’armée israélienne sur les manifestants de la « Marche du retour », nous avons lancé un programme de chirurgie reconstructive dans le nord de Gaza. La capacité de MSF à intervenir à Gaza est cependant aujourd’hui largement réduite.   

+ De quelle manière MSF intervient-elle dans la bande de Gaza aujourd’hui ? 

Grâce à la présence de ses équipes sur place, MSF est intervenue immédiatement après le début de l’offensive israélienne le 7 octobre, en faisant don de matériel médical, en essayant de poursuivre ses activités existantes (prise en charge des brûlures et de traumatismes, chirurgie reconstructive) et en proposant son aide aux hôpitaux gazaouis débordés par le nombre de patients. Cependant, l’intensité des bombardements israéliens a rapidement limité la capacité des équipes à se déplacer, et donc à évaluer les besoins et à apporter leur aide. Au fil des mois, MSF a continué d’adapter ses interventions en fonction de l’évolution des combats, des attaques sur certains hôpitaux et des besoins de la population. 

Plusieurs de nos 700 collègues palestiniens travaillent toujours dans les projets MSF. Dans le cadre de rotations programmées, nous avons en moyenne une trentaine de staffs internationaux qui mènent des activités médicales sur place.  

Dans le nord  

La clinique que MSF gérait à Gaza City avant la guerre à proximité de l'hôpital Al-Shifa a été fortement endommagée en novembre 2023, rendant impossible le déroulement de nos activités à plusieurs reprises. Actuellement, l'équipe se concentre sur les pansements et la physiothérapie, mais nous augmentons progressivement les activités pour fournir une réponse plus complète comprenant la santé sexuelle et reproductive, les consultations de médecine générale, le dépistage des maladies non transmissibles et le dépistage et le traitement de la malnutrition.  

Dans le centre  

MSF a commencé à travailler à l'hôpital Al-Aqsa le 26 novembre 2023. Le 6 janvier 2024, MSF a dû évacuer l'hôpital en raison des combats qui se déroulaient tout autour. Le 7 février, des activités médicales de base ont repris telles que la réalisation de pansements et la rééducation de patients blessés. Depuis lors, l'équipe a recommencé à offrir des services de chirurgie traumatologique aiguë, de soins de plaies postopératoires, de physiothérapie, de promotion de la santé et de soutien à la santé mentale.  
Samedi 24 août, la ligne de front s’est rapidement approchée de l’hôpital Al-Aqsa. Le lendemain, un ordre d’évacuation émis par les forces israéliennes et une explosion à environ 250 mètres de l’hôpital ont poussé la grande majorité des 650 patients et des centaines de personnes qui s’y étaient réfugiées à fuir l’hôpital. Aujourd'hui, l'hôpital est presque méconnaissable et MSF a dû ouvrir précipitamment un hôpital de campagne situé à Deir Al Balah.  

Le 10 mars, une équipe MSF a commencé une activité de traitement des blessures et de dépistage de la malnutrition au centre de santé primaire “des Martyrs” à Deir Al Balah.  

À la mi-avril, MSF a ouvert un nouveau centre de soins de santé primaires à Al Hekker pour offrir des services ambulatoires, notamment des consultations générales, des vaccinations, des services de santé sexuelle et reproductive, des pansements, des services de santé mentale, y compris des premiers soins psychologiques. Au mois de mai, l'équipe effectuait en moyenne 250 consultations par jour.  

Dans le sud  

L'hôpital Nasser est désormais le plus grand centre chirurgical de Gaza, l'hôpital Al-Shifa ne fonctionnant plus. À la mi-février 2024, le personnel de MSF a été contraint de fuir et de laisser les patients derrière lui après qu'un obus a frappé l'hôpital et que les forces israéliennes ont ordonné l'évacuation de l'établissement avant de le prendre d'assaut.  
À la mi-mai, en collaboration avec le ministère de la Santé, MSF a relancé les opérations à Nasser, en se concentrant sur la chirurgie orthopédique et l'unité des grands brûlés. Les services de maternité, de soins intensifs néonatals et de pédiatrie ont démarré le 25 mai. Nous travaillons maintenant avec 68 lits de soins intensifs et avons ouvert un service de soins des plaies, fournissant des pansements et des séances de physiothérapie pour les cas de brûlures et de traumatismes. Nous gérons également un service de chirurgie de jour (3 jours/semaine) pour les patients nécessitant de petites interventions sous anesthésie.  

