+ Est-ce qu'il y a une situation de famine à Gaza ?
En raison du manque d'acheminement de nourriture dans le territoire, l’IPC (initiative de classification de la phase de sécurité alimentaire) estimait que la quasi-totalité de la population de Gaza (environ 96 % des 2,3 millions d’habitants) était affectée par une insécurité alimentaire critique en septembre 2024. Cela s’est traduit par l’apparition de cas de malnutrition aiguë, en particulier chez les enfants. MSF a rappelé à plusieurs reprises qu’empêcher un approvisionnement suffisant en nourriture revient à consciemment infliger une punition collective à la population de Gaza, assimilée à une cible légitime.
+ Quelle est la différence entre la situation à Gaza et celles observées par MSF dans de nombreux autres conflits ?
Gaza était déjà un territoire occupé et sous blocus depuis 2007 et sa population dépendait déjà de l’aide extérieure à hauteur de 80 % de ses besoins. Depuis le 23 octobre 2023, la bande de Gaza a été soumise à un siège total et la guerre menée par Israël s’est traduite par une campagne ininterrompue de bombardements et de combats d’une intensité encore jamais vue sur une zone densément peuplée et enclavée.
Ce qui rend unique ce contexte humanitaire, c'est l'impossibilité pour la population de se mettre à l'abri, de fuir les bombardements de l'armée israélienne et les combats. Une grande partie des zones habitées, notamment dans le nord et le centre de la bande, ont pratiquement été effacées de la carte. Nos équipes, qui ont souvent une grande expérience des situations de conflit, nous rapportent n'avoir jamais vu un tel niveau de destruction et de violence. Ce qu’elles ont observé sur le terrain tout au long des quinze mois de la guerre totale menée par l’armée israélienne sont des signes évidents de nettoyage ethnique alors que les Palestiniens ont été déplacés de force, pris au piège et bombardés. Cela correspond également aux descriptions d’un nombre croissant d'experts juridiques et d'organisations qui concluent qu’un génocide est en cours à Gaza. Bien que nous n'ayons pas l'autorité juridique pour établir l'intentionnalité, les signes de nettoyage ethnique et la destruction en cours, incluant les massacres, les blessures physiques et psychologiques graves, les déplacements forcés et les conditions de vie impossibles pour les Palestiniens assiégés et bombardés, sont indéniables.
+ Quelle est la situation du système de santé ?
La majorité des hôpitaux sont hors service et ceux qui parviennent encore à délivrer des soins le font avec une grande difficulté et un accès aux fournitures médicales extrêmement restreint. Le système de santé est totalement effondré alors que les rapports des autorités sanitaires locales font état de plus de 46 700 morts et plus de 110 000 blessés au 25 janvier 2025.
Depuis le début de la guerre, les attaques contre les hôpitaux, les ambulances et le personnel de santé ont été systématiques. Selon le bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA) de l’ONU, entre le 7 octobre 2023 et le 25 septembre 2024, 1000 travailleurs de santé ont été tués dans la bande de Gaza et au moins 370 ont été arrêtés. Actuellement, selon l’OMS, seuls 17 hôpitaux, sur les 36 existants dans la bande de Gaza, seraient encore partiellement fonctionnels et un total de 1 063 attaques ont été enregistrées contre les services de santé.
Après une année de guerre à Gaza, la vie des habitants et la capacité du système de santé ont été détruites, comme l’ont constaté les équipes MSF. Les besoins médicaux et humanitaires sont immenses. Les maladies transmissibles, notamment les maladies cutanées, se propagent. Les bombardements provoquent des blessures traumatiques et des brûlures, avec plus de 110 000 blessés à Gaza. La population n'a pas un accès adéquat à l'eau, à la nourriture et aux services de base, notamment aux services médicaux et d'assainissement.
Dans ces conditions, on observe que le poliovirus a refait surface à Gaza après 25 ans, en juillet 2024. En réponse, l'Onu et le ministère de la Santé de Gaza ont lancé une campagne de vaccination en deux phases. MSF a soutenu cette initiative logistiquement. Quatre centres de soins de santé primaire situés à Khan Younis et Deir Al Balah, ainsi que l'hôpital de campagne Al Zawaida ouvert par MSF à Deir Al Balah, ont été mis à disposition en tant que centres de vaccination. Nos équipes ont également fourni un soutien en matière de promotion de la santé et d'organisation, en aménageant des espaces pour le matériel de la chaîne du froid dans un centre de soins de santé primaires à Al-Mawasi qui sert de point de distribution pour 11 centres de vaccination aux alentours.
