Depuis le déclenchement du conflit au mois de décembre, au moins 58 personnes ont été tuées dans l’enceinte d’hôpitaux selon l’ONG. Sur la même période, des hôpitaux ont été incendiés ou mis à sac à six reprises au moins. Ces chiffres ne sont pas exhaustifs, puisqu’ils concernent uniquement les incidents survenus dans des zones où MSF intervient et/ou réalise des évaluations médicales.
« Depuis le début du conflit, les niveaux de violence ont atteint des proportions atroces, et les structures de santé n’ont pas été épargnées, affirme Raphaël Gorgeu, chef de mission MSF. Des patients ont été tués dans leur lit et des infrastructures médicales pourtant vitales ont été totalement détruites par des incendies. Ces attaques ont des conséquences désastreuses pour les centaines de milliers de personnes aujourd’hui totalement privées d’accès aux services médicaux. »
Des hôpitaux ont été saccagés dans les villes de Bor, Malakal, Bentiu, Nasir et Leer, généralement lors d’affrontements ou offensives plus vastes. Au-delà des dégâts directs causés par ces actes de violence, les populations affectées se sont retrouvées privées d’accès aux soins au moment où elles en avaient désespérément besoin.
Ainsi, l’hôpital de MSF à Leer, dans le sud de l’Etat d’Unité, a été détruit en même temps que la majeure partie de la ville à la fin janvier-début février. Dans cette zone de 270 000 habitants, il s’agissait de la seule structure de soins de santé capable de réaliser des interventions chirurgicales ou d’assurer une prise en charge pour les malades du sida ou de la tuberculose. Des immeubles entiers ont été réduits en cendres et le matériel nécessaire pour la chirurgie, le stockage des vaccins, les transfusions sanguines et les analyses de laboratoire, a été saccagé et détruit.
En mai, lorsque les habitants sont peu à peu revenus à Leer, MSF a redéployé certaines de ses activités. Ainsi, plus de 1 600 enfants souffrant de malnutrition ont été traités en seulement trois semaines. Toutefois, l’organisation n’est plus en mesure d’assurer l’ensemble des services habituellement proposés, comme les vaccinations de routine et les interventions chirurgicales urgentes.
« Du fait de la crise, nous avons perdu la trace de nombreux patients. Certains sont sans doute morts, faute d’avoir pu poursuivre leur traitement, explique le docteur Muhammed Shoaib, coordinateur médical à MSF. Maintenant que nous sommes de retour, nous ne pouvons proposer que des services très limités. Ainsi, aucune intervention chirurgicale n’est pour l’instant envisageable dans tout le sud de l’Etat d’Unité. »
Au-delà des destructions, les hôpitaux du Soudan du Sud ont été le théâtre de violences meurtrières.
Ainsi, à l’hôpital public de Bor, 14 patients et un membre du personnel soignant du ministère de la Santé ont été abattus lors des attaques de décembre. En février, 14 personnes, dont 11 patients alités, ont été abattues dans l’hôpital universitaire de Malakal. À l’hôpital de Bentiu, au moins 28 personnes ont été tuées au mois d’avril, dont au moins un membre du personnel du ministère de la Santé.
Médecins Sans Frontières a condamné à maintes reprises ces incidents qui ont considérablement nui à sa capacité à offrir une assistance humanitaire au moment où les populations en ont le plus besoin. MSF appelle toutes les parties au conflit à faire en sorte que tous les habitants du Soudan du Sud puissent se faire soigner sans craindre d’être pris pour cible.
Ce rapport fait partie du projet « Medical Care Under Fire » lancé par MSF au Soudan du Sud en novembre 2013. Cette initiative s’inscrit dans un projet plus global visant à mieux comprendre la nature des violences auxquelles est confronté le personnel soignant dans les zones de conflit et à améliorer la sécurité des patients, du personnel médical, et des infrastructures de soins de santé. Au Soudan du Sud, MSF coopère avec les communautés locales, les acteurs médicaux et humanitaires et les autorités locales, nationales et internationales, afin de créer un environnement plus favorable à la délivrance de soins médicaux.