Gaza : nos réponses à vos questions


Médecins Sans Frontières a reçu de nombreuses questions sur ses opérations humanitaires dans le cadre du conflit israélo-palestinien. Vous trouverez ci-dessous nos réponses pour décrypter au mieux nos actions et nos prises de paroles publiques. 
Cette page a été mise à jour pour la dernière fois le 07 juin 2024.

Contexte 

Les massacres perpétrés par le Hamas le samedi 7 octobre 2023 sont d’une ampleur et d’une brutalité inédite dans le conflit israélo-palestinien. Médecins Sans Frontières a offert son soutien aux hôpitaux israéliens, qui l’ont décliné. 

La riposte d'Israël se traduit par une campagne ininterrompue de bombardements d’une intensité encore jamais vue sur une zone densément peuplée et enclavée comme Gaza : le nord et le centre de la bande ont pratiquement été effacés de la carte. Un siège complet est également imposé aux quelque 2 millions d’habitants de la bande de Gaza, qui dépendaient déjà à 80 % de l’aide extérieure avant le 7 octobre, dans le contexte d’un blocus imposé par Israël et l’Égypte depuis 2007 sur ce territoire.  

+ Quelle est la situation humanitaire de la population gazaouie ? 

Les habitants de Gaza sont privés de biens essentiels tels que la nourriture, l’eau, les abris, le carburant et l’électricité, ainsi que de soins de santé, en raison du siège inhumain de toute la bande de Gaza, et particulièrement du nord du territoire, par Israël. Jusqu’à présent, les approvisionnements autorisés à rentrer à Gaza ont été négligeables par rapport à des besoins qui ne cessent d’augmenter, à mesure que la population est déplacée vers la frontière égyptienne à Rafah. La malnutrition s’étend, les maladies transmissibles se propagent, l’eau potable est rare, ce qui aggrave les conditions de vie des populations. 

En raison du manque d'acheminement de nourriture dans le territoire, la totalité de la population de Gaza (environ 2,3 millions de personnes) a été classée, par l’IPC, en phase de crise en termes d'insécurité alimentaire. Cela se traduit par une malnutrition aiguë élevée, supérieure à la normale. Cela revient à consciemment infliger une punition collective à la population de Gaza, assimilée à une cible légitime. 

Dans le contexte actuel de bombardements continus de l’armée israélienne, les civils n’ont plus aucun endroit où se réfugier. Il n’existe pas de « safe space » aujourd’hui pour la population gazaouie. Face à cette catastrophe humanitaire, et au constat qu’aucun lieu sûr n’est proposé à la population, Médecins Sans Frontières appelle à un cessez-le-feu immédiat et durable, à la levée du siège et à la protection des structures médicales et du personnel médical. 

+ Quelle est la situation du système de santé ?  

De nombreux hôpitaux sont hors service et ceux qui parviennent encore à délivrer des soins le font avec une grande difficulté et un accès aux fournitures médicales extrêmement restreint. Les amputations et les opérations chirurgicales sont effectuées sans anesthésie appropriée. Le système de santé est confronté à un effondrement total alors que les rapports des autorités sanitaires locales font état de plus de 36 000 morts et 80 000 blessés au 27 mai 2024. 

Au cours des huit derniers mois, les attaques contre les hôpitaux, les ambulances et le personnel de santé sont devenues systématiques.  Selon le bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA) de l’ONU, entre le 7 octobre et le 27 mai, 493 travailleurs de santé ont été tués dans la bande de Gaza. Selon les autorités sanitaires locales, 126 ambulances ont également été touchées. Actuellement, selon OCHA, seuls 16 hôpitaux, sur les 36 existants dans la bande de Gaza, seraient encore partiellement fonctionnels. 

+ Pourquoi témoigner publiquement ?  

Au-delà d’apporter une assistance humanitaire à celles et ceux qui en ont urgemment besoin, témoigner et alerter est l’une des missions que MSF s’assigne

Notre communication sur le conflit israélo-palestinien est basée - comme partout ailleurs sur nos terrains d’intervention - sur le témoignage direct issu de notre personnel sur place, des personnes à qui nous apportons des secours, et de leur entourage. 

Nous témoignons de ce que nous observons et constatons là où nous intervenons, et nous exprimons publiquement nos appels et nos demandes aux belligérants, aux acteurs politiques, et aux autres acteurs de l’aide. 

+ Que signifie être une organisation médicale humanitaire indépendante et impartiale ? 

MSF fournit des soins médicaux à toute personne qui en a besoin, sans distinction de race, de religion ou d'affiliation politique. Nous appelons toutes les parties au conflit à assurer la sécurité des civils, des installations médicales et du personnel. Les hôpitaux doivent rester un sanctuaire pour les personnes en quête de soins. 

+ MSF fournit-elle des soins médicaux en Israël ? 

MSF ne gère actuellement aucun programme médical en Israël. Dans tout contexte, nous nous efforçons de répondre aux besoins de santé qui ne sont pas couverts par le système sanitaire du pays. Or, Israël dispose d’un système de santé solide capable de répondre aux plus graves urgences. 

MSF a toutefois proposé son soutien aux hôpitaux israéliens qui ont été amenés à traiter un grand nombre de blessés suite aux massacres commis par le Hamas le 7 octobre. Les autorités israéliennes nous ont répondu, en la déclinant. 

+ Quelles activités MSF menait-elle à Gaza avant le 7 octobre 2023 ? 

Cela fait 20 ans que des équipes MSF, composées d’expatriés internationaux et de salariés palestiniens, travaillent à Gaza, fournissant des soins médicaux et un soutien au système de santé qui manque cruellement de personnel et de matériel. Avant que la guerre n’éclate, nos équipes intervenaient dans trois hôpitaux (Al-Shifa, Al-Awda et Al Nasser) et plusieurs cliniques ambulatoires, offrant une prise en charge globale aux personnes souffrant de brûlures et de traumatismes. Depuis 2018 et la répression brutale de l’armée israélienne sur les manifestants de la « Marche du retour », nous avons lancé un programme de chirurgie reconstructive dans le nord de Gaza. En Cisjordanie, notre travail inclut l’offre d’une assistance psychologique et psychiatrique pour les personnes touchées par la violence, un soutien aux centres de santé communautaires et aux plans d'intervention d'urgence, ainsi que des soins de santé primaire dispensés par nos cliniques, en plus du soutien à l'hôpital de Jénine. 

La capacité de MSF à intervenir à Gaza est cependant aujourd’hui largement réduite. 

+ De quelle manière MSF intervient-elle dans la bande de Gaza aujourd’hui ? 