Malheureusement, cette campagne de vaccination contre la polio et la prétendue « pause militaire » qui avait été déclarée en septembre 2024 par les responsables israéliens pendant une période de trois jours pour permettre sa réalisation, n’ont été qu'une goutte d'eau dans l'océan des besoins humanitaires urgents de la population de Gaza. Actuellement, selon l’OMS, seuls 17 hôpitaux, sur les 36 existants dans la bande de Gaza, seraient encore partiellement fonctionnels. Ceux qui parviennent encore à délivrer des soins le font avec une grande difficulté et un accès aux fournitures médicales extrêmement restreint. Le système de santé s’est totalement effondré.
+ Où sont envoyés les patients gazaouis qui doivent être évacués ? Par quel biais se font les évacuations ?
Depuis le 7 octobre 2023, plus de 110 000 personnes ont été blessées à Gaza par des attaques israéliennes ; parmi elles, l’OMS considère que plus de 12 000 ont besoin d'un transfert à l’extérieur du territoire pour pouvoir recevoir des soins à la hauteur de la gravité de leur situation ; cela inclut des blessés de guerre ainsi que des personnes atteintes par des maladies comme le cancer. Malheureusement, les forces Israéliennes n’autorisent pas ces transferts en nombre suffisant, et ne le font qu’en appliquant des critères opaques et arbitraires. Ces personnes doivent être évacuées de Gaza en urgence et leur accès à des structures médicales adéquates à l’étranger doit être facilité.
Au cours des derniers mois, MSF est parvenue à transférer une dizaine de patients vers Amman, en Jordanie. Là-bas, nos équipes prennent en charge les blessés grâce à des opérations de chirurgie reconstructrice, des activités de physiothérapie et des soins de santé mentale. Cela représente une goutte d’eau dans l’océan des besoins médicaux des Gazaouis.
MSF appelle les autorités israéliennes à protéger le système de santé restant à Gaza, mais aussi à faciliter les évacuations médicales pour ceux dont la vie en dépend, y compris leurs accompagnants, et à ce que d'autres États reçoivent et facilitent les traitements en dehors de Gaza, tout en veillant à ce que toutes les références médicales, les patients et leurs accompagnants bénéficient d'un retour sûr, volontaire et digne à Gaza.
+ Pourquoi témoigner publiquement ?
Au-delà d’apporter une assistance humanitaire à celles et ceux qui en ont urgemment besoin, témoigner et alerter est l’une des missions que MSF s’assigne.
Notre communication sur le conflit israélo-palestinien est basée - comme partout ailleurs sur nos terrains d’intervention - sur le témoignage direct issu de notre personnel sur place, des personnes à qui nous apportons des secours, et de leur entourage.
Nous témoignons de ce que nous observons et constatons là où nous intervenons, et nous exprimons publiquement nos appels et nos demandes aux belligérants, aux acteurs politiques, et aux autres acteurs de l’aide. Nous nous adressons régulièrement aux pays alliés d'Israël comme les États-Unis et l’Allemagne. A ce titre, les bureaux MSF dans ces pays participent à cet effort, comme ce fut le cas pour cette initiative de plaidoyer menée aux États-Unis, avec des médecins MSF qui ont témoigné aux Nations unies et auprès de décideurs américains.
Après quinze mois de conflit, nous constatons que la guerre totale menée contre la population de Gaza a été marquée par l’utilisation de la violence disproportionnée comme doctrine, et un mépris total pour la dignité humaine et la vie des Palestiniens, avec des violations quasi quotidiennes du droit international humanitaire. Les forces israéliennes ont mené des attaques aveugles qui ne font aucune distinction entre les cibles militaires et les vies civiles, accompagnées d’un discours public déshumanisant les Palestiniens et assimilant toute la population de Gaza au Hamas. La guerre menée par Israël prend la forme d’une punition collective de la population de Gaza, y compris par la privation de nourriture, d’eau, et d’autres biens de première nécessité, par le démantèlement systématique du système de santé par les forces israéliennes et par les déplacements forcés massifs et répétés de la presque totalité de la population, qui ont entraîné une explosion des besoins médicaux et humanitaires. Depuis le début du conflit, les équipes de MSF ont soigné plus de 27 500 patients, pour des blessures liées à 80 % aux bombardements. Les mesures demandées en janvier 2024 par la Cour internationale de justice visant à prévenir le risque d’un génocide dans la bande de Gaza n’ont jamais été adoptées par les Israéliens.
