Ebola 10 ans après : quelles évolutions ?

30 000 personnes infectées, plus de 11 300 morts : 10 ans après la plus grande épidémie d’Ebola jamais connue, où en est-on de la lutte contre le virus et qu’est ce qui a changé pour les patients ?

Découvert en 1976 lors de deux flambées épidémiques au Soudan et en République démocratique du Congo (RDC), le virus Ebola est depuis réapparu une vingtaine de fois en Afrique centrale. En décembre 2013, il atteint l’Afrique de l’Ouest, une région jusqu’alors épargnée par la maladie. Le virus Ebola Zaïre (ZEBOV) est isolé en mars 2014, il provoque la plus grande épidémie connue et les systèmes de santé des pays affectés sont rapidement dépassés – d’abord la Guinée, puis le Libéria et la Sierra Leone.

Avec plus de 11 000 décès selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), l’épidémie qui s’étale de 2013 à 2016 fait 25 fois plus de victimes que les précédents épisodes observés ces dernières décennies. Depuis, Ebola a réémergé à plusieurs reprises en RDC, mais aussi en Guinée en 2021 et en Ouganda en 2022.

© MSF
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En 2018, lorsque les équipes de MSF répondent à la dixième épidémie d’Ebola en République démocratique du Congo, elles sont équipées de nouveaux outils, dont deux vaccins et cinq traitements expérimentaux. Les provinces du Nord-Kivu et d’Ituri, déjà durement touchées par des décennies de conflit armé, sont frappées par la pire épidémie que le pays ait connue. En novembre 2018, soit plus de 40 ans après la découverte d’Ebola, le premier essai randomisé contrôlé de quatre traitements a lieu au Nord-Kivu. Les résultats publiés l’année suivante démontrent l'efficacité de deux candidats au traitement d’Ebola.  

Malgré ces avancées, deux tiers des patients atteints du virus décèdent lors de l’épidémie de 2018 et le virus continue de se propager pendant plus de 18 mois.  

Sur le terrain, le changement intervient dans la réponse opérationnelle de MSF : en 2014, dans un climat de peur et d’incompréhension de la part de la population locale, la prise en charge des patients se fait de façon centralisée, dans des centres de traitement de grande taille, fermés, alimentant toutes sortes de rumeurs, avec pour objectif principal de réduire rapidement la propagation du virus. Elle évolue vers une approche décentralisée, dans des centres plus petits à proximité des communautés avec pour objectif le traitement du patient, des co-infections ou des co-morbidités, en attendant la confirmation de son diagnostic.  

© MSF
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Cette approche permet de soigner les patients le plus tôt possible pour améliorer leur chance de survie et éviter qu’ils ne transmettent la maladie avant d’être pris en charge. La possibilité de perfuser les patients et de leur injecter des médicaments, jusqu’alors proscrite à cause du risque d’exposition au virus, permet de les traiter, de les hydrater et de les nourrir.  

La vaccination devient également possible pendant les épidémies avec l’ERVEBO, seul vaccin contre Ebola dont l'utilisation est recommandée pendant une épidémie et administrable en une seule dose. Recommandé pour la vaccination en anneau, c’est-à-dire la vaccination des personnes qui ont été en contact avec une personne positive à Ebola ainsi que leurs contacts, ERVEBO diminue de moitié la mortalité chez les personnes infectées par le virus. 

© MSF
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Aujourd’hui, dix ans après la plus grande épidémie d’Ebola jamais vue, s’il y a eu de réelles avancées sur le plan médical et social, les défis pour lutter contre le virus restent importants. D’une part, les vaccins comme les traitements restent extrêmement coûteux ; d’autre part, l’accès et particulièrement l’accessibilité financière des traitements sont laissés au bon vouloir des entreprises privées qui les détiennent et aux gouvernements nationaux. Les États-Unis ont ainsi constitué leur propre stock d'urgence contre Ebola, qui contient la quasi-totalité des traitements actuellement disponibles mondialement.   

Sur le plan opérationnel, d’autres questions continuent de se poser face à l’imprédictibilité des épidémies : quel espace les gouvernements d’États souverains seront prêts à donner à des acteurs étrangers, dans des pays où Ebola génère de la méfiance de la part de la population ? Combien de doses de vaccins et de médicaments les compagnies pharmaceutiques et les gouvernements qui les détiennent seront-ils prêts à donner ou à vendre ? Et à quel prix ? 

Notes