Grâce à la présence de ses équipes sur place, MSF est intervenue immédiatement après le début de l’offensive israélienne le 7 octobre, en faisant don de matériel médical, en essayant de poursuivre ses activités existantes (prise en charge des brûlures et de traumatismes, chirurgie reconstructive) et en proposant son aide aux hôpitaux gazaouis débordés par le nombre de patients. Cependant, l’intensité des bombardements israéliens a rapidement limité la capacité des équipes à se déplacer, et donc à évaluer les besoins et à apporter leur aide. 

Plusieurs de nos 400 collègues palestiniens travaillent toujours dans les hôpitaux de Gaza, malgré les attaques qu’ils subissent. Dans le cadre de rotations programmées, nous avons en moyenne entre 20 à 30 staffs internationaux qui mènent des activités médicales sur place. 

Dans le nord 

L’hôpital Al-Awda est l’un des derniers hôpitaux dans le nord de Gaza et il est à peine fonctionnel. L'établissement a été frappé par des bombardements début octobre et au moins cinq membres du personnel hospitalier, dont deux médecins de MSF, ont été tués alors qu'ils s'occupaient de leurs patients lors d’une frappe le 21 novembre. Le 17 décembre, après de violents combats, les forces israéliennes ont pris le contrôle de l'hôpital et ont ordonné aux hommes de rester à l'intérieur de l'hôpital et de ne pas bouger. Après avoir subi un siège du 19 au 23 mai, le personnel médical de l'hôpital d'Al-Awda continue de traiter les patients (il n'y a cependant pas de personnel MSF dans l'hôpital). L'hôpital est confronté à une pénurie de fournitures et de nourriture. 

Le 18 mars, l’armée israélienne a lancé une nouvelle attaque sur l’hôpital Al-Shifa. Après 14 jours d’opérations militaires à l’intérieur et autour de l’hôpital, ce dernier a été largement détruit et n’est plus fonctionnel. La clinique MSF, située à proximité de l’hôpital Al-Shifa, a également été lourdement endommagée. Les activités ont pu reprendre, et l'équipe se concentre sur les soins des plaies et les soins de physiothérapie. En fonction de la situation sécuritaire et des possibilités opérationnelles, MSF prévoit d'envoyer davantage de matériel dans le nord et d'intensifier les activités dans les semaines à venir afin d'offrir des services de soins de santé complets. 

Dans le centre 

Le 6 janvier, MSF a dû évacuer l’hôpital d’Al-Aqsa en raison des combats et des ordres d’évacuation, qui ont rendu inaccessible la pharmacie de MSF. Trois membres du personnel soutenu par MSF sont restés sur place, travaillant de manière autonome. Le 6 février, MSF est retournée à Al-Aqsa et a préparé les lieux pour un retour complet aux activités précédentes. Depuis le 7 février, MSF offre de la chirurgie orthopédique et reconstructrice, des soins postopératoires, de la physiothérapie, de la promotion de la santé et un soutien en santé mentale. Au total, 5 800 pansements ont été réalisés entre le 7 février et le 4 avril et 83 % de ces blessures sont des traumatismes liés à la guerre. Les 10 et 11 mai, 46 des 117 patients amenés aux urgences sont décédés des suites de leurs blessures. Ces afflux de masse sont de plus en plus fréquents. Les activités militaires à Nuseirat sont intenses : le 27 mai, l'hôpital Al Aqsa a reçu de nombreuses victimes des bombardements à Nuseirat (environ 30 patients et 4 décès pendant que notre équipe MSF était sur place).   

Le 10 mars, une équipe MSF a commencé une activité de traitement des blessures et de dépistage de la malnutrition à l’hôpital des Martyrs. Au cours du premier jour d'activités, MSF a soigné 40 blessés et évalué l’état de santé de 40 enfants, dont quatre présentaient une malnutrition aiguë sévère. 

À la mi-avril, MSF a ouvert un nouveau centre de soins de santé primaires à Al Hekker pour offrir des services ambulatoires, notamment des consultations générales, des vaccinations, des services de santé reproductive, des pansements, des services de santé mentale, y compris des premiers soins psychologiques. Au 31 mai, l'équipe y a effectué 250 consultations par jour. 

Dans le sud 

Nasser était le principal centre chirurgical du sud de la bande de Gaza, situé à Khan Younis, et était devenu le plus grand hôpital de Gaza après qu'Al-Shifa a été paralysé par les opérations militaires israéliennes en novembre. Le 23 janvier, la zone entourant Nasser a reçu un ordre d'évacuation, après des semaines de bombardements et de combats intenses. Cela a poussé 90 % du personnel à partir, y compris la plupart du personnel de MSF, même si une poignée d'entre eux ont décidé de rester sur place. Le personnel international MSF est parti le 26 décembre. Après des semaines de combats intenses, le personnel restant de MSF a décrit de graves pénuries, des lits aux anesthésiques, en passant par le carburant, la nourriture et l'eau. Le 13 février, les forces israéliennes ont donné un ordre d'évacuation aux personnes déplacées qui habitaient autour et dans l'hôpital, précisant que le personnel médical et les patients pouvaient rester, à raison d'un soignant par patient. Cependant, deux jours plus tard, le personnel MSF restant a été contraint de fuir et d'abandonner les patients après qu'un obus tiré par l’armée israélienne a frappé le service d'orthopédie aux premières heures du 15 février, faisant un mort et huit blessés. De nombreux membres du personnel soignant ont été arrêtés par l’armée israélienne, dont un collègue MSF, relâché depuis, après près de 50 jours de détention. À la mi-mai, en collaboration avec le ministère de la Santé, MSF a relancé les opérations à Nasser, en se concentrant sur la chirurgie orthopédique et l'unité des grands brûlés. Les services de maternité, de soins intensifs néonatals et de pédiatrie ont démarré le 25 mai. MSF travaille actuellement avec 23 lits de soins intensifs et devrait pouvoir passer à 56 lits dans les jours à venir. Nos équipes ont ouvert un service de soins des plaies (brûlures et traumatismes) qui propose des pansements et des séances de kinésithérapie. 

Au centre de santé d’Al-Mawasi à Rafah, le personnel de MSF fournit des services ambulatoires, notamment des consultations générales, des vaccinations, des consultations de santé reproductive, des pansements, du support psychologique et des activités de promotion de la santé. Plus de 6 000 consultations sont effectuées chaque semaine. Nos équipes ont réalisé également des dépistages systématiques de la malnutrition pour plus de 5 000 patients au total. Au centre d'alimentation thérapeutique ambulatoire, nos équipes ont pris en charge 31 enfants souffrant de malnutrition sévère et 78 de malnutrition modérée. Les équipes MSF ont assuré plus de 22 000 consultations médicales, dont 9 000 pour des patients pédiatriques et 13 000 pour des patients adultes. 