Entre mai et juin 2024, MSF a ouvert deux centres de soins de santé primaire à Khan Younes et Al Attar. MSF propose des consultations médicales, des vaccinations, des soins de santé mentale, une prise en charge ambulatoire de la malnutrition, des services de santé sexuelle et reproductive, la prise en charge des plaies, de la physiothérapie et de la promotion de la santé. Compte tenu de l'afflux massif de population en provenance de Rafah dans une zone humanitaire déjà surpeuplée, et du manque de structures de santé pour couvrir les besoins en traumatologie, MSF étudie la possibilité d'inclure un service d'urgence axé sur la stabilisation et l'orientation des cas les plus complexes.  

A Al-Mawasi, MSF a mis en place une clinique mobile de soins de santé primaires en janvier 2024. Nos équipes y fournissent des services ambulatoires, notamment des consultations générales, des vaccinations, des soins de santé sexuelle et reproductive, des pansements, des services de santé mentale et de promotion de la santé. Le centre de santé comprend une salle d'urgence ouverte 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour stabiliser et référer les patients souffrant de traumatismes.  

MSF travaille également en partenariat avec l’association locale CFTA (Culture and Free Thought Association) dans un centre de santé à Al Mawasi. MSF propose des consultations générales, la prise en charge des maladies non transmissibles, le dépistage et le traitement de la malnutrition, des pansements, de la physiothérapie, des soins pré et post-natals ainsi que des soins de santé sexuelle et reproductive.  

Les maladies et blessures les plus courantes observées chez les patients d'Al-Mawasi sont les infections des voies respiratoires supérieures, les diarrhées aiguës, les maladies de la peau et l'hypertension. 
  
Actuellement, MSF distribue plus de 600 000 litres d'eau potable par jour, obtenue grâce au processus de désalinisation dans plus de 40 points d'eau à Al Mawasi, Khan Younes, Rafah et Deir El Balah. Nous nous efforçons continuellement d'augmenter cette quantité. Une unité de dessalement à Al Mawasi fournit également 30 m3 d'eau potable par jour. Une deuxième unité est prévue à Deir el Balah, avec une livraison attendue de 70 m3 par jour, et devrait être opérationnelle à la mi-septembre. L'accès à l'eau potable fait cruellement défaut à la suite de la destruction des infrastructures, des déplacements répétés, des pénuries de carburant, etc. 

MSF mène aussi des activités par l'intermédiaire d'ONG palestiniennes partenaires telles que PARC (Agriculture Development Association), CFTA (Culture and Free Thought Association) et PalMed. 

+ Avez-vous évacué vos équipes de Gaza ? 

Au cours des premières semaines de la guerre, et après les appels de l’armée israélienne à la population à quitter le nord de la bande de Gaza, l’équipe internationale et une grande partie du personnel palestinien de MSF déjà présente à Gaza avant le 7 octobre se sont déplacés dans le sud de l’enclave.  

Les 22 membres du personnel international de MSF ont rejoint l’Égypte via le poste-frontière de Rafah le 1ᵉʳ novembre. Une nouvelle équipe MSF de 15 personnes, comprenant une équipe médicale spécialisée, est entrée le 14 novembre dans la bande Gaza et a repris des activités dans le sud du territoire. Depuis, dans le cadre de rotations programmées, nous avons en moyenne une trentaine de salariés internationaux présents à Gaza.   