MSF a adressé une lettre ouverte à Emmanuel Macron en décembre 2023 afin de demander un cessez-le-feu immédiat et durable à Gaza, ainsi que la fin des attaques indiscriminées et continues, la fin des déplacements forcés, la fin des attaques contre les hôpitaux et le personnel médical, et la fin du siège de Gaza.
En février 2024, Christopher Lockyear, secrétaire général de Médecins Sans Frontières, est intervenu au Conseil de sécurité des Nations unies lors de sa réunion mensuelle sur Gaza. À cette occasion, il a, à nouveau, appelé à un cessez-le-feu immédiat et durable à Gaza. Il a également appelé à protéger les installations médicales, le personnel de santé et les patients (en savoir plus).
+ MSF fournit-elle des soins médicaux en Israël ?
MSF ne gère actuellement aucun programme médical en Israël. Dans tout contexte, nous nous efforçons de répondre aux besoins de santé qui ne sont pas couverts par le système sanitaire du pays. Or, Israël dispose d’un système de santé solide capable de répondre aux plus graves urgences.
MSF a toutefois proposé son soutien aux hôpitaux israéliens qui ont été amenés à traiter un grand nombre de blessés à la suite des massacres commis par le Hamas le 7 octobre. Les autorités israéliennes nous ont répondu, en la déclinant.
Plus tard, nous avons réitéré aux autorités israéliennes notre proposition de venir en aide aux populations déplacées en Israël, dans le nord du pays, mais celle-ci n’a pas été retenue.
+ Réaction de MSF suite à la publication du Journal Du Dimanche
Les éléments que le Journal du Dimanche présente comme des faits et comme point de départ de son "enquête" publiée dans son édition du 03 novembre 2024 sont un montage d’opinions, d’insinuations non étayées par des faits et d’allégations fausses que nous contestons. Nous avions d’ailleurs réagi en ce sens au moment de la publication d’une interview d’une personne se présentant comme un médecin ayant travaillé pour MSF dans votre journal le 9 juin, à la suite de laquelle nous avions adressé un courrier au Directeur de la rédaction. A ce jour, il n’a pas jugé opportun de nous répondre.
La démarche du JDD s'inscrit dans une campagne de décrédibilisation de la parole et du travail de Médecins Sans Frontières, ainsi que des autres ONG et organisations humanitaires présentes à Gaza, qui tentent de porter secours à la population et de rendre compte de l’horreur de cette guerre. Cette démarche n’est pas seulement nuisible à la réputation de MSF, elle est également dangereuse et irresponsable dans la mesure où elle soutient la rhétorique des autorités israéliennes justifiant les attaques contre les civils et les organisations humanitaires à Gaza.
+ Est-ce que MSF a pu constater la présence de combattants du Hamas au sein des hôpitaux de la bande de Gaza ?
MSF ne dispose d’aucune information directe indiquant que les combattants du Hamas utilisent les hôpitaux de la bande de Gaza à des fins militaires. Si la présence de bases militaires et de combattants du Hamas dans les hôpitaux où nous travaillons avait été portée à notre connaissance, nous n’aurions pas maintenu d’activités sur place, pour des raisons évidentes de responsabilité et de sécurité de nos équipes. Il est également important de comprendre que les équipes MSF ne travaillent ou ont travaillé que dans une partie des grands complexes hospitaliers comme Al-Shifa et Nasser.
MSF et les autres organisations humanitaires sont sommées de démontrer que des combattants du Hamas n'utilisent pas les hôpitaux à des fins militaires ; or, la charge d'apporter des preuves solides de cela revient à l'armée israélienne, qui justifie avec cet argument ses attaques contre les hôpitaux et les civils qui tentent d'y trouver refuge.
D’autre part, MSF travaille depuis de nombreuses années dans la bande de Gaza, en coordination avec le ministère de la Santé, qui fait partie de l’administration civile du Hamas. À Gaza comme dans tous nos autres contextes d’intervention, la coordination avec les autorités sanitaires locales est essentielle à la bonne conduite des interventions de l’association.
+ Est-il possible que MSF emploie des personnes qui soutiennent le Hamas, le Jihad islamique ou tout autre groupe armé ?
