« Nous avons reçu beaucoup d’hommes, quelques femmes et peu d’enfants. 99% de nos patients ont été victimes de violence : plaies par balle, grenades, plaie par armes blanches, couteaux, machettes.
Après mon arrivée, nous sommes allés à Bouar chercher des patients pour les ramener vers Bangui et les soigner. Il y avait des hommes, beaucoup de Peuls. Des femmes, deux enfants avec des fractures ouvertes. A priori, des civils. Par la suite, je suis resté à l’hôpital communautaire de Bangui où on a reçu des combattants qui présentaient des plaies par balle.
Les quinze premiers jours ont été très durs. On a reçu des gens qui avaient réglé leur compte entre eux, s’étaient entretués à coups de machette. On a vu des gens avec des flèches dans l’épaule, dans le dos, des personnes qu’on avait tenté d’égorger au couteau. Un des patients qui nous a le plus marqué avait été agressé à la machette. Il avait reçu au moins 15 coups de machette, des coups appuyés ayant entrainé une fracture ouverte au-dessus du bras, une au-dessus du coude, une main coupée au 9/10ème qui pendait dans le vide, une épaule entaillée ainsi que la fesse… Cela, on l’imagine, a dû être terrible.
On se dit toujours que dans ces conflits, il y a des morts mais finalement il reste toute une génération de 20 à 30 ans qui aura des grosse séquelles pour la vie. On a eu le cas d’un jeune homme qui a fui les combats à plusieurs reprises et qui a fini par être blessé gravement à Bouar. On a dû l’amputer de son bras droit. C’était l’année de son bac, il n’a pas eu de chance. Aujourd’hui, il essaye d’apprendre à écrire avec sa main gauche.
Cette fois-ci, - c’est la remarque qu’on s’est faite avec mon collègue anesthésiste qui a 10 ans de plus que moi et pas mal de missions avec MSF - on était au cœur de la zone des combats. On n’était pas directement ciblé, pas agressé en tant que MSF mais on était entouré par ces combats. On entendait des tirs la journée, la nuit. Le risque était d’être braqué par des hommes armés ou de recevoir une balle perdue. Certains jours, on a dû se mettre à l’abri et se réfugier dans la pièce sécurisée de l’hôpital et laisser les patients sous la tente. Parfois des gens venaient se réfugier dans le bloc opératoire parce que ça tirait tout près dans la rue devant l’hôpital. On était vraiment au milieu de ce qui se passait et les blessés arrivaient directement dès qu’ils avaient été ramassés.
Le plus difficile c’était l’impossibilité de soigner ou d’être auprès des patients de 18h à 8h du matin à cause du couvre-feu. Tout le monde devait respecter ce couvre-feu, l’hôpital n’était pas trop sécurisé et il pouvait y avoir des incursions de gens armés. Pendant cette période, nos patients sous la tente n’avaient ni soins, ni surveillance. Les malades restaient seuls. C’était très dur. »
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