Gaza : nos réponses à vos questions


Médecins Sans Frontières a reçu de nombreuses questions sur ses opérations humanitaires et ses prises de parole dans le cadre du conflit israélo-palestinien. Vous trouverez ci-dessous nos réponses pour décrypter au mieux nos actions et nos prises de paroles publiques.  
Cette page a été mise à jour pour la dernière fois le 03 novembre 2024. 

Contexte 

Les massacres perpétrés par le Hamas le samedi 7 octobre 2023 sont d’une ampleur et d’une brutalité inédite dans le conflit israélo-palestinien. Médecins Sans Frontières a offert son soutien aux hôpitaux israéliens, qui l’ont décliné.  

La riposte d'Israël se traduit par une campagne ininterrompue de bombardements et de combats d’une intensité encore jamais vue sur une zone densément peuplée et enclavée comme Gaza : une grande partie des zones habitées, notamment dans le nord et le centre de la bande, ont pratiquement été effacés de la carte. Un siège est également imposé aux quelque 2 millions d’habitants de la bande de Gaza, qui dépendaient déjà à 80 % de l’aide extérieure avant le 7 octobre, dans le contexte d’un blocus imposé par Israël et l’Égypte depuis 2007 sur ce territoire.

+ Quelle est la situation humanitaire de la population gazaouie ? 

Les habitants de Gaza sont privés de biens essentiels tels que la nourriture, l’eau, les abris, le carburant et l’électricité, ainsi que de soins de santé, en raison du siège inhumain de toute la bande de Gaza, et particulièrement du nord du territoire, imposé par Israël. Jusqu’à présent, les approvisionnements autorisés à rentrer à Gaza ont été négligeables par rapport à des besoins qui ne cessent d’augmenter, à mesure que la population est déplacée sans cesse au gré des combats et des avis d’évacuation. La malnutrition s’étend, les maladies transmissibles se propagent, l’eau potable est rare, ce qui aggrave les conditions de vie des populations.  

En raison du manque d'acheminement de nourriture dans le territoire, la quasi-totalité de la population de Gaza (environ 96 % des 2,3 millions d’habitants) est affectée, selon l’IPC (initiative de classification de la phase de sécurité alimentaire) par une insécurité alimentaire critique. Cela se traduit par l’apparition de cas de malnutrition aiguë, en particulier chez les enfants. Cela revient à consciemment infliger une punition collective à la population de Gaza, assimilée à une cible légitime.  
 
Dans le contexte actuel de bombardements continus de l’armée israélienne, les civils n’ont plus aucun endroit où se réfugier. Il n’existe pas de « safe space » aujourd’hui pour la population gazaouie dont 90% a été déplacée une ou plusieurs fois depuis le début du conflit. Fin août 2024, la « zone humanitaire » décrétée par Israël, dont le périmètre a changé plusieurs fois au cours des derniers mois en raison de l'évolution des opérations militaires d’Israël, ne représentait plus que 42 kilomètres carrés, soit 11 % de la superficie totale de la bande de Gaza. L’armée israélienne a pourtant bombardé et frappé cette zone, à l’instar de l’attaque sur un bâtiment abritant du personnel de MSF en février 2024, Israël déclarant cibler des combattants du Hamas. Face à cette catastrophe humanitaire, Médecins Sans Frontières appelle à un cessez-le-feu immédiat et durable, à la levée du siège et à la protection des structures médicales et du personnel médical. 

La situation dans le nord de Gaza est particulièrement critique. De nouveaux ordres d'évacuation ont été communiqués par l'armée israélienne, entraînant encore une fois des déplacements forcés. Des hôpitaux, dans lesquels des centaines de patients sont soignés, sont situés dans les zones concernées. Les bombardements ont redoublé d'intensité, de nouvelles opérations militaires au sol ont été lancées. Nous avons appris le 10 octobre le décès tragique d'un collègue, blessé par un éclat d'obus deux jours auparavant. C'était le septième membres des équipes MSF à mourir depuis octobre 2023. Nos collègues sur place disent avoir peur de se déplacer de peur de se faire tuer. En parallèle, depuis le 1er octobre, plus aucune aide ou bien de première nécessité ne rentre dans le nord. La population de Gaza a plus que jamais besoin d’un cessez-le-feu durable.  

+ Est-ce qu'il y a une situation de famine à Gaza ? 

En raison des blocages israéliens à l’entrée de nourriture dans le territoire et aux difficultés d’acheminement à l’intérieur de la bande, la quasi-totalité de la population de Gaza (environ 96 % des 2,3 millions d’habitants) est affectée par une insécurité alimentaire critique, selon l’IPC (initiative de classification de la phase de sécurité alimentaire). Cela se traduit par l’apparition de cas de malnutrition aiguë, en particulier chez les enfants. Empêcher un approvisionnement suffisant en nourriture revient à consciemment infliger une punition collective à la population de Gaza, assimilée à une cible légitime. 

+ Quelle est la différence entre la situation à Gaza et celles observées par MSF dans de nombreux autres conflits ?   

Gaza était déjà un territoire occupé et sous blocus depuis 2007 et sa population dépendait déjà de l’aide extérieure à hauteur de 80 % de ses besoins. Depuis le 23 octobre 2023, la bande de Gaza est soumise à un siège total et la guerre menée par Israël se traduit par une campagne ininterrompue de bombardements et de combats d’une intensité encore jamais vue sur une zone densément peuplée et enclavée. Ce qui rend unique ce contexte humanitaire, c'est l'impossibilité pour la population de se mettre à l'abri, de fuir les bombardements de l'armée israélienne et les combats. Une grande partie des zones habitées, notamment dans le nord et le centre de la bande, ont pratiquement été effacées de la carte. Nos équipes, qui ont souvent une très importante expérience en situation de conflit, nous rapportent ne jamais avoir vu un tel niveau de destruction et de violence. 

+ Quelle est la situation du système de santé ?  

La majorité des hôpitaux sont hors service et ceux qui parviennent encore à délivrer des soins le font avec une grande difficulté et un accès aux fournitures médicales extrêmement restreint. Le système de santé est totalement effondré alors que les rapports des autorités sanitaires locales font état de plus de 42 500 morts et plus de 100 000 blessés au 25 octobre 2024.   