Que répondez-vous face aux accusations directes d’Israël à l’encontre de Fadi Al-Wadiya, l’un de vos employés tué en juin 2024 et suspecté d’être impliqué dans des activités militaires à Gaza ?
MSF n'aurait jamais sciemment employé une personne engagée dans des activités militaires. Tout employé qui serait lié à un groupe armé représente un danger pour notre personnel et nos patients. Partout où nous travaillons, nous demandons aux membres de notre personnel de s'engager à respecter la Charte de MSF, qui inclut le respect des principes humanitaires et de l'éthique médicale.
Le 26 juin, les autorités israéliennes ont diffusé sur les réseaux sociaux des éléments concernant l’employé de MSF Fadi Al-Wadiya, tué par les forces israéliennes le 25 juin, l'accusant d'être impliqué dans des activités militaires à Gaza. Médecins Sans Frontières (MSF) est profondément préoccupée par ces allégations qu’elle prend très au sérieux. Nous n'avions aucune indication d’une éventuelle implication de Fadi Al-Wadiya dans des activités militaires. Bien que nous ayons demandé des éclaircissements aux autorités israéliennes, nous n'avons jusqu'à présent reçu aucune réponse formelle. MSF souhaite que toute la lumière soit faite sur cet assassinat et considère que seule une enquête indépendante permettra d’établir les faits. La frappe qui a tué Fadi Al-Wadiya a également tué quatre autres personnes, dont deux enfants.
La façon dont les autorités israéliennes choisissent de communiquer autour de cet événement met davantage en danger notre personnel et contribue à discréditer les travailleurs médicaux et humanitaires à Gaza et en Cisjordanie. Six autres membres du personnel de MSF ont été tués à Gaza depuis le 7 octobre sans qu’aucune réponse formelle ne soit apportée à nos demandes d’explications.
+ Que demande MSF ?
- Le cessez-le-feu temporaire, en vigueur depuis le 19 janvier 2025, dans la bande de Gaza, est un soulagement. Si tant est qu’il soit effectif et durable, l’arrêt des combats et des bombardements n’est qu’un premier pas en vue de répondre à l’immensité des besoins humanitaires, psychologiques et médicaux à Gaza.
- Les établissements et le personnel de santé doivent être impérativement protégés. Les hôpitaux, les soignants, les ambulances et les patients ne peuvent pas être pris pour cible.
- L'acheminement de l’aide humanitaire destinée à la population de Gaza ne doit pas être entravé. L'aide humanitaire à Gaza doit être autorisée de façon inconditionnelle.
- Nous appelons également de toute urgence au rétablissement d’un accès à l’eau potable suffisant et immédiat pour la population de la bande de Gaza.
- Nous appelons à ce que les personnes qui souhaitent fuir Gaza, pour se sauver ou pour aller se faire soigner en dehors du territoire, puissent le faire, et cela sans perdre leur droit au retour sur leur terre si et quand elles le souhaiteront. Médecins Sans Frontières demande que ses collaborateurs palestiniens qui souhaitent partir puissent être évacués, avec la possibilité de revenir à Gaza ultérieurement.
+ Est-ce que MSF communique directement avec les autorités israéliennes et avec les autorités palestiniennes ?
MSF est en communication régulière avec Israël via l’organisme de Coordination des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT). Cette unité du ministère israélien de la Défense est chargée de superviser la politique civile en Cisjordanie, ainsi que de faciliter la coordination logistique entre Israël et la bande de Gaza.
Pour ce qui est de Gaza, comme dans tous nos contextes d’intervention, MSF dialogue et coordonne ses activités avec les autorités en place. Nous travaillions donc déjà en collaboration avec le ministère de la santé palestinien avant cette guerre, nous continuons de communiquer avec les autorités locales pour coordonner nos activités sur le territoire.
+ Est-ce que MSF parvient à avoir des conditions d'hygiène suffisantes pour réaliser les opérations chirurgicales ?
Avant la guerre et malgré le blocus, le système de santé gazaoui était relativement performant, avec du personnel bien formé et des standards de soins élevés, y compris en matière d'hygiène. Depuis le début du conflit, nos équipes médicales font face à des conditions de travail extrêmement difficiles. Les rares hôpitaux et établissements médicaux encore opérationnels ne peuvent pas faire face aux vastes besoins médicaux, laissant souvent les patients sans soins vitaux et mettant le personnel médical dans une situation de stress continu.