Un centre de soins de santé primaire de Khan Younis a ouvert le 6 mai. Les activités continuent de se développer. Compte tenu de l'afflux massif de population en provenance de Rafah dans une zone humanitaire déjà remplie, et du manque de structures de santé pour couvrir les besoins en traumatologie, MSF étudie la possibilité d'inclure un service d'urgence 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour aider à stabiliser et à orienter les patients souffrant de traumatismes. 

 De décembre 2023 à mai 2024, MSF soutenait le service ambulatoire de l’Hôpital indonésien de Rafah, et offrait des soins postopératoires aux personnes souffrant de blessures liées à la guerre, avec des changements de pansements et de la physiothérapie.  Les activités ambulatoires se déroulaient 6 jours sur 7 avec environ 130 consultations par jour. Le 12 mai, MSF a dû cesser de prodiguer des soins vitaux à l'hôpital indonésien de Rafah en raison de l'offensive sur Rafah, car nous n’étions plus en mesure de garantir la sécurité des patients. Le ministère de la santé a depuis décidé de gérer des services d'urgence médicale. Nous les soutenons avec des primes et des fournitures afin qu'ils soient en mesure de gérer cette activité. 

MSF a soutenu la maternité de l’hôpital Emirati en fournissant du matériel médical et du personnel, notamment des gynécologues et des infirmières travaillant en équipes 24 heures sur 24. Début mai, MSF a pris la décision de transférer ses activités au ministère de la Santé, en raison de la situation sécuritaire liée à l'offensive en cours sur Rafah, et de relocaliser les ressources, de nombreuses personnes ayant été déplacées de Rafah vers Al Mawasi et vers le centre de la bande de Gaza. 

Le 9 décembre 2023, MSF a recommencé à travailler à la clinique Al-Shaboura de Rafah, en augmentant progressivement ses activités. Jusqu'en mai, les équipes de MSF fournissaient des services ambulatoires, notamment des consultations générales, des vaccinations, des services de santé reproductive, des pansements, des services de santé mentale, y compris des premiers soins psychologiques, des séances individuelles et familiales, ainsi que des activités de psychoéducation et de promotion de la santé. Les équipes ont également procédé à un dépistage systématique de la malnutrition chez les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes et allaitantes. Début mai, MSF a pris la décision de suspendre ses opérations à Al-Shaboura en raison de l'offensive en cours sur Rafah, en partie pour des raisons de sécurité et pour garantir l'acheminement de l'aide médicale là où elle est le plus nécessaire. Les ressources ont été transférées vers d'autres installations et la clinique est maintenant fermée.  

Fin janvier, MSF a mis en place une clinique de soins de santé primaires à l'intérieur de deux camions à Al-Mawasi, effectuant environ 400 consultations par jour. Entre le 30 janvier et le 4 avril, l'équipe a effectué 21 363 consultations. La majorité des patients venaient de la partie nord de Gaza. Les services médicaux comprenaient des consultations de médecins généralistes, des soins prénatals et postnatals, des soins de santé mentale, de la physiothérapie, des changements de pansements et des dépistages de la malnutrition pour les enfants de moins de cinq ans, les femmes enceintes et les mères allaitantes. Depuis le 28 mai, compte tenu de la situation sécuritaire à Rafah Ouest, MSF a décidé de réduire ses activités au PHC pour ne fournir que des services de santé essentiels.  
 
Le 14 mai, MSF a ouvert un centre de stabilisation à Tal Al Sultan, Rafah, près des lignes de front. Dans la nuit du 26 mai, 180 blessés et 28 morts ont été recensés au point de stabilisation, après que des frappes aériennes des forces israéliennes ont touché un camp abritant des personnes déplacées, dans une zone désignée comme sûre par Israël. La plupart des patients que nous avons traités souffraient de blessures par éclats d'obus, de fractures, de lésions traumatiques et de brûlures. Dans la nuit du 27 mai, les bombardements intensifs et les forces terrestres opérant à proximité du centre ont forcé sa fermeture. Tous les patients ont pu être transférés et le personnel a pu être évacué en toute sécurité. Le 28 mai, la décision a été prise (en collaboration avec le ministère de la santé) de fermer définitivement ce centre de stabilisation. Les patients seront désormais directement conduits dans les hôpitaux de campagne qui restent ouverts à Al Mawasi. Nous recherchons d'autres lieux stratégiques qui pourraient accueillir un centre de stabilisation. 

MSF a distribué 400 000 litres d'eau par jour (couvrant plus de 100 000 personnes par jour) à travers 30 points d'eau dans la région d'Al Mawasi et de Khan Younis. MSF fournit environ 300 m3 d'eau potable par jour dans différents endroits de Rafah et s'efforce continuellement d'augmenter cette quantité, car l'eau potable est une source rare. Le 28 mars, MSF a mis en place une nouvelle usine de dessalement à Al-Mawasi.  

MSF mène des activités par l'intermédiaire d'ONG palestiniennes partenaires depuis février 2024. Dans le cadre du premier partenariat avec PARC - (Agriculture Development Association), MSF met en œuvre des activités d’accès à l’eau dans les abris des camps à Deir El Balah et Khan Younis. Ces activités comprennent la construction de latrines pour plus de 30 000 personnes réparties dans 6 camps, la distribution de kits d'hygiène pour 2 400 familles et l'approvisionnement quotidien en eau potable pour une population de 25 000 personnes. Le partenariat comprend également l'équipement d'un camp accueillant 400 personnes vivant avec un handicap avec les installations sanitaires nécessaires (latrines et douches accessibles). 

+ Avez-vous évacué vos équipes de Gaza ? 

Après les appels de l’armée israélienne à la population à quitter le nord de la bande de Gaza, l’équipe internationale de MSF déjà présente à Gaza avant le 7 octobre s’est déplacée dans le sud. 

Ces 22 membres du personnel international de MSF ont rejoint l’Égypte via le poste-frontière de Rafah le 1ᵉʳ novembre. Une nouvelle équipe MSF de 15 personnes, comprenant une équipe médicale spécialisée, est entrée le 14 novembre dans la bande Gaza et a repris des activités dans le sud du territoire. Depuis, dans le cadre de rotations programmées, nous avons en moyenne entre 15 à 20 staffs internationaux présents à Gaza.  

Nous avons encore quelque 400 collègues palestiniens dans la bande de Gaza. Nous tentons de les soutenir et de nous assurer de leur état de santé et de sécurité. Toutefois, les difficultés de communication dues aux coupures d’électricité et de réseau ne nous permettent pas de rester en contact avec tous. Certains d’entre eux se sont déplacés vers le sud, d’autres sont restés dans le nord pour continuer à soigner là où ils le peuvent. D’autres encore sont piégés chez eux avec leur famille à cause de l’insécurité permanente. 

