D’où est venue l’idée de ce programme ?
Depuis quelques années, nous cherchions le moyen de venir en aide à la population irakienne, dans un contexte qui ne nous permettait pas d'intervenir directement dans ce pays soumis à la violence, et où les organisations internationales sont ciblées. Nous nous sommes installés en Jordanie, où nous avons mis en place il y a un an un projet de chirurgie réparatrice, à destination des irakiens gravement blessés.
Une fois reçus les premiers soins d'urgence, la plupart d'entre eux sont en effet livrés à eux-mêmes, et quittent l'hôpital faute de pouvoir bénéficier d'opérations chirurgicales pourtant indispensables à leur rétablissement. C'est la raison pour laquelle nous avons pris contact avec des médecins qui travaillent toujours en Irak, malgré les menaces dont ils font l'objet. Ceux-ci nous envoient régulièrement les dossiers de patients qui ne peuvent être correctement soignés en Irak, et qui continuent de souffrir depuis parfois plusieurs années.
L'autre volet du projet consiste à fournir du matériel et des médicaments à différents hôpitaux de Bagdad, afin de les aider à faire face à l'afflux des blessés.
Quelles sont les difficultés que nous avons rencontrées ?
Il nous fallait faire connaître ce programme auprès de nos collègues médecins en Irak, tout en gagnant leur confiance. En ce sens, la réussite de nos opérations chirurgicales et la satisfaction des patients de retour en Irak constituent la meilleure publicité qui soit. Il fallait aussi vaincre les réticences des autorités jordaniennes pour permettre aux patients de franchir la frontière.
Si nous sommes aujourd'hui sur la bonne voie, c'est un effort que nous devons maintenir en permanence. Mais avant tout, Il fallait s'assurer d'un plateau technique et d'un dispositif permettant de prendre en charge avec succès des victimes gravement blessées. Les blessures des patients que nous recevons à Amman sont en effet très complexes. Elles nécessitent souvent plusieurs interventions, plusieurs mois de séjour à Amman, et des ressources humaines conséquentes pour aider les patients au quotidien.
Entre les actes chirurgicaux et la réhabilitation des patients, c'est tout un arsenal de soins qu'il fallait mettre en place. En ce sens le pari est gagné.
Quel premier bilan tires-tu après plus d’un an d’activités à Amman ?
A la fin du mois de septembre 2007, ce projet a accueilli plus de 280 patients nécessitant une ou plusieurs opérations de chirurgie réparatrice, orthopédique, maxillo-faciale ou plastique. Deux chiffres témoignent de la complexité des blessures auxquelles font face les personnels soignants : 544 interventions pratiquées à ce jour, pour un total de 1450 heures d'opérations chirurgicales menées par les chirurgiens. Nos capacités nous permettent néanmoins d'accueillir davantage de patients, et nous travaillons en ce sens auprès des autorités jordaniennes, avec des résultats encourageants.
Nous tentons aussi d'améliorer les soins prodigués aux blessés, en essayant d'atténuer leur douleur psychique, en augmentant le nombre de kinésithérapeutes, ou encore en portant une attention particulière aux nombreuses infections, dues à une mauvaise prise en charge dans les hôpitaux irakiens. Suite à la demande d'un certain nombre de nos collègues toujours présents en Irak, nous avons également prévu d'organiser des sessions de formation à Amman, afin de les aider à mieux répondre aux urgences dans les hôpitaux.
Mais après un an d'activités, si je ne devais retenir qu'une chose, c'est la réussite de ces opérations chirurgicales très complexes et le soulagement des familles des patients qui, une fois rentrés en Irak, peuvent à nouveau accomplir les gestes simples de la vie quotidienne : manger, se laver, ou encore marcher de façon autonome. Un dernier chiffre témoigne de cette réussite : aujourd'hui, grâce à la confiance de nos collègues irakiens et au bouche à oreilles, 250 patients irakiens figurent sur une liste d'attente, dans l'espoir de franchir la frontière et de venir se faire soigner dans ce programme.