À Gaza, les autorités israéliennes utilisent la réduction d’accès à l’eau comme une arme de guerre

Alors que les bombardements et les combats ont repris à Gaza depuis le 18 mars, les autorités israéliennes bloquent également l'accès à l'eau en empêchant l'électricité et le carburant d'entrer dans Gaza. Médecins Sans Frontières (MSF) appelle à restaurer le cessez-le-feu et demande aux autorités israéliennes de rétablir l’accès à l'électricité et de permettre l’acheminement de l'aide, y compris le carburant, l'eau et le matériel sanitaire.
Le manque d’accès à l'eau à Gaza était déjà dramatique en raison des coupures d'électricité et de la destruction des infrastructures par Israël avant le 9 mars, mais il a empiré depuis cette date, lorsque les autorités israéliennes ont à nouveau empêché l'aide d'entrer dans Gaza et coupé l'électricité. La principale usine de dessalement de Khan Younis a réduit sa production de 17 millions à 2,5 millions de litres par jour.
« En coupant l'électricité et en bloquant l'entrée du carburant, les forces israéliennes empêchent le fonctionnement des infrastructures hydrauliques et des pompes à eau, privant ainsi la population de Gaza d'eau », déclare Paula Navarro, coordinatrice des activités d’accès à l'eau et d'assainissement de MSF à Gaza. « Alors que la population endure déjà des bombardements incessants, la souffrance est aggravée par le manque d’eau : beaucoup sont obligés de boire de l'eau insalubre, et d'autres en manquent. »
Si le carburant vient à manquer, le système d'approvisionnement en eau restant à Gaza s'effondrera totalement, privant toute la population d'eau. Cela aura des conséquences catastrophiques sur la santé et les conditions de vie de millions de personnes.
« Le nombre d'enfants souffrant de maladies de la peau est une conséquence directe du blocus et de la destruction de Gaza », explique Chiara Lodi, coordinatrice de l'équipe médicale de MSF à Gaza. De janvier à février 2025, les équipes de MSF ont mené plus de 82 000 consultations de soins de santé primaires, dont près d'un cinquième concernent des infections liées au manque d'accès à l’eau et à l’hygiène. « En plus de soigner les adultes et les enfants gravement blessés par la guerre, notre personnel traite un nombre croissant d'enfants atteints de maladies de la peau évitables, comme la gale. Dans les cas graves, elle amène à se gratter jusqu'au sang, ce qui augmente le risque d’infections. Cela est dû au fait que les enfants ne peuvent pas se laver, ce qui favorise la propagation de la gale et d'autres infections, laissant des cicatrices durables. Donner de la crème à un patient sans pour autant lui donner d’accès à l’eau revient à réparer un bateau qui coule avec du ruban adhésif. »
Avant même la reprise des frappes israéliennes le 18 mars, qui ont mis fin à deux mois de cessez-le-feu, Israël avait à nouveau instauré un blocus total sur l’entrée de l’aide à Gaza. Les efforts humanitaires pour restaurer le système d'approvisionnement en eau étaient déjà fortement retardés par le système de pré-autorisation des articles dits ‘à double usage’ de la part des autorités israéliennes. La plupart du matériel dans le domaine de l'eau et de l'assainissement nécessitent une autorisation préalable ; c’est le cas du chlore, des pièces de rechange essentielles pour les unités de dessalement de l'eau, des générateurs, des pompes de forage et des réservoirs d'eau. De janvier 2024 à début mars 2025, sur les 1 700 articles d'eau et d'assainissement demandés par MSF dans le cadre du système ‘à double usage’, seuls 28% ont été approuvés par les autorités israéliennes. De nombreux articles sont bloqués par les procédures bureaucratiques, les réponses des autorités prenant en moyenne 60 jours, voire plus de 200. Même le matériel approuvé peut encore être refoulé aux postes-frontières. En novembre 2024, les autorités israéliennes ont approuvé l’entrée d’une unité de désalinisation de MSF après 85 jours d'attente. Cependant, malgré des tentatives hebdomadaires depuis le 5 février, l'unité n'est toujours pas entrée à Gaza, car les camions qui la transportaient continuent d'être refoulés à la frontière.
« Les restrictions imposées par les autorités israéliennes ont rendu presque impossible la restauration d'un système d'approvisionnement en eau fonctionnel », déclare Paula Navarro. « La production d'eau dépend de l'énergie, mais les nouveaux générateurs de plus de 30 kilowatts ne sont pas autorisés à entrer dans la bande de Gaza. Nous sommes obligés de récupérer des pièces d'un générateur pour en réparer un autre. »
MSF continue d'appeler les autorités israéliennes à lever le siège de Gaza, à respecter le droit humanitaire international et à garantir un accès immédiat et sans entrave de l'aide dans la bande de Gaza.