Les équipes médicales de MSF voient des patients mourir dans les hôpitaux, car les structures ne sont pas en mesure de faire face au nombre écrasant de patients ou n’ont pas les fournitures nécessaires pour prodiguer des soins. A de nombreuses reprises, le manque de matériel médical a poussé nos équipes à intervenir sans pouvoir assurer une qualité de soins suffisante pour les patients, en découpant les compresses en morceaux pour faire davantage de pansements ou en opérant des enfants sans anesthésie. Cependant, aujourd'hui et malgré les terribles conditions de travail, le personnel médical des hôpitaux gazaouis fait de son mieux pour préserver des standards de qualité.
Au cours de l’année écoulée, les forces israéliennes ont régulièrement encerclé des établissements médicaux, donné des ordres d’évacuation dans des conditions extrêmement dangereuses pour les patients et le personnel soignant, tiré sur des structures de santé, des patients et du personnel médical (dont beaucoup ont été tués), effectué des raids sur des hôpitaux et procédé à des arrestations arbitraires de personnel médical. Les attaques systématiques contre les établissements et le personnel de santé doivent cesser immédiatement. Les hôpitaux, les soignants, les ambulances et les patients ne doivent pas être pris pour cible.
+ Est-ce que MSF travaille en coordination avec d’autres ONG ?
MSF mène des activités par l'intermédiaire d'ONG palestiniennes partenaires telles que PARC (Palestinian Agricultural Relief Committee), CFTA (Culture and Free Thought Association) et PalMed. Par ailleurs, en raison de la trop faible quantité d’aide qui rentre dans Gaza aujourd’hui, en collaboration avec d’autres organisations humanitaires, telles que la Croix Rouge internationale, les équipes MSF participent à un réseau d’entraide avec des prêts et des dons de médicaments ou d’équipements médicaux, afin d'assurer leurs activités. Néanmoins, cette façon de fonctionner prend un temps considérable et n'est pas du tout adaptée à la situation d’urgence actuelle. Nous essayons également de nous coordonner entre acteurs humanitaires afin de ne pas dupliquer les soins et d’offrir des réponses complémentaires.
+ Votre personnel a-t-il été attaqué ?
Depuis le 7 octobre, nous déplorons le décès de neuf collègues. Mohamed Al Ahel, qui était technicien de laboratoire pour MSF depuis deux ans, a été tué avec plusieurs membres de sa famille le 6 novembre, alors qu'il se trouvait chez lui dans le camp de réfugiés d'Al Shate au moment où la zone a été bombardée.
Le 21 novembre, deux médecins MSF ont été tués lors d’une frappe sur l’hôpital al-Awda, le Dr Mahmoud Abu Nujaila et le Dr Ahmad Al Sahar.
Le 18 novembre 2023, Alaa Al Shawa, un infirmier volontaire travaillant à côté des équipes MSF à l’hôpital Al-Shifa, ainsi qu’un autre membre de la famille d’un employé de MSF sont décédés après une attaque contre un convoi de MSF des membres du personnel de MSF et leur famille, 137 personnes au total, bloquées depuis une semaine sans eau ni nourriture dans les locaux de MSF, situés près de l'hôpital Al-Shifa, et qui tentaient de rejoindre le sud de la bande de Gaza.
Reem Abu Lebdeh, membre du conseil d'administration de MSF Royaume-Uni et ancienne employée de MSF à Gaza, aurait vraisemblablement été tuée au cours du mois de décembre 2023 avec des membres de sa famille, lors de l'offensive israélienne à Khan Younis.
Fadi Al Wadiya, médecin, kinésithérapeute et père de trois enfants a été tué le 25 juin alors qu’il se déplaçait à vélo pour aller travailler à la clinique MSF.
Nasser Hamdi Abdelatif Al Shalfouh, chauffeur MSF, est décédé le 10 octobre 2024, deux jours après avoir été blessé lors d’une explosion à Jabalia, localité située dans le nord de la bande de Gaza, lourdement attaquée par l’armée israélienne. Transféré à l'hôpital Kamal Adwan, il n'a pu recevoir les soins nécessaires faute de personnel et de capacité médicale. Il avait 31 ans et était père de deux enfants.
Hasan Suboh est décédé le 24 octobre 2024 lors d’une opération militaire de l’armée israélienne à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza. Selon le ministère de la Santé, cette attaque a fait au moins 33 morts, dont 14 enfants. Agé de 41 ans, Hasan Suboh travaillait pour MSF depuis 2019. Il était marié et père de sept enfants.