Depuis le début de la guerre, les attaques contre les hôpitaux, les ambulances et le personnel de santé ont été systématiques. Selon le bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA) de l’ONU, entre le 7 octobre 2023 et le 25 septembre 2024, 1000 travailleurs de santé ont été tués dans la bande de Gaza et au moins 370 ont été arrêtés. Actuellement, selon l’OMS, seuls 17 hôpitaux, sur les 36 existants dans la bande de Gaza, seraient encore partiellement fonctionnels et un total de 1 063 attaques ont été enregistrées contre les services de santé. 

Après une année de guerre à Gaza, la vie des habitants et la capacité du système de santé ont été détruites, comme l’ont constaté les équipes MSF. Les besoins médicaux et humanitaires sont immenses. Les maladies transmissibles, notamment les maladies cutanées, se propagent. Les bombardements provoquent des blessures traumatiques et des brûlures, avec plus de 95 000 blessés à Gaza. Les gens n'ont pas un accès adéquat à l'eau, à la nourriture et aux services de base, notamment aux services médicaux et d'assainissement. 

Dans ces conditions, on observe que le poliovirus a refait surface à Gaza après 25 ans, en juillet 2024. En réponse, l'Onu et le ministère de la Santé de Gaza ont lancé une campagne de vaccination en deux phases. MSF a soutenu cette initiative logistiquement. Quatre centres de soins de santé primaire situés à Khan Younis et Deir Al Balah, ainsi que l'hôpital de campagne Al Zawaida récemment ouvert et soutenu par MSF à Deir Al Balah, ont été mis à disposition en tant que centres de vaccination. Nos équipes ont également fourni un soutien en matière de promotion de la santé et d'organisation, en aménageant des espaces pour le matériel de la chaîne du froid dans un centre de soins de santé primaires à Al-Mawasi qui sert de point de distribution pour 11 centres de vaccination aux alentours. 

Malheureusement, cette campagne de vaccination contre la polio et la prétendue « pause militaire » déclarée par les responsables israéliens pendant une période de trois jours pour permettre sa réalisation, ne sont qu'une goutte d'eau dans l'océan dans l’océan des besoins humanitaires urgents de la population de Gaza. Actuellement, selon l’OMS, seuls 17 hôpitaux, sur les 36 existants dans la bande de Gaza, seraient encore partiellement fonctionnels. Ceux qui parviennent encore à délivrer des soins le font avec une grande difficulté et un accès aux fournitures médicales extrêmement restreint. Le système de santé s’est totalement effondré.  

+ Où sont envoyés les patients gazaouis qui doivent être évacués ? Par quel biais se font les évacuations ?  

Depuis le 7 octobre 2023, plus de 95 000 personnes ont été blessées à Gaza par des attaques israéliennes ; parmi elles, plus de 12 000 ont besoin d'un transfert à l’extérieur du territoire pour pouvoir recevoir des soins à la hauteur de la gravité de leur situation ; cela inclut des blessés de guerre ainsi que des personnes atteintes par des maladies comme le cancer. Malheureusement, les forces Israéliennes n’autorisent pas ces transferts en nombre suffisant, et ne le font qu’en appliquant des critères opaques et arbitraires. Ces personnes doivent être évacuées de Gaza en urgence et leur accès à des structures médicales adéquates à l’étranger doit être facilité. 

Au cours des derniers mois, MSF est parvenue à transférer une dizaine de patients vers Amman, en Jordanie, après une première évacuation depuis l’Égypte. Là-bas, nos équipes prennent en charge les blessés grâce à des opérations de chirurgie reconstructrice, des activités de physiothérapie et des soins de santé mentale. Cela représente une goutte d’eau dans l’océan des besoins médicaux des Gazaouis.  

MSF appelle les autorités israéliennes à protéger le système de santé restant à Gaza, mais aussi à assurer les évacuations médicales pour ceux dont la vie en dépend, y compris leurs accompagnants, et à ce que d'autres États reçoivent et facilitent les traitements en dehors de Gaza, tout en veillant à ce que toutes les références médicales, les patients et leurs accompagnants bénéficient d'un retour sûr, volontaire et digne à Gaza. 

+ Pourquoi témoigner publiquement ?  

Au-delà d’apporter une assistance humanitaire à celles et ceux qui en ont urgemment besoin, témoigner et alerter est l’une des missions que MSF s’assigne.  

Notre communication sur le conflit israélo-palestinien est basée - comme partout ailleurs sur nos terrains d’intervention - sur le témoignage direct issu de notre personnel sur place, des personnes à qui nous apportons des secours, et de leur entourage.  

Nous témoignons de ce que nous observons et constatons là où nous intervenons, et nous exprimons publiquement nos appels et nos demandes aux belligérants, aux acteurs politiques, et aux autres acteurs de l’aide. Nous nous adressons régulièrement aux pays alliés d'Israël comme les États-Unis et l’Allemagne. A ce titre, les bureaux MSF dans ces pays participent à cet effort, comme ce fut le cas pour cette initiative de plaidoyer menée aux États-Unis, avec des médecins MSF qui ont témoigné aux Nations unies et auprès de décideurs américains. 

Après un an de conflit, nous constatons que la guerre totale menée contre la population de Gaza est marquée par l’utilisation de la violence disproportionnée comme doctrine, et un mépris total pour la dignité humaine et la vie des Palestiniens, avec des violations quasi quotidiennes du droit international humanitaire. Les forces israéliennes ont mené des attaques aveugles qui ne font aucune distinction entre les cibles militaires et les vies civiles, accompagnées d’un discours public déshumanisant les Palestiniens et assimilant toute la population de Gaza au Hamas. La guerre menée par Israël prend la forme d’une punition collective de la population de Gaza, y compris par la privation de nourriture, d’eau, et d’autres biens de première nécessité, par le démantèlement systématique du système de santé par les forces israéliennes et par les déplacements forcés massifs et répétés de la presque totalité de la population, qui ont entraîné une explosion des besoins médicaux et humanitaires. Depuis le début du conflit, les équipes de MSF ont soigné plus de 27 500 patients, pour des blessures liées à 80 % aux bombardements. Les mesures demandées en janvier 2024 par la Cour internationale de justice visant à prévenir le risque d’un génocide dans la bande de Gaza n’ont jamais été adoptées par les Israéliens.   

+ MSF fournit-elle des soins médicaux en Israël ? 

MSF ne gère actuellement aucun programme médical en Israël. Dans tout contexte, nous nous efforçons de répondre aux besoins de santé qui ne sont pas couverts par le système sanitaire du pays. Or, Israël dispose d’un système de santé solide capable de répondre aux plus graves urgences.  