Nous avons encore quelque 700 collègues palestiniens dans la bande de Gaza. Nous tentons de les soutenir et de nous assurer de leur état de santé et de sécurité. Toutefois, les difficultés de communication dues aux coupures d’électricité et de réseau ne nous permettent pas de rester en contact avec tous. Certains d’entre eux se sont déplacés vers le sud, d’autres sont restés dans le nord pour continuer à soigner là où ils le peuvent. D’autres encore sont piégés chez eux avec leur famille à cause de l’insécurité permanente.  

Depuis le 7 octobre, nous déplorons le décès de six collègues. Mohamed Al Ahel, qui était technicien de laboratoire pour MSF depuis deux ans, a été tué avec plusieurs membres de sa famille le 6 novembre, alors qu'il se trouvait chez lui dans le camp de réfugiés d'Al Shate au moment où la zone a été bombardée.  
Le 21 novembre, deux médecins MSF ont été tués lors d’une frappe sur l’hôpital al-Awda, le Dr Mahmoud Abu Nujaila et le Dr Ahmad Al Sahar.  
Le 18 novembre 2023, Alaa Al Shawa, un infirmier volontaire travaillant à côté des équipes MSF à l’hôpital Al-Shifa, ainsi qu’un autre membre de la famille d’un employé de MSF sont décédés après une attaque contre un convoi de MSF des membres du personnel de MSF et leur famille, 137 personnes au total, bloquées depuis une semaine sans eau ni nourriture dans les locaux de MSF, situés près de l'hôpital Al-Shifa, et qui tentaient de rejoindre le sud de la bande de Gaza.  
Reem Abu Lebdeh, membre du conseil d'administration de MSF Royaume-Uni et ancienne employée de MSF à Gaza, aurait vraisemblablement été tuée au cours du mois de décembre 2023 avec des membres de sa famille, lors de l'offensive israélienne à Khan Younis.  
Fadi Al Wadiya, médecin, kinésithérapeute et père de trois enfants a été tué le 25 juin alors qu’il se déplaçait à vélo pour aller travailler à la clinique MSF. 

Gaza étant sous siège total, les habitants, y compris le personnel MSF, n’ont nulle part où aller pour échapper aux bombardements. Mener des campagnes de bombardements intensifs dans un environnement enclavé et densément peuplé revient à assumer un niveau très élevé de victimes parmi les civils. Les autorités sanitaires locales font état de plus de 40 000 morts et plus de 92 000 blessés au 16 août 2024.

+ MSF compte-t-elle maintenir sa présence à Gaza ?  

MSF prévoit de maintenir son intervention humanitaire à Gaza, où quelque 700 de ses collaborateurs palestiniens sont présents, et continuera d'évaluer jour après jour la situation sécuritaire et les risques qu’encourent ses équipes, comme elle le fait depuis le début de cette guerre.   

Les zones soumises à un mécanisme dit de « déconfliction » ont fait l’objet de violations constantes et ne sont manifestement pas fiables. Des attaques des forces israéliennes contre des travailleurs humanitaires et des installations médicales ont été menées en toute impunité.   

Le meurtre tragique de sept travailleurs humanitaires de World Central Kitchen (WCK) par l’armée israélienne le 1ᵉʳ avril à Gaza, dans un convoi clairement identifié, n'est malheureusement pas un incident isolé. Israël fait preuve d’un mépris délibéré et répété envers les missions médicales et humanitaires. Plus de 287 autres travailleurs humanitaires ont été tués à Gaza, dont six membres des équipes MSF.   

Les besoins médicaux et humanitaires à Gaza sont pourtant écrasants et les tentatives concertées visant à paralyser les principaux fournisseurs d’aide humanitaire, tels que l’UNWRA, ont reçu le soutien tacite de plusieurs États à l’échelle internationale.  

+ Pouvez-vous renouveler vos stocks ou avez-vous des pénuries ? 

Les équipes de MSF à Gaza sont confrontées à de graves pénuries de médicaments et d'équipements essentiels. Nous faisons face à des contraintes significatives pour le renouvellement de nos stocks puisque la bande de Gaza est en état de siège.  