Depuis le 7 octobre, nous déplorons le décès de cinq collègues. Mohamed Al Ahel, qui était technicien de laboratoire pour MSF depuis deux ans, a été tué avec plusieurs membres de sa famille le 6 novembre, alors qu'il se trouvait chez lui dans le camp de réfugiés d'Al Shate au moment où la zone a été bombardée. Le 21 novembre, deux médecins MSF ont été tués lors d’une frappe sur l’hôpital al-Awda, le Dr Mahmoud Abu Nujaila et le Dr Ahmad Al Sahar. Le 18 novembre 2023, Alaa Al Shawa, un infirmier volontaire travaillant à côté des équipes MSF à l’hôpital Al-Shifa, ainsi qu’un autre membre de familles d’employés de MSF sont décédés suite à une attaque contre un convoi de MSF transportant 137 personnes – des membres palestiniens du personnel MSF et leurs familles - bloquées depuis une semaine sans eau ni nourriture dans les locaux de MSF, situés près de l'hôpital Al-Shifa et tentant de rejoindre le sud de la bande de Gaza. Reem Abu Lebdeh, membre du conseil d'administration de MSF Royaume-Uni et ancienne employée de MSF à Gaza, aurait vraisemblablement été tuée au cours du mois de décembre 2023 avec des membres de sa famille, lors de l'offensive israélienne à Khan Younis. 

Gaza étant sous siège total, les habitants, y compris le personnel MSF, n’ont nulle part où aller pour échapper aux bombardements. Mener des campagnes de bombardements intensifs dans un environnement enclavé et densément peuplé revient à assumer un niveau très élevé de victimes parmi les civils.  Les autorités sanitaires locales font état de plus de 36 000 morts et plus de 80 000 blessés au 27 mai 2024. 

Les bombardements israéliens se poursuivent activement dans le sud, alors même qu’Israël a demandé à la population de s’y déplacer pour être à l’abri. 

+ MSF compte-t-elle maintenir sa présence à Gaza ?  

MSF prévoit de maintenir son intervention humanitaire à Gaza, où quelque 400 de ses collaborateurs palestiniens sont présents, et continuera d'évaluer jour après jour la situation sécuritaire et les risques qu’encourent ses équipes, comme elle le fait depuis le début de cette guerre.  

Les zones ou mécanismes dits de « déconfliction » ont fait l’objet de violations constantes et ne sont manifestement pas fiables. Des attaques des forces israéliennes contre des travailleurs humanitaires et des installations médicales ont été menées en toute impunité.  

Le meurtre tragique de sept travailleurs humanitaires de World Central Kitchen (WCK) par l’armée israélienne le 1ᵉʳ avril à Gaza, dans un convoi clairement identifié, n'est malheureusement pas un incident isolé. Israël fait preuve d’un mépris délibéré et répété envers les missions médicales et humanitaires. Plus de 200 autres travailleurs humanitaires ont été tués à Gaza, dont cinq membres des équipes MSF.  

Les besoins médicaux et humanitaires à Gaza sont pourtant écrasants et les tentatives concertées visant à paralyser les principaux fournisseurs d’aide humanitaire, tels que l’UNWRA et maintenant WCK, ont reçu le soutien tacite de plusieurs États à l’échelle internationale. 

+ Que se passe-t-il en Cisjordanie ? 

 Des affrontements ont éclaté dans presque toutes les villes de Cisjordanie, notamment à Hébron, Ramallah et Naplouse. Entre début octobre et le 20 mai, les Nations unies ont rapporté la mort de plus de 489 Palestiniens en Cisjordanie, dont 117 enfants, tandis qu’on recensait plus de 5 000 blessés, dont 709 enfants. 896 attaques de colons contre des Palestiniens, qui ont fait des victimes ou des dégâts matériels, ont été recensées. L’OMS a recensé 447 attaques sur des structures de santé en Cisjordanie, touchant 298 ambulances, faisant 12 morts et 95 blessés 

Le 14 décembre, en pleine journée, un adolescent de 16 ans a été abattu dans l’enceinte de l’hôpital Khalil Suleiman, à Jénine, par les forces israéliennes après les avoir simplement invectivées verbalement. Il était non armé et ne représentait aucun danger imminent. Les faits se sont déroulés sous les yeux de l’un de nos employés qui a assisté à la scène. Malgré leurs efforts, les médecins sur place n’ont pas pu lui sauver la vie. 

Dans le camp de réfugiés de Jénine, MSF est intervenue deux fois après une attaque aérienne le 25 octobre et une incursion israélienne le 27 octobre. Dans les deux cas, de nombreux blessés dans un état grave ont été pris en charge à l'hôpital. Le 27 octobre, une ambulance a également été la cible de tirs alors qu'elle tentait de secourir des blessés. Nous avons fait don de médicaments et d'équipements à sept centres de soins de santé primaires pour les accouchements d'urgence, anticipant le fait que les routes seront bloquées et que les femmes qui accouchent ne pourront pas se rendre à l'hôpital. Les équipes MSF soutiennent actuellement les urgences des hôpitaux du ministère de la Santé des gouvernorats de Jénine (hôpital Khalil Suleiman) et de Tulkarem (hôpital Thabet Thabet). 

L'équipe MSF à Hébron est en contact avec le ministère de la Santé et les hôpitaux de Cisjordanie pour évaluer quotidiennement leurs besoins. En raison des restrictions de mouvement et de la violence, MSF a progressivement élargi sa réponse pour fournir des soins de santé aux personnes n’ayant plus accès aux structures médicales. Les équipes de cliniques mobiles de MSF travaillent à l'extérieur et à l'intérieur de la vieille ville d'Hébron, ainsi que dans les villages isolés de Masafer Yatta, dans le sud de la Cisjordanie.  

À Naplouse et à Qaqliliya, nos équipes continuent de fournir des activités de santé mentale malgré des circonstances très difficiles. MSF est présente dans les territoires palestiniens occupés depuis 1989. 

+ Pouvez-vous renouveler vos stocks ou avez-vous des pénuries ? 

Nous faisons face à des contraintes significatives pour le renouvellement de nos stocks puisque la bande de Gaza est en état de siège. 

Les hôpitaux du ministère de la Santé rapportent des ruptures de nombreux médicaments et matériels médicaux. Nos collègues rapportent des pénuries d’anti-douleur et nous parlent de blessés et patients qui hurlent de douleur, ainsi que d’interventions chirurgicales réalisées avec des demi-doses d’anesthésiants.  