MSF a toutefois proposé son soutien aux hôpitaux israéliens qui ont été amenés à traiter un grand nombre de blessés à la suite des massacres commis par le Hamas le 7 octobre. Les autorités israéliennes nous ont répondu, en la déclinant.  

Plus tard, nous avons réitéré aux autorités israéliennes notre proposition de venir en aide aux populations déplacées en Israël, dans le nord du pays, mais celle-ci n’a pas été retenue.

+ Réaction de MSF suite à la publication du Journal Du Dimanche

Les éléments que le Journal du Dimanche présente comme des faits et comme point de départ de son "enquête" publiée dans son édition du 03 novembre 2024 sont un montage d’opinions, d’insinuations non étayées par des faits et d’allégations fausses que nous contestons. Nous avions d’ailleurs réagi en ce sens au moment de la publication d’une interview d’une personne se présentant comme un médecin ayant travaillé pour MSF dans votre journal le 9 juin, à la suite de laquelle nous avions adressé un courrier au Directeur de la rédaction. A ce jour, il n’a pas jugé opportun de nous répondre.

La démarche du JDD s'inscrit dans une campagne de décrédibilisation de la parole et du travail de Médecins Sans Frontières, ainsi que des autres ONG et organisations humanitaires présentes à Gaza, qui tentent de porter secours à la population et de rendre compte de l’horreur de cette guerre. Cette démarche n’est pas seulement nuisible à la réputation de MSF, elle est également dangereuse et irresponsable dans la mesure où elle soutient la rhétorique des autorités israéliennes justifiant les attaques contre les civils et les organisations humanitaires à Gaza.

+ Est-ce que MSF a pu constater la présence de combattants du Hamas au sein des hôpitaux de la bande de Gaza ?   

MSF ne dispose d’aucune information directe indiquant que les combattants du Hamas utilisent les hôpitaux de la bande de Gaza à des fins militaires. Si la présence de bases militaires et de combattants du Hamas dans les hôpitaux où nous travaillons avait été portée à notre connaissance, nous n’aurions pas maintenu d’activités sur place, pour des raisons évidentes de responsabilité et de sécurité de nos équipes. Il est également important de comprendre que les équipes MSF ne travaillent ou ont travaillé que dans une partie des grands complexes hospitaliers comme Al-Shifa et Nasser.   

MSF et les autres organisations humanitaires sont sommées de démontrer que des combattants du Hamas n'utilisent pas les hôpitaux à des fins militaires ; or, la charge d'apporter des preuves solides de cela revient à l'armée israélienne, qui justifie avec cet argument ses attaques contre les hôpitaux et les civils qui tentent d'y trouver refuge.

D’autre part, MSF travaille depuis de nombreuses années dans la bande de Gaza, en coordination avec le ministère de la Santé, qui fait partie de l’administration civile du Hamas. À Gaza comme dans tous nos autres contextes d’intervention, la coordination avec les autorités sanitaires locales est essentielle à la bonne conduite des interventions de l’association.   

+ Est-il possible que MSF emploie des personnes qui soutiennent le Hamas, le Jihad islamique ou tout autre groupe armé ?  
Que répondez-vous face aux accusations directes d’Israël à l’encontre de Fadi Al-Wadiya, l’un de vos employés tué en juin 2024 et suspecté d’être impliqué dans des activités militaires à Gaza ?  
 

MSF n'aurait jamais sciemment employé une personne engagée dans des activités militaires. Tout employé qui serait lié à un groupe armé représente un danger pour notre personnel et nos patients. Partout où nous travaillons, nous demandons aux membres de notre personnel de s'engager à respecter la Charte de MSF, qui inclut le respect des principes humanitaires et de l'éthique médicale.  

Le 26 juin, les autorités israéliennes ont diffusé sur les réseaux sociaux des éléments concernant l’employé de MSF Fadi Al-Wadiya, tué par les forces israéliennes le 25 juin, l'accusant d'être impliqué dans des activités militaires à Gaza. Médecins Sans Frontières (MSF) est profondément préoccupée par ces allégations qu’elle prend très au sérieux. Nous n'avions aucune indication d’une éventuelle implication de Fadi Al-Wadiya dans des activités militaires. Bien que nous ayons demandé des éclaircissements aux autorités israéliennes, nous n'avons jusqu'à présent reçu aucune réponse formelle. MSF souhaite que toute la lumière soit faite sur cet assassinat et considère que seule une enquête indépendante permettra d’établir les faits. La frappe qui a tué Fadi Al-Wadiya a également tué quatre autres personnes, dont deux enfants. 

La façon dont les autorités israéliennes choisissent de communiquer autour de cet événement met davantage en danger notre personnel et contribue à discréditer les travailleurs médicaux et humanitaires à Gaza et en Cisjordanie. Six autres membres du personnel de MSF ont été tués à Gaza depuis le 7 octobre sans qu’aucune réponse formelle ne soit apportée à nos demandes d’explications. 

+ Que demande MSF ?  

- Un cessez-le-feu immédiat et durable afin d'éviter d'autres morts à Gaza, de rétablir et d'augmenter le flux d'aide humanitaire dont dépend la survie de la population de Gaza.  

- Les attaques systématiques contre les établissements et le personnel de santé doivent cesser immédiatement Les hôpitaux, les soignants, les ambulances et les patients ne peuvent pas être pris pour cible.  

- L'acheminement de l’aide humanitaire destinée à la population de Gaza ne doit pas être entravé. L'aide humanitaire à Gaza doit être autorisée de façon inconditionnelle. Nous constatons des pénuries de fournitures médicales essentielles dans les hôpitaux. Il est urgent de faciliter l’entrée massive de matériel médical et de médicaments dans la bande de Gaza. Avant le 7 octobre, entre 300 et 500 camions d'approvisionnement entraient chaque jour à Gaza, où la majeure partie de la population dépendait déjà de l’aide humanitaire. Après un blocus total jusqu’au 20 octobre 2023, jamais plus de 240 camions ne sont rentrés en une journée dans Gaza, une quantité largement insuffisante face aux besoins immenses de la population.  

Nous appelons également de toute urgence au rétablissement d’un accès à l’eau potable suffisant et immédiat pour la population de la bande de Gaza.  