En janvier, nous apprenions le décès de Bilal Okal, tué par les forces israéliennes à Jabaliya, dans le nord de Gaza, avec dix membres de sa famille. Ils s'étaient réfugiés dans leur immeuble après avoir été pris au piège dans une zone assiégée et pilonnée par les forces israéliennes. MSF avait perdu tout contact avec Bilal le 1er décembre 2024.
Depuis le début de l’offensive israélienne le 7 octobre 2023, ni MSF, ni aucune organisation humanitaire n’avait la garantie d’être respectée ou protégée à Gaza. Par exemple, un convoi MSF a été la cible d’une attaque en novembre 2023 alors qu’il était clairement identifié et un abri MSF a été attaqué à Al-Mawasi alors même qu’il était aussi clairement identifié avec le logo de l’ONG, provoquant la mort de deux personnes et en blessant six autres.
Les zones soumises à un mécanisme dit de « déconfliction » ont fait l’objet de violations constantes et ne sont manifestement pas fiables. Des attaques des forces israéliennes contre des travailleurs humanitaires et des installations médicales ont été menées en toute impunité. Au moins 333 travailleurs humanitaires ont été tués à Gaza, dont neuf membres des équipes MSF.
Gaza étant sous siège total, les habitants, y compris le personnel MSF, n’ont eu, pendant plus d’un an et jusqu’au cessez-le-feu du 19 janvier, nulle part où aller pour échapper aux bombardements. Mener des campagnes de bombardements intensifs dans un environnement enclavé et densément peuplé revient à assumer un niveau très élevé de victimes parmi les civils. Les autorités sanitaires locales font état de plus de 46 700 morts et plus de 110 000 blessés au 25 octobre 2024.
+ MSF compte-t-elle maintenir sa présence à Gaza ?
MSF prévoit de maintenir son intervention humanitaire à Gaza, où quelque 700 de ses collaborateurs palestiniens sont présents. Les équipes s’efforcent actuellement d’augmenter le volume de leurs activités en fonction de l’amélioration de l’accès et des conditions de sécurité.
Les zones soumises à un mécanisme dit de « déconfliction » ont fait l’objet de violations constantes et ne sont manifestement pas fiables. Des attaques des forces israéliennes contre des travailleurs humanitaires et des installations médicales ont été menées en toute impunité.
Le meurtre tragique de sept travailleurs humanitaires de World Central Kitchen (WCK) par l’armée israélienne le 1ᵉʳ avril à Gaza, dans un convoi clairement identifié, n'est malheureusement pas un incident isolé. Israël fait preuve d’un mépris délibéré et répété envers les missions médicales et humanitaires. Plus de 307 autres travailleurs humanitaires ont été tués à Gaza, dont huit membres des équipes MSF.
Les besoins médicaux et humanitaires à Gaza sont pourtant écrasants et les tentatives concertées visant à paralyser les principaux fournisseurs d’aide humanitaire, tels que l’UNWRA, ont reçu le soutien tacite de plusieurs États à l’échelle internationale.
+ Pouvez-vous renouveler vos stocks ou avez-vous des pénuries ?
Les équipes de MSF à Gaza ont été confrontées à de graves pénuries de médicaments et d'équipements essentiels.
Actuellement, nous avons une base arrière en Égypte pour faciliter le transit de nos fournitures internationales, et nous avons une équipe d'urgence d'approvisionnement basée à Amman, par laquelle nous essayons d'envoyer des fournitures à Gaza. Depuis octobre 2023, MSF a acheminé 630 tonnes de matériel et d’équipement médical, ce qui représente l’équivalent d’environ 30 avions ou 130 camions, dont deux hôpitaux de campagne mais qui est largement insuffisant pour répondre aux besoins de la population.
La fermeture du poste frontière de Rafah, à la suite de l'offensive israélienne dans le sud de Gaza au début du mois de mai, associée aux contrôles extrêmement stricts et basés sur des critères opaques, a considérablement congestionné le flux d'aide humanitaire passant par le point d'entrée de Kerem Shalom.
Cependant, depuis le 20 janvier, les équipes assistent à une augmentation significative de la quantité d’aide et de nourriture autorisée à rentrer dans Gaza et à une amélioration de l’accès à ces biens pour la population gazaouie, notamment en raison de l’arrêt pratiquement complet des pillages des convois humanitaires.