Nous travaillons en collaboration avec l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le Croissant-Rouge égyptien (CRE) pour faciliter l’entrée d’un maximum de fournitures à Gaza le plus vite possible. Cependant, la situation reste difficile et l'organisation de ces livraisons dépend également de négociations plus larges concernant l'accès aux fournitures humanitaires, ainsi que de la coordination avec les autorités sanitaires de Gaza. 

Le siège complet de la bande de Gaza imposé par le gouvernement israélien provoque des effets catastrophiques, car la situation était déjà très précaire en termes humanitaires et en termes d'accès aux biens essentiels et aux médicaments. La réponse du gouvernement israélien aux attaques du Hamas ne peut pas être de priver d’aide et d’accès aux biens de première nécessité toute la population de Gaza, ce qui revient à considérer tous ses habitants comme des combattants. 

En particulier, l’accès à l’eau potable est particulièrement compromis aujourd'hui à Gaza, à cause notamment des pénuries en carburant. Mais l’accès à la nourriture et aux médicaments est également très précaire. En raison du manque d'acheminement de nourriture dans le territoire, la totalité de la population de Gaza (environ 2,3 millions de personnes) a été classée, par l’IPC, en phase de crise en termes d'insécurité alimentaire. Cela se traduit par une malnutrition aiguë élevée, supérieure à la normale.  

Les coupures d'électricité mettent à rude épreuve la capacité des hôpitaux à prendre en charge les blessés et les patients. Et faute de carburant, ils ne pourront pas assurer le fonctionnement des générateurs. 

MSF demande que l’aide humanitaire dont la population a urgemment besoin puisse être acheminée de toute urgence à Gaza. 

+ Que demande MSF ? 

- Un cessez-le-feu immédiat et durable afin d'éviter d'autres morts à Gaza, de rétablir et d'augmenter le flux d'aide humanitaire dont dépend la survie de la population de Gaza. 

- À tous les dirigeants et chefs d’États, et notamment aux États-Unis, à la France, au Royaume-Uni, au Canada, à l'Union européenne, à la Ligue des États arabes et aux États membres de l'Organisation de la coopération islamique, d'exercer toute leur influence sur Israël pour obtenir un cessez-le-feu et arrêter le massacre en cours à Gaza. Depuis le 8 décembre, les États-Unis ont opposé trois fois leur véto lors d’un vote du Conseil de sécurité des Nations unies sur la question d'un cessez-le-feu immédiat. En faisant cela, les États-Unis ont délibérément voté contre l'humanité. Ils se sont également abstenus lors du vote sur la résolution de cessez-le-feu du 25 mars 2024, adoptée par le Conseil de sécurité. 

Nous appelons aussi au respect de la mission médicale. Les hôpitaux, les soignants, les ambulances et les patients ne peuvent pas être pris pour cible. 

Nous appelons ce que les personnes qui souhaitent fuir puissent le faire par le point de passage de Rafah. Médecins Sans Frontières demande que ses collaborateurs palestiniens qui souhaitent partir puissent être évacués. 

Nous constatons des pénuries de fournitures médicales essentielles dans les hôpitaux. Il est urgent de faciliter l’entrée massive de matériel médical et de médicaments dans la bande de Gaza. Avant le 7 octobre, entre 300 et 500 camions d'approvisionnement entraient chaque jour à Gaza, où la majeure partie de la population dépendait déjà de l’aide humanitaire. Après un blocus total jusqu’au 20 octobre, jamais plus de 240 camions ne sont rentrés en une journée dans Gaza, une réponse largement insuffisante face aux besoins immenses de la population. 

Nous appelons également de toute urgence au rétablissement d’un accès à l’eau potable suffisant et immédiat pour la population de la bande de Gaza. 


 

+ Comment soutenir les actions MSF à Gaza ?

Je donne au Fonds Régional - Urgence Gaza

En faisant un don au Fonds d’Urgence Régional - Gaza, vous nous permettez d’agir à Gaza et dans les environs, où nous déployons des secours d’urgence en réponse à la catastrophe majeure qui touche des milliers de Palestiniens. MSF est financée à 99,24% par des ressources d'origines privées (2022) : Votre présence à nos côtés est indispensable. Merci !

+ MSF s’appuie-t-elle sur les données de morbidité et de mortalité du ministère de la Santé palestinien ? 

Le ministère de la Santé local est le seul acteur à disposer d'une vue d'ensemble de la situation dans les hôpitaux de Gaza. Comme d’autres organisations, MSF s'appuie notamment sur les statistiques et les informations sanitaires officielles pour évaluer la situation et comprendre l'ampleur des besoins de la population. 

MSF fournit une assistance médicale à Gaza depuis plus de deux décennies. De manière générale, lors des précédentes guerres dans la bande de Gaza, les données fournies par le ministère de la Santé local ont fourni des ordres de grandeur fidèles à la réalité.  Dans le contexte actuel à Gaza, il est impossible de vérifier ces chiffres, mais de nombreux observateurs avancent que le nombre de victimes pourrait être sous-estimé, des milliers de personnes étant officiellement portées disparues à l’heure actuelle.  

+ Est-ce que MSF a pu constater la présence de combattants du Hamas au sein des hôpitaux de la bande de Gaza ?  

MSF ne dispose d’aucune information directe indiquant que les combattants du Hamas utilisent les hôpitaux de la bande de Gaza.  

Il est également important de comprendre, pour les cas particuliers des hôpitaux Al-Shifa et Nasser, détruits et mis hors service par l’armée israélienne, que les équipes MSF ne travaillaient que dans une partie seulement de ces grands complexes.  

D’autre part, MSF travaille depuis de nombreuses années dans la bande de Gaza, en coordination avec le ministère de la Santé, qui fait partie de l’administration civile du Hamas. À Gaza comme dans tous nos autres contextes d’intervention , la coordination avec les autorités sanitaires locales est essentielle à la bonne conduite des interventions de l’association.  

+ Quelle est la position de MSF sur la situation de l'UNRWA ? 

MSF dénonce la décision de plusieurs pays de suspendre leurs financements à l'UNRWA. Cette agence des Nations Unies apporte une aide vitale à des millions de Palestiniens dans la bande de Gaza, en Cisjordanie et dans la région. 

Ces réductions de financement contredisent les demandes émises par la Cour internationale de Justice le 26 janvier, portant sur l'acheminement d'une aide humanitaire suffisante à la population gazaouie. Dans la bande de Gaza, la crise humanitaire a atteint des niveaux catastrophiques. Les organisations humanitaires peinent déjà à répondre ne serait-ce qu'à une fraction des besoins urgents de la population. Toute réduction de l'aide entraînera davantage de morts et de souffrances. MSF continue d'appeler à un cessez-le-feu immédiat et durable et à la levée du siège pour permettre l'augmentation et la continuité de l'approvisionnement humanitaire à Gaza pour les quelque 2,2 millions de personnes dans l'enclave. 