- Nous demandons à tous les dirigeants et chefs d’États, et notamment aux États-Unis, à la France, au Royaume-Uni, au Canada, à l'Union européenne, à la Ligue des États arabes et aux États membres de l'Organisation de la coopération islamique, d'exercer toute leur influence sur Israël pour obtenir un cessez-le-feu et arrêter le massacre en cours à Gaza. Le 10 juin 2024, après 247 jours de guerre à Gaza, le Conseil de sécurité a adopté une résolution proposant un accord de cessez-le-feu global en trois phases pour mettre fin à la guerre à Gaza, exhortant Israël et le Hamas à le mettre en œuvre intégralement, sans délai et sans condition, mais cela ne suffit pas. Les alliés d’Israël qui demandent un cessez-le-feu ou le respect des civils, mais continuent à l’approvisionner en armes, se contredisent et montrent toute leur hypocrisie.

- Nous appelons à ce que les personnes qui souhaitent fuir Gaza, pour se sauver ou pour aller se faire soigner en dehors du territoire, puissent le faire, et cela sans perdre leur droit au retour sur leur terre si et quand elles le souhaiteront. Médecins Sans Frontières demande que ses collaborateurs palestiniens qui souhaitent partir puissent être évacués, avec la possibilité de revenir à Gaza ultérieurement.   

De manière plus directe, MSF a adressé une lettre ouverte à Emmanuel Macron en décembre dernier afin de demander un cessez-le-feu immédiat et durable à Gaza, ainsi que la fin des attaques indiscriminées et continues, la fin des déplacements forcés, la fin des attaques contre les hôpitaux et le personnel médical, et la fin du siège de Gaza. 

En février 2024, Christopher Lockyear, secrétaire général de Médecins Sans Frontières, est intervenu au Conseil de sécurité des Nations unies lors de sa réunion mensuelle sur Gaza. À cette occasion, il a, à nouveau, appelé à un cessez-le-feu immédiat et durable à Gaza. Il a également appelé à protéger les installations médicales, le personnel de santé et les patients (en savoir plus).

+ Est-ce que MSF communique directement avec les autorités israéliennes et avec les autorités palestiniennes ? 

MSF est en communication régulière avec Israël via l’organisme de Coordination des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT). Cette unité du ministère israélien de la Défense est chargée de superviser la politique civile en Cisjordanie, ainsi que de faciliter la coordination logistique entre Israël et la bande de Gaza.  

Pour ce qui est de Gaza, comme dans tous nos contextes d’intervention, MSF dialogue et coordonne ses activités avec les autorités en place. Nous travaillions donc déjà en collaboration avec le ministère de la santé palestinien avant cette guerre, nous continuons de communiquer avec les autorités locales pour coordonner nos activités sur le territoire. 

+ Quelles activités MSF menait-elle à Gaza avant le 7 octobre 2023 ? 

Cela fait 20 ans que des équipes MSF, composées de personnel international et palestinien, travaillent à Gaza, fournissant des soins médicaux et un soutien au système de santé qui manque cruellement de personnel et de matériel. Avant que la guerre n’éclate, nos équipes intervenaient dans trois hôpitaux (Al-Shifa, Al-Awda et Al Nasser) et plusieurs cliniques ambulatoires, offrant une prise en charge globale aux personnes souffrant de brûlures et de traumatismes. Depuis 2018 et la répression brutale de l’armée israélienne sur les manifestants de la « Marche du retour », nous avons lancé un programme de chirurgie reconstructive dans le nord de Gaza. La capacité de MSF à intervenir à Gaza est cependant aujourd’hui largement réduite.   

+ De quelle manière MSF intervient-elle dans la bande de Gaza aujourd’hui ? 

Grâce à la présence de ses équipes sur place, MSF est intervenue immédiatement après le début de l’offensive israélienne le 7 octobre, en faisant don de matériel médical, en essayant de poursuivre ses activités existantes (prise en charge des brûlures et de traumatismes, chirurgie reconstructive) et en proposant son aide aux hôpitaux gazaouis débordés par le nombre de patients. Cependant, l’intensité des bombardements israéliens a rapidement limité la capacité des équipes à se déplacer, et donc à évaluer les besoins et à apporter leur aide. Au fil des mois, MSF a continué d’adapter ses interventions en fonction de l’évolution des combats, des attaques sur certains hôpitaux et des besoins de la population. 

Plusieurs de nos 700 collègues palestiniens travaillent toujours dans les projets MSF. Dans le cadre de rotations programmées, nous avons en moyenne une trentaine de staffs internationaux qui mènent des activités médicales sur place.  

Dans le nord  

La clinique que MSF gérait à Gaza City avant la guerre à proximité de l'hôpital Al-Shifa a été fortement endommagée en novembre 2023, rendant impossible le déroulement de nos activités à plusieurs reprises. Actuellement, l'équipe se concentre sur les pansements et la physiothérapie, mais nous augmentons progressivement les activités pour fournir une réponse plus complète comprenant la santé sexuelle et reproductive, les consultations de médecine générale, le dépistage des maladies non transmissibles et le dépistage et le traitement de la malnutrition.  

Dans le centre  

MSF a commencé à travailler à l'hôpital Al-Aqsa le 26 novembre 2023. Le 6 janvier 2024, MSF a dû évacuer l'hôpital en raison des combats qui se déroulaient tout autour. Le 7 février, des activités médicales de base ont repris telles que la réalisation de pansements et la rééducation de patients blessés. Depuis lors, l'équipe a recommencé à offrir des services de chirurgie traumatologique aiguë, de soins de plaies postopératoires, de physiothérapie, de promotion de la santé et de soutien à la santé mentale.  
Samedi 24 août, la ligne de front s’est rapidement approchée de l’hôpital Al-Aqsa. Le lendemain, un ordre d’évacuation émis par les forces israéliennes et une explosion à environ 250 mètres de l’hôpital ont poussé la grande majorité des 650 patients et des centaines de personnes qui s’y étaient réfugiées à fuir l’hôpital. MSF a dû ouvrir précipitamment un hôpital de campagne situé à Deir Al Balah afin de poursuivre ses activités médicales.

Le 14 octobre 2024, Al-Aqsa a de nouveau été atteint par une frappe aérienne israélienne, provoquant des scènes d’horreur puisque les tentes des gens qui se réfugiaient dans l’enceinte de l’hôpital ont pris feu. L’attaque a fait 65 blessés et 5 morts. Le complexe hospitalier a été touché sept fois depuis mars 2024, dont trois fois le mois dernier.

