La maman n'est pas présente. Elle était enceinte de 5 mois, elle a
respiré du gaz toxique lors de l'incursion, elle a dû avorter à
l'hôpital car le bébé avait des séquelles irréversibles.
La famille dormait, il était 2h45 quand le bulldozer a défoncé la porte d'entrée de leur maison. La grand-mère a crié "On a des enfants !".
Les soldats sont arrivés, ils ont fait sortir tout le monde. Ils
s'étaient trompés de maison, c'était celle d'à côté qu'ils visaient...
Les enfants pleuraient, ils avaient peur des chiens des soldats qui
aboyaient très fort. A 07h00 ils sont partis, les deux maisons, la leur
et celle du voisin, étaient par terre.
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Maisons détruites dans la bande de Gaza.
"Que peut-on faire contre la peur ? Comment soigner ? Si la route était ouverte, je l'emmènerais à la mer.
La dernière fois que j'ai essayé il y avait un char sur la route, il était terrorisé."
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Depuis, le plus jeune des garçons, M., s'est isolé. Ils se réveille la
nuit en hurlant. Il a des poussées de fièvre, il n'ose plus jouer dans
la rue. D'après son père cela ne lui ressemble pas, M. était un enfant
actif, dynamique, courageux. Mais là il est inquiet, son fils maigrit,
il ne mange plus. Ils l'ont emmené faire des analyses qui n'ont rien
révélé. Dans la rue, il longe les murs. Avant quand ils entendaient les
tirs, ses parents lui disaient que c'étaient des chasseurs qui tiraient
les oiseaux, mais maintenant il sait, il leur réplique "Vous êtes des menteurs !".
(Bénédicte
sort des papiers et des crayons, c'est l'heure du dessin. M.
s'intéresse d'avantage aux jouets. Il reste en retrait des autres
enfants. Et, profitant que personne ne le regarde, commence à jouer)
Le père demande "que
peut-on faire contre la peur ? Comment soigner ? Si la route était
ouverte, je l'emmènerais à la mer. La dernière fois que j'ai essayé il
y avait un char sur la route, il était terrorisé."
Il travaillait en Israël, mais depuis la 2ème Intifada il est au chômage : "J'ai
envie de donner plein de choses à mes enfants, mais je n'ai pas
d'argent... je le vis très mal, peut-être que c'est moi qui ai besoin
d'un psy ?"
Bénédicte regarde les dessins des frères de M.
Sur l'un d'entre eux, il y a un monstre avec des pieds crantés, il
coupe un olivier avec une pince géante. Comme ils ont perdu tous leurs
jouets avec la maison, Bénédicte leur propose de choisir parmi les
figurines d'animaux en plastique.
Quand nous repartons, M. a un timide sourire aux lèvres, lui a choisi le tigre.