L'épidémie de fièvre de Marburg continue de se propager dans la province de Uige en Angola. Le bilan officiel, au 23 avril, est de 239 morts pour 266 cas recensés. Depuis que des tests biologiques réalisés par l'OMS ont confirmé le 22 mars qu'il s'agissait bien de fièvre de Marburg, 159 nouveaux cas ont été identifiés, et 143 patients sont morts.
En dépit de ces chiffres alarmants, les mesures annoncées pour endiguer l'épidémie tardent à se concrétiser sur le terrain. Elle n'ont en tout cas pas permis d'empêcher la propagation de la fièvre de Marburg. Outre la ville de Uige, d'où est partie l'épidémie, l'apparition la semaine dernière de deux nouveaux foyers est particulièrement préoccupante. A Songo, à une heure de route à l'ouest de Uige, 4 cas ont été rapportés. Et à Negage, une demi-heure au sud-est de Uige, on dénombre 3 cas. Dans ces deux localités, les structures de santé sont touchées.
Une maladie contagieuse et mortelle, une épidémie complexe à combattre
La fièvre de Marburg - fièvre hémorragique de la même famille que le virus Ebola - est une maladie mortelle et contagieuse. Enrayer sa propagation requiert une stratégie rigoureuse à de multiples niveaux.
Parce que la fièvre de Marburg se transmet par contact direct avec les fluides corporels des malades, il est indispensable de mettre en place des unités d'isolation pour accueillir ces derniers. Il n'existe pas de traitement spécifique contre ce virus, mais il doivent y bénéficier d'une prise en charge de leurs symptômes (réhydratation, administration d'antalgiques et d'anti-vomitifs, etc.). Depuis le début de la crise, nos équipes ont installé deux unités d'isolation et de traitement, l'une dans l'hôpital de Uige, l'autre au sein de l'hôpital Amerigo Boavida à Luanda (la capitale). A Uige, 23 patients ont déjà été admis. Des unités d'isolation ont également été installées à Negage et Songo, et les mesures de précaution appliquées à Camabatela, où un décès avait été enregistré fin mars.
Moyens humains et logistiques, efforts d'information
Pour limiter les risques de contagion, l'accent doit être mis sur l'identification des cas suspects, la recherche et le suivi des personnes ayant potentiellement été en contact avec des malades - 400 "contacts" ont pour l'instant été dénombré rien que sur Uige, et un peu plus de 500 dans tout le pays. De plus, l'enterrement des victimes de la fièvre de Marburg, qu'elles soient décédées à l'hôpital ou à domicile, doit être assuré dans des conditions sanitaires strictes.
Ces priorités exigent d'importants moyens logistiques et humains. Du matériel de protection (gants, blouses, masques, lunettes, bottes, etc.) est indispensable. Il faut aussi disposer de véhicules pour rechercher, dans les différents quartiers touchés par l'épidémie, les cas suspects, mais aussi pour transporter les patients ou les corps. Du personnel médical et non-médical doit être formé en urgence. Nos volontaires ont assuré la formation de personnel médical angolais et de militaires aux précautions sanitaires strictes à respecter pour garantir leur propre sécurité au contact des malades ou des morts, mais cet effort doit être intensifié.
Ces efforts, pour porter leurs fruits, doivent être appuyés par une politique d'information de la population. Faute d'un travail de sensibilisation suffisant jusqu'à présent, et dans un climat général de peur, nos équipes et celles de l'OMS se sont heurtées à des réactions hostiles lors de visites dans les quartiers de Cadongo et KimaKongo à Uige.
Parce que la stratégie de lutte contre l'épidémie impose d'isoler les patients et d'enterrer les victimes dans des sacs mortuaires, les habitants peuvent avoir le sentiment que les équipes médicales "confisquent" leurs malades et leurs morts. De plus, la très forte mortalité des patients admis dans l'unité d'isolation (seuls deux ont survécu plus de 24 heures) engendre une méfiance.
Du coup, la population refuse parfois de confier les malades et les corps des victimes aux équipes, préférant les garder à domicile, ce qui est un facteur de contamination potentielle préoccupant. Informer la population et faire reculer la peur permettrait des hospitalisations à un stade moins avancé de la maladie et contribuerait sans doute à faire baisser la létalité (proportion des malades qui meurent).
Réorganiser les hôpitaux touchés
Par ailleurs, les hôpitaux touchés doivent être entièrement réorganisés pour éviter tout risque de propagation nosocomiale (c'est-à-dire à l'intérieur même de l'hôpital) de la maladie. Tous les services doivent être désinfectés et un pavillon d'isolation mis en place. Le triage des patients qui se présentent doit être renforcé pour isoler les cas suspects et ne pas mélanger les personnes atteintes de fièvre de Marburg avec celles souffrant d'autres pathologies. Les mesures de précaution doivent bien entendu être appliquées dans tout l'hôpital. Cela passe par le port des équipements de protection mais aussi par la suspension de toutes interventions invasives (opérations chirurgicales, examens de laboratoires, injections intraveineuses et intramusculaires, etc.), hormis celles indispensables pour sauver la vie des patients (chirurgie d'urgence, césariennes, etc.) qui doivent être conduites dans des conditions sanitaires strictes.
Une réponse encore insuffisante
Pour l'heure, nos efforts et ceux déployés au niveau national comme international restent insuffisants compte tenu de la gravité de la situation. Les autorités angolaises doivent impérativement prendre la mesure de l'épidémie. Sans mesures fortes de prise en charge des malades et de protection de la population, la fièvre de Marburg continuera de se propager en Angola.