Le 10 mars, une équipe MSF a commencé une activité de traitement des blessures et de dépistage de la malnutrition au centre de santé primaire “des Martyrs” à Deir Al Balah.  

À la mi-avril, MSF a ouvert un nouveau centre de soins de santé primaires à Al Hekker pour offrir des services ambulatoires, notamment des consultations générales, des vaccinations, des services de santé sexuelle et reproductive, des pansements, des services de santé mentale, y compris des premiers soins psychologiques. Au mois de mai, l'équipe effectuait en moyenne 250 consultations par jour.  

Dans le sud  

L'hôpital Nasser est désormais le plus grand centre chirurgical de Gaza, l'hôpital Al-Shifa ne fonctionnant plus. À la mi-février 2024, le personnel de MSF a été contraint de fuir et de laisser les patients derrière lui après qu'un obus a frappé l'hôpital et que les forces israéliennes ont ordonné l'évacuation de l'établissement avant de le prendre d'assaut.  
À la mi-mai, en collaboration avec le ministère de la Santé, MSF a relancé les opérations à Nasser, en se concentrant sur la chirurgie orthopédique et l'unité des grands brûlés. Les services de maternité, de soins intensifs néonatals et de pédiatrie ont démarré le 25 mai. Nous gérons maintenant deux salles d’opération et 69 lits d'hospitalisation et avons ouvert un service de soins des plaies, fournissant des pansements et des séances de physiothérapie pour les cas de brûlures et de traumatismes. Nous gérons également un service de chirurgie de jour (3 jours/semaine) pour les patients nécessitant de petites interventions sous anesthésie.  

Entre mai et juin 2024, MSF a ouvert deux centres de soins de santé primaire à Khan Younes et Al Attar. MSF propose des consultations médicales, des vaccinations, des soins de santé mentale, une prise en charge ambulatoire de la malnutrition, des services de santé sexuelle et reproductive, la prise en charge des plaies, de la physiothérapie et de la promotion de la santé. Compte tenu de l'afflux massif de population en provenance de Rafah dans une zone humanitaire déjà surpeuplée, et du manque de structures de santé pour couvrir les besoins en traumatologie, MSF étudie la possibilité d'inclure un service d'urgence axé sur la stabilisation et l'orientation des cas les plus complexes.  

A Al-Mawasi, MSF a mis en place une clinique mobile de soins de santé primaires en janvier 2024. Nos équipes y fournissent des services ambulatoires, notamment des consultations générales, des vaccinations, des soins de santé sexuelle et reproductive, des pansements, des services de santé mentale et de promotion de la santé ainsi que des évaluations et une prise en charge en ambulatoire de la malnutrition. Le centre de santé comprend une salle d'urgence ouverte 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour stabiliser et référer les patients souffrant de traumatismes.  

MSF travaille également en partenariat avec l’association locale CFTA (Culture and Free Thought Association) dans un centre de santé à Al Mawasi. MSF propose des consultations générales, la prise en charge des maladies non transmissibles, le dépistage et le traitement de la malnutrition, des pansements, de la physiothérapie, des soins pré et post-natals ainsi que des soins de santé sexuelle et reproductive.  

Les maladies et blessures les plus courantes observées chez les patients d'Al-Mawasi sont les infections des voies respiratoires supérieures, les diarrhées aiguës, les maladies de la peau et l'hypertension. 

Actuellement, MSF distribue plus de 620 000 litres d'eau potable par jour, obtenue grâce au processus de désalinisation dans plus de 40 points d'eau à Al Mawasi, Khan Younes, Rafah et Deir El Balah. Nous nous efforçons continuellement d'augmenter cette quantité. Fin mars 2024, nous avons mis en place une nouvelle station de désalinisation à Al-Mawasi d'une capacité de 35 000 litres par jour. À Al Attar, une usine de désalinisation a été mise en place avec une capacité de 40 000 litres par jour. Deux autres sont en cours de mise en place à Deir Al Balah, avec une production prévue de 70 000 litres par jour, et seront opérationnelles en octobre. L'accès à l'eau potable fait cruellement défaut à la suite de la destruction des infrastructures, des déplacements répétés, des pénuries de carburant, entre autres. 

+  Est-ce que MSF parvient à avoir des conditions d'hygiène suffisantes pour réaliser les opérations chirurgicales ?  

Avant la guerre et malgré le blocus, le système de santé gazaoui était relativement performant, avec du personnel bien formé et des standards de soins élevés, y compris en matière d'hygiène. Depuis le début du conflit, nos équipes médicales font face à des conditions de travail extrêmement difficiles. Les rares hôpitaux et établissements médicaux encore opérationnels ne peuvent pas faire face aux vastes besoins médicaux, laissant souvent les patients sans soins vitaux et mettant le personnel médical dans une situation de stress continu. 

Les équipes médicales de MSF voient des patients mourir dans les hôpitaux, car les structures ne sont pas en mesure de faire face au nombre écrasant de patients ou n’ont pas les fournitures nécessaires pour prodiguer des soins. A de nombreuses reprises, le manque de matériel médical a poussé nos équipes à intervenir sans pouvoir assurer une qualité de soins suffisante pour les patients, en découpant les compresses en morceaux pour faire davantage de pansements ou en opérant des enfants sans anesthésie. Cependant, aujourd'hui et malgré les terribles conditions de travail, le personnel médical des hôpitaux gazaouis fait de son mieux pour préserver des standards de qualité. 

Au cours de l’année écoulée, les forces israéliennes ont régulièrement encerclé des établissements médicaux, donné des ordres d’évacuation dans des conditions extrêmement dangereuses pour les patients et le personnel soignant, tiré sur des structures de santé, des patients et du personnel médical (dont beaucoup ont été tués), effectué des raids sur des hôpitaux et procédé à des arrestations arbitraires de personnel médical. Les attaques systématiques contre les établissements et le personnel de santé doivent cesser immédiatement. Les hôpitaux, les soignants, les ambulances et les patients ne doivent pas être pris pour cible.  

+ Est-ce que MSF travaille en coordination avec d’autres ONG ? 