Actuellement, nous avons une base arrière en Égypte pour faciliter le transit de nos fournitures internationales, et nous avons une équipe d'urgence d'approvisionnement basée à Amman, par laquelle nous essayons d'envoyer des fournitures à Gaza. À la fin du mois de juin 2024, MSF avait acheminé sept cargaisons internationales, soit un total de 73 camions, à Gaza par l'intermédiaire des Nations unies.  

La fermeture du poste frontière de Rafah, à la suite de l'offensive israélienne dans le sud de Gaza au début du mois de mai, associée aux contrôles extrêmement stricts et basés sur des critères opaques, a considérablement congestionné le flux d'aide humanitaire passant par le point d'entrée de Kerem Shalom. Il en résulte des files d'attente massives de camions et des retards conséquents dans l'acheminement de l'aide humanitaire à travers la bande de Gaza. Même lorsque l'aide peut enfin entrer dans la bande de Gaza, les combats et l'insécurité, y compris le pillage des camions, ne permettent souvent pas aux organisations humanitaires de l'acheminer là où elle est désespérément nécessaire.  

MSF demande que l’aide humanitaire dont la population a urgemment besoin puisse être acheminée de toute urgence à Gaza.  

+ MSF s’appuie-t-elle sur les données de morbidité et de mortalité du ministère de la Santé palestinien ?  

Le ministère de la Santé local est le seul acteur à disposer d'une vue d'ensemble de la situation dans les hôpitaux de Gaza. Comme d’autres organisations, MSF s'appuie notamment sur les statistiques et les informations sanitaires officielles pour évaluer la situation et comprendre l'ampleur des besoins de la population. Dans le contexte actuel à Gaza, il est impossible de vérifier ces chiffres. 

MSF fournit une assistance médicale à Gaza depuis plus de deux décennies. De manière générale, lors des précédentes guerres dans la bande de Gaza, les données fournies par le ministère de la Santé local ont fourni des ordres de grandeur fidèles à la réalité.  De nombreux observateurs avancent par ailleurs que le nombre de victimes pourrait être sous-estimé, des milliers de personnes étant officiellement portées disparues à l’heure actuelle.   

+ Quelle est la position de MSF sur la situation de l'UNRWA ?  

MSF a dénoncé la décision de plusieurs pays de suspendre leurs financements à l'UNRWA en janvier 2024. Cette agence des Nations Unies apporte une aide vitale à des millions de Palestiniens dans la bande de Gaza, en Cisjordanie et dans la région.  

Ces réductions de financement contredisent les demandes émises par la Cour internationale de Justice le 26 janvier, portant sur l'acheminement d'une aide humanitaire suffisante à la population gazaouie. Dans la bande de Gaza, la crise humanitaire a atteint des niveaux catastrophiques. Les organisations humanitaires peinent déjà à répondre ne serait-ce qu'à une fraction des besoins urgents de la population. Toute réduction de l'aide entraînera davantage de morts et de souffrances. MSF continue d'appeler à un cessez-le-feu immédiat et durable et à la levée du siège pour permettre l'augmentation et la continuité de l'approvisionnement humanitaire à Gaza pour les quelque 2,2 millions de personnes dans l'enclave.  

Le 29 mai, un projet de loi visant à désigner l'UNRWA, l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, comme une organisation terroriste, a été adopté en première lecture avant trois autres lectures au Parlement israélien, la Knesset. Un deuxième projet de loi visant à rompre tous les liens avec l'agence des Nations unies et à la priver de diverses exemptions a également été proposé et a fait l'objet d'une lecture préliminaire. Ces deux projets de loi n'interdiraient pas seulement à l'UNRWA d'opérer en Israël, mais criminaliseraient également l'organisation, ses activités et son personnel. Cliquez ici pour en savoir plus.  

+ Est-il vrai que les Israéliens préviennent la population de Gaza avant de frapper ?  