Le 29 mai, un projet de loi visant à désigner l'UNRWA, l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, comme une organisation terroriste, a été adopté en première lecture avant trois autres lectures au Parlement israélien, la Knesset. Un deuxième projet de loi visant à rompre tous les liens avec l'agence des Nations unies et à la priver de diverses exemptions a également été proposé et a fait l'objet d'une lecture préliminaire. Ces deux projets de loi n'interdiraient pas seulement à l'UNRWA d'opérer en Israël, mais criminaliseraient également l'organisation, ses activités et son personnel. Cliquez ici pour en savoir plus. 

+ Que pense MSF de l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza par voie aérienne ? 

L’aide humanitaire, notamment alimentaire, manque cruellement à Gaza. Néanmoins, la livraison aérienne de nourriture ne peut en aucun cas remplacer un flux terrestre constant d’aide pour répondre aux besoins immenses de la population. D’autre part, ce mode de distribution peut être dangereux : le 8 mars, cinq personnes ont été tuées et dix autres blessées à Gaza après avoir été heurtées par un chargement aérien dont le parachute ne s’est pas déployé correctement. 

D’après l’expérience de MSF, les parachutages d’aide humanitaire sont notoirement inefficaces et ne constituent en aucun cas une solution adéquate au manque d’aide humanitaire à laquelle est confrontée la population de Gaza. 

L’urgence est qu’Israël autorise l’entrée d’une aide vitale à grande échelle à Gaza. Les États-Unis et les autres pays impliqués dans les largages aériens devraient également veiller à ce qu’Israël mette fin à ses obstructions et à ses attaques contre l’acheminement de l’aide. Au lieu de cela, au cours des derniers mois, les États-Unis ont opposé leur veto à trois résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU appelant à un cessez-le-feu, pourtant le seul moyen d’assurer une véritable augmentation de l’aide d’urgence à destination des Gazaouis. MSF réitère son appel à un cessez-le-feu immédiat et durable pour mettre fin au massacre de milliers de civils supplémentaires et permettre l’acheminement de l’aide humanitaire dont ils ont désespérément besoin. 

+ Que pense MSF de l’annonce de la mise en place d’un corridor humanitaire naval vers Gaza ? 

Le 8 mars 2024, les États-Unis ont publié une déclaration conjointe avec la Commission européenne, la République de Chypre, les Émirats arabes unis et le Royaume-Uni annonçant l'activation d'un « corridor maritime » pour acheminer l'aide humanitaire à Gaza. 

Cette annonce, ainsi que le projet américain de créer un port temporaire à Gaza pour accroître le flux d’aide humanitaire, n’est pour MSF qu’un écran de fumée. Le vrai problème réside dans la campagne militaire aveugle et disproportionnée d’Israël et son siège inhumain. La nourriture, l’eau et les fournitures médicales dont les habitants de Gaza ont désespérément besoin se trouvent juste de l’autre côté de la frontière, bloquées par Israël en Égypte.  

Il ne s'agit pas d'un problème de logistique, mais d’un problème politique. Plutôt que de compter sur l’armée américaine pour trouver une solution de contournement, les États-Unis devraient insister sur le rétablissement d’un réel accès humanitaire immédiat en utilisant les routes et les points d’entrée qui existent déjà. Au cours des derniers mois, les États-Unis ont opposé leur veto à trois résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU appelant à un cessez-le-feu, pourtant le seul moyen d’assurer une véritable augmentation de l’aide d’urgence à destination des gazaouis. MSF réitère son appel à un cessez-le-feu immédiat et durable pour mettre fin au massacre de milliers de civils supplémentaires et permettre l’acheminement de l’aide humanitaire dont ils ont désespérément besoin. 

+ Pouvez-vous faire confiance  à votre personnel sur place ?  

Nous faisons confiance à nos 400 personnels palestiniens, et nous les soutenons. Certains d'entre eux travaillent avec MSF depuis le début des activités médicales à Gaza il y a plus de vingt ans. Ils ont décrit de la même manière différentes attaques menées par l'armée israélienne, à des dates différentes, dans des hôpitaux différents, ce qui corrobore le caractère méthodique de ces attaques. Nous avons par ailleurs vérifié avec d’autres collègues, et quand c’est possible avec des sources tierces et des éléments déjà publics, certaines informations afin d’établir avec certitude les lieux et les dates mentionnées par notre personnel.  

+ Quelle est la position de MSF sur le massacre du 29 février lors d’une distribution d’aide alimentaire ? 

Le 29 février 2024, plus de 100 Palestiniens ont été tués et 750 blessés, selon les autorités sanitaires locales, lorsque les forces israéliennes auraient ouvert le feu sur une foule de personnes tentant d'accéder à de la nourriture. 

Les équipes MSF n’étaient pas présentes lors de cet événement déplorable. Cependant, MSF est très au fait de la situation catastrophique qui règne à Gaza, en particulier dans le nord. Les membres des équipes MSF sur place ont relaté une situation terrible, et notamment le fait qu’ils étaient forcés de manger de la nourriture pour animaux afin de survivre, en plus du manque d’eau et de sa qualité médiocre, ce qui est vecteur de maladies.  

Ce massacre du 19 février est la conséquence directe d’une série de choix irresponsables opérés par les autorités israéliennes en menant cette guerre : des bombardements incessants, un siège imposé sur la bande de Gaza, des obstacles administratifs et sécuritaires aux distributions dans le nord, la destruction systématique des moyens de subsistance, comme la possibilité de cultiver, d’élever des animaux et de pêcher. 

MSF considère qu’Israël est responsable du dénuement extrême et du désespoir qui prévalent à Gaza, en particulier dans le nord, et qui ont conduit aux événements tragiques du 29 février. 

+ Est-il vrai que les Israéliens préviennent la population de Gaza avant de frapper ? 

Israël a annoncé, lors de cette offensive comme lors des précédentes, prévenir systématiquement par sms, via les réseaux sociaux, par téléphone, ou autres moyens de communication, les habitants d’un quartier qui va être bombardé. Nous avons cependant constaté que ce n’est pas toujours le cas. Et même si des alertes continuent à être diffusées par les autorités israéliennes, elles sont difficilement accessibles aux habitants de Gaza : en raison des fréquentes coupures d’électricité et de réseau, l’usage des téléphones portables et de tout autre moyen de communication reste extrêmement limité. 

De façon générale, ce genre de messages laissent très peu de temps aux gens pour fuir. Mener des campagnes de bombardements intensifs dans un environnement enclavé et densément peuplé revient à assumer un niveau très élevé de victimes parmi les civils. Ce sont, de fait, des bombardements indiscriminés. 