MSF mène des activités par l'intermédiaire d'ONG palestiniennes partenaires telles que PARC (Palestinian Agricultural Relief Committee), CFTA (Culture and Free Thought Association) et PalMed. Par ailleurs, en raison de la trop faible quantité d’aide qui rentre dans Gaza aujourd’hui, en collaboration avec d’autres organisations humanitaires, telles que la Croix Rouge internationale, les équipes MSF participent à un réseau d’entraide avec des prêts et des dons de médicaments ou d’équipements médicaux, afin d'assurer leurs activités. Néanmoins, cette façon de fonctionner prend un temps considérable et n'est pas du tout adaptée à la situation d’urgence actuelle. Nous essayons également de nous coordonner entre acteurs humanitaires afin de ne pas dupliquer les soins et d’offrir des réponses complémentaires.  

+ Votre personnel a-t-il été attaqué ?

Depuis le 7 octobre, nous déplorons le décès de huit collègues. Mohamed Al Ahel, qui était technicien de laboratoire pour MSF depuis deux ans, a été tué avec plusieurs membres de sa famille le 6 novembre, alors qu'il se trouvait chez lui dans le camp de réfugiés d'Al Shate au moment où la zone a été bombardée.  

Le 21 novembre, deux médecins MSF ont été tués lors d’une frappe sur l’hôpital al-Awda, le Dr Mahmoud Abu Nujaila et le Dr Ahmad Al Sahar.  

Le 18 novembre 2023, Alaa Al Shawa, un infirmier volontaire travaillant à côté des équipes MSF à l’hôpital Al-Shifa, ainsi qu’un autre membre de la famille d’un employé de MSF sont décédés après une attaque contre un convoi de MSF des membres du personnel de MSF et leur famille, 137 personnes au total, bloquées depuis une semaine sans eau ni nourriture dans les locaux de MSF, situés près de l'hôpital Al-Shifa, et qui tentaient de rejoindre le sud de la bande de Gaza.  

Reem Abu Lebdeh, membre du conseil d'administration de MSF Royaume-Uni et ancienne employée de MSF à Gaza, aurait vraisemblablement été tuée au cours du mois de décembre 2023 avec des membres de sa famille, lors de l'offensive israélienne à Khan Younis.  

Fadi Al Wadiya, médecin, kinésithérapeute et père de trois enfants a été tué le 25 juin alors qu’il se déplaçait à vélo pour aller travailler à la clinique MSF. 

Nasser Hamdi Abdelatif Al Shalfouh, chauffeur MSF, est décédé le 10 octobre 2024, deux jours après avoir été blessé lors d’une explosion à Jabalia, localité située dans le nord de la bande de Gaza, lourdement attaquée par l’armée israélienne. Transféré à l'hôpital Kamal Adwan, il n'a pu recevoir les soins nécessaires faute de personnel et de capacité médicale. Il avait 31 ans et était père de deux enfants. 

Hasan Suboh est décédé le 24 octobre 2024 lors d’une opération militaire de l’armée israélienne à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza. Selon le ministère de la Santé, cette attaque a fait au moins 33 morts, dont 14 enfants. Agé de 41 ans, Hasan Suboh travaillait pour MSF depuis 2019. Il était marié et père de sept enfants. 

Aujourd’hui, ni MSF, ni aucune organisation humanitaire n’a la garantie d’être respectée ou protégée à Gaza. Par exemple, un convoi MSF a été la cible d’une attaque en novembre 2023 alors qu’il était clairement identifié et un abri MSF a été attaqué à Al-Mawasi alors même qu’il était aussi clairement identifié avec le logo de l’ONG, provoquant la mort de deux personnes et en blessant six autres. 

Les zones soumises à un mécanisme dit de « déconfliction » ont fait l’objet de violations constantes et ne sont manifestement pas fiables. Des attaques des forces israéliennes contre des travailleurs humanitaires et des installations médicales ont été menées en toute impunité. Plus de 307 travailleurs humanitaires ont été tués à Gaza, dont huit membres des équipes MSF. 

Gaza étant sous siège total, les habitants, y compris le personnel MSF, n’ont nulle part où aller pour échapper aux bombardements. Mener des campagnes de bombardements intensifs dans un environnement enclavé et densément peuplé revient à assumer un niveau très élevé de victimes parmi les civils. Les autorités sanitaires locales font état de plus de 42 500 morts et plus de 100 000 blessés au 25 octobre 2024.

+ MSF compte-t-elle maintenir sa présence à Gaza ?  

MSF prévoit de maintenir son intervention humanitaire à Gaza, où quelque 700 de ses collaborateurs palestiniens sont présents, et continuera d'évaluer jour après jour la situation sécuritaire et les risques qu’encourent ses équipes, comme elle le fait depuis le début de cette guerre.   

Les zones soumises à un mécanisme dit de « déconfliction » ont fait l’objet de violations constantes et ne sont manifestement pas fiables. Des attaques des forces israéliennes contre des travailleurs humanitaires et des installations médicales ont été menées en toute impunité.   

Le meurtre tragique de sept travailleurs humanitaires de World Central Kitchen (WCK) par l’armée israélienne le 1ᵉʳ avril à Gaza, dans un convoi clairement identifié, n'est malheureusement pas un incident isolé. Israël fait preuve d’un mépris délibéré et répété envers les missions médicales et humanitaires. Plus de 307 autres travailleurs humanitaires ont été tués à Gaza, dont huit membres des équipes MSF.

Les besoins médicaux et humanitaires à Gaza sont pourtant écrasants et les tentatives concertées visant à paralyser les principaux fournisseurs d’aide humanitaire, tels que l’UNWRA, ont reçu le soutien tacite de plusieurs États à l’échelle internationale.  

+ Pouvez-vous renouveler vos stocks ou avez-vous des pénuries ? 

Les équipes de MSF à Gaza sont confrontées à de graves pénuries de médicaments et d'équipements essentiels. Nous faisons face à des contraintes significatives pour le renouvellement de nos stocks puisque la bande de Gaza est en état de siège.  

Actuellement, nous avons une base arrière en Égypte pour faciliter le transit de nos fournitures internationales, et nous avons une équipe d'urgence d'approvisionnement basée à Amman, par laquelle nous essayons d'envoyer des fournitures à Gaza. Depuis octobre 2023, MSF a acheminé 630 tonnes de matériel et d’équipement médical, ce qui représente l’équivalent d’environ 30 avions ou 130 camions, dont deux hôpitaux de campagne mais qui est largement insuffisant pour répondre aux besoins de la population.

La fermeture du poste frontière de Rafah, à la suite de l'offensive israélienne dans le sud de Gaza au début du mois de mai, associée aux contrôles extrêmement stricts et basés sur des critères opaques, a considérablement congestionné le flux d'aide humanitaire passant par le point d'entrée de Kerem Shalom. Il en résulte des files d'attente massives de camions et des retards conséquents dans l'acheminement de l'aide humanitaire à travers la bande de Gaza.