Israël a annoncé, lors de cette guerre comme lors des précédentes, prévenir systématiquement par sms, via les réseaux sociaux, par téléphone, ou autres moyens de communication, les habitants d’un quartier qui va être bombardé. Nous avons cependant constaté que ce n’est pas toujours le cas. Et même si des alertes continuent à être diffusées par les autorités israéliennes, elles sont difficilement accessibles aux habitants de Gaza : en raison des fréquentes coupures d’électricité et de réseau, l’usage des téléphones portables et de tout autre moyen de communication reste extrêmement limité.  

De façon générale, ce genre de messages laissetrès peu de temps aux gens pour fuir. Mener des campagnes de bombardements intensifs dans un environnement enclavé et densément peuplé revient à assumer un niveau très élevé de victimes parmi les civils. Ce sont, de fait, des bombardements indiscriminés.  

Actuellement, plus aucun endroit n'est sûr pour les civils dans la bande de Gaza. MSF demande de toute urgence un cessez-le-feu et la définition de lieux sécurisés et épargnés par les bombardements dans la bande de Gaza.  

+ Clarification au sujet du tweet sur le bombardement de l’hôpital Al-Ahli Arab du 17 octobre 2023 

Bien que nous ayons immédiatement attribué à Israël la responsabilité du bombardement sur l’hôpital de Al-Ahli Arab qui s’est produit le 17 octobre en fin de journée à Gaza, entraînant la mort de plusieurs centaines de personnes, il est impossible pour MSF de dire avec certitude qui en est responsable. Seule une enquête indépendante permettra de l’établir.  

Entre le 12 et le 17 octobre, les autorités israéliennes ont appelé à plusieurs reprises à l'évacuation des hôpitaux du nord de Gaza, en prévision de possibles bombardements. À cette date, l'OMS avait fait état de 52 attaques contre des structures de santé, et de 26 hôpitaux endommagés à Gaza.  

L’hôpital Ahli Arab avait déjà été touché par une attaque le samedi 14 octobre.  

Nous appelons au respect des civils et de la mission médicale. Les hôpitaux, les soignants, les ambulances et les patients ne peuvent pas être pris pour cible.  

+ Quelle est la position de MSF au sujet des otages retenus par le Hamas ?  

MSF n’est pas impliquée dans les négociations pour la libération d’otages, ni à Gaza ni ailleurs dans le monde. Cette activité fait partie notamment du mandat du Comité International de la Croix Rouge et du Croissant Rouge.  

Nous comprenons l’émotion et l’angoisse des familles des otages. Nous appelons toutes les parties au conflit à épargner la population civile où qu'elle se trouve. Le 18 octobre 2023, MSF a par ailleurs signé cette pétition, appelant à un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza, et également à une libération des otages.  

Notre communication sur le conflit israélo-palestinien est basée - comme partout ailleurs sur nos terrains d’intervention - sur le témoignage direct issu de notre personnel sur place, des personnes à qui nous apportons des secours, et de leur entourage. Nous témoignons de ce que nous observons et constatons là où nous intervenons, et nous exprimons publiquement nos appels et nos demandes aux belligérants, aux acteurs politiques, et aux autres acteurs de l’aide.  

+ Comment pouvez-vous affirmer que les hôpitaux ont été ciblés par l’armée israélienne ?   