Depuis jeudi 12 octobre, l’armée israélienne a appelé la population à quitter le nord de la bande de Gaza et à se déplacer dans le sud, pour sa sécurité. Cependant, même le sud, présenté par Israël comme un lieu sûr, est bombardé. Actuellement, plus aucun endroit n'est sûr pour les civils dans la bande de Gaza. MSF demande la mise en place de toute urgence de cessez-le-feu et la définition de lieux sécurisés et épargnés par les bombardements dans la bande de Gaza. 

+ Clarification au sujet du tweet sur le bombardement de l’hôpital Al-Ahli Arab 

Bien que nous ayons immédiatement attribué à Israël la responsabilité du bombardement sur l’hôpital de Al-Ahli Arab qui s’est produit le 17 octobre en fin de journée à Gaza, entraînant la mort de plusieurs centaines de personnes, il est impossible pour MSF de dire avec certitude qui en est responsable. Seule une enquête indépendante permettra de l’établir. 

Entre le 12 et le 17 octobre, les autorités israéliennes ont appelé à plusieurs reprises à l'évacuation des hôpitaux du nord de Gaza, en prévision de possibles bombardements. À cette date, l'OMS avait fait état de 52 attaques contre des structures de santé, et de 26 hôpitaux endommagés à Gaza. L’hôpital Ahli Arab avait déjà été touché par une attaque le samedi 14 octobre. 

Nous appelons au respect des civils et de la mission médicale. Les hôpitaux, les soignants, les ambulances et les patients ne peuvent pas être pris pour cible. 

+ Clarification au sujet de l’assassinat d’un jeune palestinien dans l’enceinte de l’hôpital Khalil Suleiman en Cisjordanie 

Le 14 décembre, en pleine journée, un adolescent de 16 ans a été abattu dans l’enceinte de l’hôpital Khalil Suleiman, à Jénine par les forces israéliennes après les avoir simplement invectivés verbalement. Il était non armé et ne représentait aucun danger imminent. Les faits se sont déroulés sous les yeux de l’un de nos employés qui a assisté à la scène . Malgré leurs efforts, les médecins sur place n’ont pas pu lui sauver la vie. 

+ Quelle est la position de MSF au sujet des otages retenus par le Hamas? 

MSF n’est pas impliquée dans les négociations pour la libération d’otages, ni à Gaza ni ailleurs dans le monde. Cette activité fait partie notamment du mandat du Comité International de la Croix Rouge et du Croissant Rouge. Nous comprenons l’émotion et l’angoisse des familles des otages. Nous appelons toutes les parties au conflit à épargner la population civile où qu'elle se trouve. Le 18 octobre, MSF a par ailleurs signé cette pétition, appelant à un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza, et également à une libération des otages. 

Notre communication sur le conflit israélo-palestinien est basée - comme partout ailleurs sur nos terrains d’intervention - sur le témoignage direct issu de notre personnel sur place, des personnes à qui nous apportons des secours, et de leur entourage. Nous témoignons de ce que nous observons et constatons là où nous intervenons, et nous exprimons publiquement nos appels et nos demandes aux belligérants, aux acteurs politiques, et aux autres acteurs de l’aide. 

+ Quelles informations avez-vous sur la présence du Hamas et des otages à l’hôpital Al-Shifa ? 

Nous sommes conscients des allégations d'Israël concernant la présence d'un centre de commandement du Hamas sous l'hôpital Al-Shifa et dans les établissements de santé en général. MSF ne dispose pas d'informations sur cette présence : nos équipes ont travaillé pour fournir des soins de santé et ont en revanche vu l'hôpital déborder de patients et de civils déplacés cherchant à s'abriter des bombes. Nous avons été profondément alarmés par ces allégations, car nous savions que les opérations militaires menées à l'intérieur ou aux alentours de l'hôpital constitueraient une menace directe pour les centaines de patients, le personnel médical et les milliers de civils hébergés à Al-Shifa. Les hôpitaux, le personnel médical et les patients doivent être respectés en toutes circonstances. 

Depuis que nous travaillons à Al Shifa, nous n'avons jamais eu connaissance de la présence d'armes à l'intérieur de l'hôpital. Nous savons que lorsque les forces israéliennes sont entrées dans le bâtiment, des centaines de patients, de membres du personnel médical et de personnes déplacées se trouvaient encore à l'intérieur. 

Concernant la vidéo diffusée par l’armée israélienne montrant que des otages du Hamas ont été emmenés à l’hôpital Al-Shifa, nous n'avions pas connaissance de la détention ou du passage d'otages à Al-Shifa pour recevoir des soins. Il est également important de considérer que le nombre de personnels MSF travaillant à l’hôpital Al-Shifa - qui est constitué de plusieurs bâtiments séparés, et abrite des centaines de lits - a été extrêmement réduit à partir du 7 octobre, en raison notamment de l’insécurité et de la difficulté à se déplacer. Notre travail en tant que médecins est de fournir des soins de santé à toutes les personnes qui en ont besoin. C'est un principe fondamental de l'éthique médicale et, conformément à ces principes, MSF fournit des soins médicaux dans le meilleur intérêt des patients et sans agir sous la contrainte. 

+ Que répondez-vous aux accusations de complicité avec le Hamas ? 

Nous avons pris connaissance d'un document qui accuse MSF de complicité avec le Hamas. Cette allégation n’est pas seulement fausse, mais également irresponsable et dangereuse dans le cadre d’une guerre où le personnel médical et humanitaire a déjà payé un lourd tribut. Le document en question est un montage grossier visant à décrédibiliser la parole et le travail de Médecins Sans Frontières, dans un contexte où elle est l’un des rares acteurs médicaux indépendants présents sur place à rendre compte de l’horreur de cette guerre. 

+ Comment pouvez-vous affirmer que les hôpitaux ont été ciblés par l’armée israélienne ?  

Les témoignages que nous avons recueillis auprès de notre personnel médical dessinent ce qui relève d’une stratégie militaire assumée ciblant les structures de soin, basée sur l’argument qu’elles seraient utilisées en tant que structure militaire par le Hamas – ce dont les équipes MSF n’ont pas été témoins directs. Dans le nord de la bande de Gaza, dans les hôpitaux d’Al-Shifa, Al-Quds et Al-Nasser, où intervenait du personnel MSF, la méthode appliquée par l’armée israélienne a consisté à bombarder lourdement les alentours des structures de santé rendant impossibles les transferts de patients et l’accès pour les blessés et les civils en quête de soin et de protection. Elle a ensuite encerclé avec ses moyens terrestres les lieux de soins et demandé leur évacuation, alors même que des tirs et des combats actifs continuaient aux alentours. Des patients, des civils et du personnel médical ont été délibérément visés alors qu’ils tentaient parfois de s’en extraire comme il leur avait été demandé. Les hôpitaux eux-mêmes ont aussi été touchés par des tirs. Le personnel médical s’est bien souvent retrouvé face à un choix impossible : sauver leur vie ou celle de leurs patients. Nous ne pouvons pas établir l’origine de chaque tir ou attaque sur ces hôpitaux. Mais nous savons que certaines attaques sont clairement attribuées à des chars, que seule l’armée israélienne possède. De plus, nous constatons que la stratégie militaire appliquée est similaire d’un hôpital à l’autre.  