Même lorsque l'aide peut enfin entrer dans la bande de Gaza, son acheminement est rendu compliqué par les combats et l'insécurité. La guerre ayant détruit l'infrastructure policière dans la bande, on assiste à de nombreux épisodes de pillage de camions, ne permettant souvent pas aux organisations humanitaires d’acheminer l’aide là où elle est désespérément nécessaire. L’arrivée de l’aide par la mer n’est pas facilitée non plus : très peu de cargos ont la possibilité de décharger de l’aide humanitaire sur la côte. 

L’ouverture d’un corridor humanitaire fait partie des demandes répétées de MSF. Le blocage israélien et les entraves continues à l’acheminement de l’aide humanitaire rendent l’accès aux biens vitaux, comme le carburant, la nourriture, l’eau et les médicaments, quasiment impossible pour la population de Gaza. Malgré les mesures ordonnées par la Cour internationale de justice, et contrairement aux affirmations des autorités israéliennes, les équipes MSF ont constaté depuis le 7 octobre 2023 une augmentation des entraves et des retards injustifiables dans le transport des fournitures et équipements médicaux dont nos patients ont besoin pour être soignés. Aujourd’hui, de nombreux postes frontières restent fermés et seule une petite quantité d’aide entre à Gaza. Israël doit ouvrir ces frontières terrestres vitales, y compris le passage de Rafah, pour garantir qu’une aide humanitaire et médicale massive et accrue puisse atteindre ceux qui en ont besoin, de toute urgence. 

MSF demande que l’aide humanitaire dont la population a urgemment besoin puisse être acheminée de toute urgence à Gaza.  

+ MSF s’appuie-t-elle sur les données de morbidité et de mortalité du ministère de la Santé palestinien ?  

Le ministère de la Santé local est le seul acteur à disposer d'une vue d'ensemble de la situation dans les hôpitaux de Gaza. Comme d’autres organisations, MSF s'appuie notamment sur les statistiques et les informations sanitaires officielles pour évaluer la situation et comprendre l'ampleur des besoins de la population. Dans le contexte actuel à Gaza, il est impossible de vérifier ces chiffres. 

Les plus de 42 500 morts comptabilisés depuis le début de la guerre sont les décès directement liés au conflit. Ils ne prennent donc pas en compte tous les nombreux patients décédés par manque d’accès aux soins, dont l’importance est très difficile à estimer et pour lesquels nous n'avons pas d'éléments de première main. De plus, des milliers de personnes sont officiellement portées disparues. C’est pourquoi, de nombreux observateurs avancent que le nombre de victimes pourrait être largement sous-estimé.

MSF fournit une assistance médicale à Gaza depuis plus de deux décennies. De manière générale, lors des précédentes guerres dans la bande de Gaza, les données fournies par le ministère de la Santé local ont fourni des ordres de grandeur fidèles à la réalité. De nombreux observateurs avancent par ailleurs que le nombre de victimes pourrait être sous-estimé, des milliers de personnes étant officiellement portées disparues à l’heure actuelle.   

+ Quelle est la position de MSF sur la situation de l'UNRWA ?  

MSF a dénoncé la décision de plusieurs pays de suspendre leurs financements à l'UNRWA en janvier 2024. Cette agence des Nations Unies apporte une aide vitale à des millions de Palestiniens dans la bande de Gaza, en Cisjordanie et dans la région.  

Ces réductions de financement contredisent les demandes émises par la Cour internationale de Justice le 26 janvier, portant sur l'acheminement d'une aide humanitaire suffisante à la population gazaouie. Dans la bande de Gaza, la crise humanitaire a atteint des niveaux catastrophiques. Les organisations humanitaires peinent déjà à répondre ne serait-ce qu'à une fraction des besoins urgents de la population. Toute réduction de l'aide entraînera davantage de morts et de souffrances. MSF continue d'appeler à un cessez-le-feu immédiat et durable et à la levée du siège pour permettre l'augmentation et la continuité de l'approvisionnement humanitaire à Gaza pour les quelque 2,2 millions de personnes dans l'enclave.  

Le 29 mai, un projet de loi visant à désigner l'UNRWA, l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, comme une organisation terroriste, a été adopté en première lecture avant trois autres lectures au Parlement israélien, la Knesset. Un deuxième projet de loi visant à rompre tous les liens avec l'agence des Nations unies et à la priver de diverses exemptions a également été proposé et a fait l'objet d'une lecture préliminaire. Ces deux projets de loi n'interdiraient pas seulement à l'UNRWA d'opérer en Israël, mais criminaliseraient également l'organisation, ses activités et son personnel. Cliquez ici pour en savoir plus.  

+ Est-il vrai que les Israéliens préviennent la population de Gaza avant de frapper ?  

Israël a annoncé, lors de cette guerre comme lors des précédentes, prévenir systématiquement par sms, via les réseaux sociaux, par téléphone, ou autres moyens de communication, les habitants d’un quartier qui va être bombardé. Nous avons cependant constaté que ce n’est pas toujours le cas. Et même si des alertes continuent à être diffusées par les autorités israéliennes, elles sont difficilement accessibles aux habitants de Gaza : en raison des fréquentes coupures d’électricité et de réseau, l’usage des téléphones portables et de tout autre moyen de communication reste extrêmement limité.  

De façon générale, ce genre de messages laissetrès peu de temps aux gens pour fuir. Mener des campagnes de bombardements intensifs dans un environnement enclavé et densément peuplé revient à assumer un niveau très élevé de victimes parmi les civils. Ce sont, de fait, des bombardements indiscriminés.  

Actuellement, plus aucun endroit n'est sûr pour les civils dans la bande de Gaza. MSF demande de toute urgence un cessez-le-feu et la définition de lieux sécurisés et épargnés par les bombardements dans la bande de Gaza.  

+ Clarification au sujet du tweet sur le bombardement de l’hôpital Al-Ahli Arab du 17 octobre 2023 

Bien que nous ayons immédiatement attribué à Israël la responsabilité du bombardement sur l’hôpital de Al-Ahli Arab qui s’est produit le 17 octobre en fin de journée à Gaza, entraînant la mort de plusieurs centaines de personnes, il est impossible pour MSF de dire avec certitude qui en est responsable. Seule une enquête indépendante permettra de l’établir.  