Les témoignages que nous avons recueillis auprès de notre personnel médical dessinent ce qui relève d’une stratégie militaire assumée ciblant les structures de soin, basée sur l’argument qu’elles seraient utilisées en tant que structure militaire par le Hamas – ce dont les équipes MSF n’ont pas été témoins directs. Au cours des premiers mois de la guerre, dans le nord de la bande de Gaza, dans les hôpitaux d’Al-Shifa, Al-Quds et Al-Nasser, où intervenait du personnel MSF, la méthode appliquée par l’armée israélienne a consisté à bombarder lourdement les alentours des structures de santé, rendant impossibles les transferts de patients et l’accès pour les blessés et les civils en quête de soin et de protection. Elle a ensuite encerclé avec ses moyens terrestres les lieux de soins et demandé leur évacuation, alors même que des tirs et des combats actifs continuaient aux alentours. Des patients, des civils et du personnel médical ont été délibérément visés alors qu’ils tentaient parfois de s’en extraire comme il leur avait été demandé. Les hôpitaux eux-mêmes ont aussi été touchés par des tirs. Le personnel médical s’est bien souvent retrouvé face à un choix impossible : sauver leur vie ou celle de leurs patients. Nous ne pouvons pas établir l’origine de chaque tir ou attaque sur ces hôpitaux. Mais nous savons que certaines attaques sont clairement attribuées à des chars, que seule l’armée israélienne possède. De plus, nous constatons que la stratégie militaire appliquée est similaire d’un hôpital à l’autre.   

+ Demandez-vous une enquête sur ces attaques ?   

Les attaques sur les centres de santé, les patients et le personnel médical sont inacceptables. Nous estimons qu’il est crucial que les faits et les responsabilités soient établies sur ces événements, et nous pensons qu’il est nécessaire pour cela que des enquêtes indépendantes puissent être menées.   

+ Le 18 novembre, un convoi tentant d'évacuer du personnel MSF et des membres de leur familles a été attaqué. De quels éléments MSF disposez-vous à ce sujet ?   

MSF avait informé le Hamas et les forces israéliennes de ce mouvement. Les voitures ont emprunté l'itinéraire indiqué par l'armée israélienne. Le convoi a atteint le dernier checkpoint près de Wadi Gaza où une foule attendait de pouvoir passer à ce moment-là, en raison des contrôles de sécurité longs et contraignants effectués par les soldats israéliens. Malgré les informations échangées avec l'armée israélienne, les membres du personnel MSF et leurs familles n'ont pas été autorisés à franchir le checkpoint. Après quelques heures d’attente, ils ont entendu des coups de feu, ce qui les a poussés à faire demi-tour et à retourner dans les locaux de MSF, situés à environ 7 kilomètres du checkpoint. Notre bureau à Jérusalem a informé les autorités israéliennes de la décision du retour de notre équipe dans la ville de Gaza. Sur le chemin du retour, le convoi, composé de cinq voitures, toutes clairement identifiées par des logos de l’organisation, y compris sur leur toit, a été délibérément ciblé par des tirs tuants deux personnes : un infirmier, membre de la famille d’un collègue, qui s’était porté volontaire et qui travaillait aux côtés de nos équipes à l’hôpital Al-Shifa, et qui est décédé immédiatement ; ainsi qu’un membre de la famille d’un autre de nos collègues, qui a succombé à sa blessure le 22 novembre.   

+ Pourquoi affirmez-vous que les éléments dont vous disposez au sujet de l'attaque contre votre convoi le 18 novembre pointent vers la responsabilité de l’armée israélienne ?   

Nos collègues présents dans le convoi, dont nous avons recueilli les témoignages, ont vu des véhicules militaires et des soldats israéliens leur tirer dessus alors qu'ils traversaient la ville de Gaza à la suite d'une tentative d'évacuation vers le sud. Les forces israéliennes et le Hamas avaient tous deux autorisé le mouvement d'évacuation. Nous avions également prévenu les forces israéliennes du retour de notre équipe dans la ville de Gaza, car la tentative d’évacuation avait dû être abandonnée, l’armée israélienne n’ayant pas autorisé le passage du convoi au poste de contrôle séparant le nord et le sud de Gaza.   

Par ailleurs, l’armée israélienne a affirmé dans un communiqué, partagé avec le Washington Post le 23 novembre, que des militaires étaient présents au moment de l’attaque et qu’ils avaient effectué des tirs de sommation à l’encontre des véhicules MSF. Nous considérons que tous les éléments dont nous disposons pointent vers une responsabilité de l'armée israélienne dans cette attaque meurtrière.   

+ Comment soutenir les actions MSF à Gaza ?

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