Venir en aide à la population asphyxiée de Taïz, au Yémen

Au Yémen, le gouvernorat de Taïz et son chef-lieu éponyme sont au cœur d’une lutte acharnée depuis avril 2015. Houthis et partisans de l’ancien Président Ali Abdullah Saleh affrontent des groupes fidèles au Président Abd Rabbo Mansour Hadi soutenus par la coalition militaire menée par l’Arabie saoudite.
Plusieurs centaines de milliers de civils sont pris au piège d’une ville où bombardements, frappes aériennes et balles perdues sont devenus le quotidien. Le centre-ville de Taïz, surnommé « l’enclave » par les habitants, est entouré de forces Houthis et de partisans de l’ancien Président Saleh, auxquels s’oppose une kyrielle de groupes armés, eux-mêmes déchirés par de fréquents affrontements. Les combats entre tous ces acteurs rendent les déplacements des civils dans la zone et l’approvisionnement extrêmement complexes et dangereux.
De part et d’autre des lignes de front, le danger est permanent pour les civils. À Taiz, patients et soignants racontent un quotidien sombre.
« Nous nous apprêtions à déjeuner lorsque c’est arrivé. Tout à coup, il y a eu une grande explosion. Une roquette est entrée par la fenêtre, là où mon grand fils était assis. Sa tête saignait abondamment. Ma fillette de 11 ans était blessée au visage, mon fils de 10 ans au bras, à la jambe et à l’épaule. Quant à ma fille aînée, elle avait une blessure à la main gauche. J’ai eu le bras gauche cassé et quelques plaies à la jambe.
Mon mari a emprunté la voiture des voisins et nous a conduits à l’hôpital le plus proche qui m’a redirigée vers l’hôpital Al Thawra. Avant même qu’on me le dise, je savais que mon fils était mort. Je n’ai pas pu lui dire au revoir ».
Patiente de 42 ans à l’hôpital Al Thawra de Taïz
Seham Ali, 15 ans, a dû quitter son foyer. Elle et sa famille vivent dans un site en construction abandonné.
© 2016 Trygve Thorson/MSF
Près des deux-tiers des habitants de la ville ont été contraints de fuir leur foyer, n’emportant que le strict minimum.
« Avant la guerre, nous vivions en ville dans une petite maison, mais les combats faisaient rage. Désormais, nous vivons dans des tentes que nous avons construites à l’aide de branches et de plantes. Cela fait un an et cinq mois.
Pour trouver de l’eau, il faut marcher des heures. Je pars à 7h du matin et je reviens à la mi-journée. »
Aisha, mère d’un enfant traité pour malnutrition à l’hôpital Mère Enfant de Taïz en octobre 2016
A Taïz, la violence, les nombreuses destructions et les difficultés d’approvisionnement ont profondément affecté le système de santé d’une ville entière où hôpitaux et civils ne bénéficient d’aucune protection. Le jour, les combats empêchent blessés et malades de se rendre dans les hôpitaux. Certains meurent car ils ne peuvent recevoir des soins à temps, bloqués aux checkpoints.
La nuit, le danger augmente encore en raison des frappes indiscriminées. Les blessés doivent parfois attendre le levé du jour, malgré l’urgence. La présence de mines s’ajoute encore au danger et à la complexité des déplacements dans Taïz.
Depuis le début du conflit, les équipes de MSF ont traité plus de 10 700 personnes dans les hopitaux Al Thawra et Al Rawda et leurs observations corroborent les témoignages de la population.
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Des hôpitaux devenus cibles de bombardements, une clinique mobile MSF touchée par une frappe aérienne, des ambulances attaquées ou confisquées… Les services de santé à Taïz sont directement impactés par près de deux années de conflit. « Je ne me sens jamais en sécurité. Il n’y a aucun respect pour les centres de soin, notre hôpital a été bombardé à plusieurs reprises et ces attaques mettent les équipes et les patients en situation de stress », explique un superviseur des urgences d’un hôpital public de Taïz.
La pénurie d’eau et de nourriture et les conditions de vie très difficiles affectent tout particulièrement des populations déjà fragiles comme les femmes enceintes, les nouveau-nés ou les jeunes enfants. A cela vient s’ajouter le non-paiement des salaires de plus d’un million de fonctionnaires à travers le pays depuis août 2016, qui prive un large pan de la population de sa principale source de revenu.
Taïz n’est pas un cas isolé au Yémen. Dans les dix gouvernorats où travaille MSF, nos équipes observent la même réalité : les violences, la pauvreté, les difficultés pour accéder aux produits de première nécessité ainsi qu’à des soins abordables et de qualité affectent chaque jour un peu plus des millions de Yéménites.