+ Demandez-vous une enquête sur ces attaques ?  

Les attaques sur les centres de santé, les patients et le personnel médical sont inacceptables. Nous estimons qu’il est crucial que les faits et les responsabilités soient établies sur ces événements, et nous pensons qu’il est nécessaire pour cela que des enquêtes indépendantes puissent être menées.  

+ Le 18 novembre, un convoi tentant d'évacuer du personnel MSF et des membres de leur familles a été attaqué. De quels éléments MSF disposez-vous à ce sujet ?  

MSF avait informé le Hamas et les forces israéliennes de ce mouvement. Les voitures ont emprunté l'itinéraire indiqué par l'armée israélienne. Le convoi a atteint le dernier checkpoint près de Wadi Gaza où une foule attendait de pouvoir passer à ce moment-là, en raison des contrôles de sécurité longs et contraignants effectués par les soldats israéliens. Malgré les informations échangées avec l'armée israélienne, les membres du personnel MSF et leurs familles n'ont pas été autorisés à franchir le checkpoint. Après quelques heures d’attente, ils ont entendu des coups de feu, ce qui les a poussés à faire demi-tour et à retourner dans les locaux de MSF, situés à environ 7 kilomètres du checkpoint. Notre bureau à Jérusalem a informé les autorités israéliennes de la décision du retour de notre équipe dans la ville de Gaza. Sur le chemin du retour, le convoi, composé de cinq voitures, toutes clairement identifiées par des logos de l’organisation, y compris sur leur toit, a été délibérément ciblé par des tirs tuants deux personnes : un infirmier, membre de la famille d’un collègue, qui s’était porté volontaire et qui travaillait aux côtés de nos équipes à l’hôpital Al-Shifa, et qui est décédé immédiatement ; ainsi qu’un membre de la famille d’un autre de nos collègues, qui a succombé à sa blessure le 22 novembre.  

+ Pourquoi affirmez-vous que les éléments dont vous disposez au sujet de l'attaque contre votre convoi le 18 novembre pointent vers la responsabilité de l’armée israélienne ?  

Nos collègues présents dans le convoi, dont nous avons recueilli les témoignages, ont vu des véhicules militaires et des soldats israéliens leur tirer dessus alors qu'ils traversaient la ville de Gaza à la suite d'une tentative d'évacuation vers le sud. Par ailleurs, l’armée israélienne a affirmé dans un communiqué, partagé avec le Washington Post le 23 novembre, que des militaires étaient présents au moment de l’attaque et qu’ils avaient effectué des tirs de sommation à l’encontre des véhicules MSF. Nous considérons que tous les éléments dont nous disposons pointent vers une responsabilité de l'armée israélienne dans cette attaque meurtrière.  

+ Vous aviez précédemment déclaré que vous n'étiez pas en mesure d'identifier les auteurs de cette attaque : pourquoi ce changement ? Pourquoi avoir attendu jusqu'à aujourd'hui pour attribuer les attaques aux forces israéliennes ?  

Notre analyse de l'incident a évolué au fur et à mesure que de nouvelles informations devenaient disponibles et que nous étions en mesure de discuter avec nos collègues et de recueillir leurs témoignages, une fois qu'ils ont été évacués vers le sud de Gaza. Dans les jours qui ont suivi l'incident, notre priorité était de nous assurer que nos collègues étaient en sécurité et qu'ils pouvaient être évacués vers le sud, ce qui a pu finalement être fait le 24 novembre. Il a été également difficile d'avoir une communication stable dans le contexte qui prévalait à Gaza avant la trêve du 24 novembre. 

+ Cette tentative d'évacuation a-t-elle été autorisée par les parties au conflit ?  

Les forces israéliennes et le Hamas avaient tous deux autorisé le mouvement d'évacuation. Nous avions également prévenu les forces israéliennes du retour de notre équipe dans la ville de Gaza, car l'évacuation avait été abandonnée. 

+ Pouvez-vous préciser qui sont les deux personnes tuées lors de l'attaque du 18 novembre (dont l'une a succombé à ses blessures quelques jours plus tard) ?  

Ces deux personnes étaient des membres de la famille de notre personnel. Nous déplorons leur perte et présentons à nouveau nos condoléances à leurs proches. L'un d'entre eux, Alaa al Shawa, était également infirmier bénévole au sein des équipes de MSF à l'hôpital Al-Shifa, travaillant aux côtés de nos collègues pour soutenir la population de Gaza à un moment où elle en avait désespérément besoin.  

 

+ Les autorités israéliennes ont accusé l’un des employés de MSF, Fadi Al-Wadiya, d'être impliqué dans des activités militaires à Gaza. Il a été tué par les forces israéliennes le 25 juin. Étiez-vous au courant de son éventuel engagement dans des activités militaires ? 
 

Nous n'avions aucune indication d’une éventuelle implication de Fadi Al-Wadiya dans des activités militaires à Gaza. MSF n'aurait jamais sciemment employé une personne engagée dans des activités de ce type. Tout employé qui serait lié à un groupe armé représente un danger pour notre personnel et nos patients. Partout où nous travaillons, nous demandons aux membres de notre personnel de s'engager à respecter la Charte de MSF, qui inclut le respect des principes humanitaires et de l'éthique médicale.

Bien que nous ayons demandé des éclaircissements aux autorités israéliennes, nous n'avons jusqu'à présent reçu aucune réponse formelle. MSF souhaite que toute la lumière soit faite sur cet assassinat et considère que seule une enquête indépendante permettra d’établir les faits. La frappe qui a tué Fadi Al-Wadiya a également tué cinq autres personnes, dont trois enfants.

La façon dont les autorités israéliennes choisissent de communiquer autour de cet événement met davantage en danger notre personnel et contribue à discréditer les travailleurs médicaux et humanitaires à Gaza et en Cisjordanie. Cinq autres membres du personnel de MSF ont été tués à Gaza depuis le 7 octobre sans qu’aucune réponse formelle ne soit apportée à nos demandes d’explications. Selon les Nations unies, 500 travailleurs de santé ont été tués au cours de la même période.