Entre le 12 et le 17 octobre 2023, les autorités israéliennes ont appelé à plusieurs reprises à l'évacuation des hôpitaux du nord de Gaza, en prévision de possibles bombardements. À cette date, l'OMS avait fait état de 52 attaques contre des structures de santé, et de 26 hôpitaux endommagés à Gaza.  

L’hôpital Ahli Arab avait déjà été touché par une attaque le samedi 14 octobre.  

Nous appelons au respect des civils et de la mission médicale. Les hôpitaux, les soignants, les ambulances et les patients ne peuvent pas être pris pour cible.  

+ Quelle est la position de MSF au sujet des otages retenus par le Hamas ?  

MSF n’est pas impliquée dans les négociations pour la libération d’otages, ni à Gaza ni ailleurs dans le monde. Cette activité fait partie notamment du mandat du Comité International de la Croix Rouge et du Croissant Rouge.  

Nous comprenons l’émotion et l’angoisse des familles des otages. Nous appelons toutes les parties au conflit à épargner la population civile où qu'elle se trouve. Le 18 octobre 2023, MSF a par ailleurs signé cette pétition, appelant à un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza, et également à une libération des otages.  

Notre communication sur le conflit israélo-palestinien est basée - comme partout ailleurs sur nos terrains d’intervention - sur le témoignage direct issu de notre personnel sur place, des personnes à qui nous apportons des secours, et de leur entourage. Nous témoignons de ce que nous observons et constatons là où nous intervenons, et nous exprimons publiquement nos appels et nos demandes aux belligérants, aux acteurs politiques, et aux autres acteurs de l’aide.  

+ Comment pouvez-vous affirmer que les hôpitaux ont été ciblés par l’armée israélienne ?   

Les témoignages que nous avons recueillis auprès de notre personnel médical dessinent ce qui relève d’une stratégie militaire assumée ciblant les structures de soin, basée sur l’argument qu’elles seraient utilisées en tant que structure militaire par le Hamas – ce dont les équipes MSF n’ont pas été témoins directs. Au cours des premiers mois de la guerre, dans le nord de la bande de Gaza, dans les hôpitaux d’Al-Shifa, Al-Quds et Al-Nasser, où intervenait du personnel MSF, la méthode appliquée par l’armée israélienne a consisté à bombarder lourdement les alentours des structures de santé, rendant impossibles les transferts de patients et l’accès pour les blessés et les civils en quête de soin et de protection. Elle a ensuite encerclé avec ses moyens terrestres les lieux de soins et demandé leur évacuation, alors même que des tirs et des combats actifs continuaient aux alentours. Des patients, des civils et du personnel médical ont été délibérément visés alors qu’ils tentaient parfois de s’en extraire comme il leur avait été demandé. Les hôpitaux eux-mêmes ont aussi été touchés par des tirs. Le personnel médical s’est bien souvent retrouvé face à un choix impossible : sauver leur vie ou celle de leurs patients. Nous ne pouvons pas établir l’origine de chaque tir ou attaque sur ces hôpitaux. Mais nous savons que certaines attaques sont clairement attribuées à des chars, que seule l’armée israélienne possède. De plus, nous constatons que la stratégie militaire appliquée est similaire d’un hôpital à l’autre.   

+ Demandez-vous une enquête sur ces attaques ?   

Les attaques sur les centres de santé, les patients et le personnel médical sont inacceptables. Nous estimons qu’il est crucial que les faits et les responsabilités soient établies sur ces événements, et nous pensons qu’il est nécessaire pour cela que des enquêtes indépendantes puissent être menées.   

+ Le 18 novembre 2023, un convoi tentant d'évacuer du personnel MSF et des membres de leur familles a été attaqué. De quels éléments MSF disposez-vous à ce sujet ?   

MSF avait informé le Hamas et les forces israéliennes de ce mouvement. Les voitures ont emprunté l'itinéraire indiqué par l'armée israélienne. Le convoi a atteint le dernier checkpoint près de Wadi Gaza où une foule attendait de pouvoir passer à ce moment-là, en raison des contrôles de sécurité longs et contraignants effectués par les soldats israéliens. Malgré les informations échangées avec l'armée israélienne, les membres du personnel MSF et leurs familles n'ont pas été autorisés à franchir le checkpoint. Après quelques heures d’attente, ils ont entendu des coups de feu, ce qui les a poussés à faire demi-tour et à retourner dans les locaux de MSF, situés à environ 7 kilomètres du checkpoint. Notre bureau à Jérusalem a informé les autorités israéliennes de la décision du retour de notre équipe dans la ville de Gaza. Sur le chemin du retour, le convoi, composé de cinq voitures, toutes clairement identifiées par des logos de l’organisation, y compris sur leur toit, a été délibérément ciblé par des tirs tuants deux personnes : un infirmier, membre de la famille d’un collègue, qui s’était porté volontaire et qui travaillait aux côtés de nos équipes à l’hôpital Al-Shifa, et qui est décédé immédiatement ; ainsi qu’un membre de la famille d’un autre de nos collègues, qui a succombé à sa blessure le 22 novembre 2023.   

+ Pourquoi affirmez-vous que les éléments dont vous disposez au sujet de l'attaque contre votre convoi le 18 novembre 2023 pointent vers la responsabilité de l’armée israélienne ?   

Nos collègues présents dans le convoi, dont nous avons recueilli les témoignages, ont vu des véhicules militaires et des soldats israéliens leur tirer dessus alors qu'ils traversaient la ville de Gaza à la suite d'une tentative d'évacuation vers le sud. Les forces israéliennes et le Hamas avaient tous deux autorisé le mouvement d'évacuation. Nous avions également prévenu les forces israéliennes du retour de notre équipe dans la ville de Gaza, car la tentative d’évacuation avait dû être abandonnée, l’armée israélienne n’ayant pas autorisé le passage du convoi au poste de contrôle séparant le nord et le sud de Gaza.   

Par ailleurs, l’armée israélienne a affirmé dans un communiqué, partagé avec le Washington Post le 23 novembre 2023, que des militaires étaient présents au moment de l’attaque et qu’ils avaient effectué des tirs de sommation à l’encontre des véhicules MSF. Nous considérons que tous les éléments dont nous disposons pointent vers une responsabilité de l'armée israélienne dans cette attaque meurtrière.   

+ Comment soutenir les actions MSF à Gaza ?

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Notes