Un an après le Tsunami, quel bilan tirer des opérations de MSF auprès des personnes touchées par cette catastrophe ?
Le tsunami du 26 décembre 2004 a fait près de 300 000 morts dans une dizaine de pays et provoqué des destructions importantes le long du littoral. C'est donc une catastrophe naturelle de très grande ampleur. Nous avons mené des évaluations et des interventions ponctuelles en Thaïlande, en Inde, en Birmanie et en Malaisie. Mais c'est en Indonésie et au Sri Lanka, pays les plus touchés, que nous avons concentré nos opérations. En renfort de la mobilisation locale et internationale, nous avons déployé des secours médicaux (consultations médicales, soins infirmiers, chirurgie, soins psychologiques, vaccination), distribué des biens de première nécessité (tentes, couvertures, etc.) et assuré un approvisionnement en eau.
Assez rapidement, les besoins vitaux des personnes sinistrées ont été couverts. Les blessés graves étaient pris en charge et aucune épidémie majeure n'est survenue. Dès lors, la problématique se réorientait vers la reconstruction, ce qui n'est pas au coeur de notre mission. Nous avons donc progressivement réduit nos activités liées aux conséquences du tsunami. Nous avons quitté le Sri Lanka à la fin du mois d'avril. En Indonésie, nous sommes encore présents dans six districts de la province d'Aceh, mais prévoyons de diminuer nos projets au cours des prochains mois. Au total, dans les pays touchés par la catastrophe, nous avions dépensé 22 millions d'euros fin octobre.
Quelles sommes MSF a-t-elle collectées en faveur des victimes du tsunami, et comment cet argent a-t-il été utilisé ?
Le Tsunami a déclenché un élan de générosité sans précédent. En quelques semaines, l'ensemble du mouvement international MSF a reçu 110 millions d'euros. Cette somme représente plus du tiers de la collecte annuelle internationale. Les donateurs français ont contribué à hauteur de 10,3 millions d'euros.
Dès le 3 janvier 2005, constatant que les sommes reçues dépassaient notre budget opérationnel dans les zones touchées, nous avons annoncé l'arrêt de la collecte de MSF en faveur des victimes du Tsunami. Afin de réorienter les sommes collectées en excédent vers d'autres urgences, nous avons alors demandé à nos donateurs l'autorisation de réaffecter leurs dons. Seuls 1% ont refusé et demandé à être remboursés. Cette confiance massive de la part des personnes qui nous soutiennent nous a permis de déployer des secours de grande ampleur sur d'autres terrains d'urgence, comme la crise nutritionnelle au Niger et le tremblement de terre au Pakistan. En 2005, la seule section française de MSF a doublé ses activités sur des terrains de crise aiguë, là où des vies sont particulièrement en danger. En 2005, nous avons consacré 33 millions d'euros aux urgences contre 16 millions en 2004.
Aujourd'hui, un an après, 80% des sommes collectées au niveau international ont été effectivement dépensées. Un cinquième de l'argent a été utilisé en faveur des victimes du Tsunami, et trois cinquièmes pour d'autres crises. En 2006, il nous restera 20% des sommes collectées à dépenser sur des urgences, des crises oubliées.
MSF aurait-elle pu dépenser plus pour les victimes du Tsunami ?
Nos programmes ne sont pas établis en fonction des sommes que nous recevons mais bien en fonction des besoins évalués par nos équipes sur le terrain et de ce que nous estimons être la valeur ajoutée de notre action.
Au Niger, dès le début de l'année, nous avons constaté que le nombre d'admissions d'enfants dans notre centre nutritionnel de Maradi triplait par rapport à l'année précédente, et qu'il fallait déployer des opérations massives pour éviter la mort de dizaines de milliers d'enfants à très court terme, ouvrir de nouveaux centres nutritionnels, distribuer de la nourriture. Or jusqu'au milieu de l'été, le Niger est resté une crise négligée par les médias et la plupart des organisations d'aide. Au total, nos équipes ont soigné plus de 50.000 enfants souffrant de malnutrition sévère.
Au Pakistan, les maisons et les structures de santé ont été très endommagées dans toute la zone dévastée par le séisme du 8 octobre. Pour soigner les très nombreux blessés graves et fournir des abris aux personnes affectées, nous avons là aussi jugé nécessaire de déployer des secours importants. Fournir des soins d'urgence, mettre en place une structure chirurgicale dans une zone dévastée... Là, nous savons que notre action aura un effet direct sur la survie de groupes de populations particulièrement vulnérables.
Dans les pays touchés par le Tsunami, la phase d'urgence passée, nous n'avons pas participé aux opérations de reconstruction. Cela n'est pas notre métier mais relève de la responsabilité des Etats et des financements publics internationaux. Le rôle des ONG dans ce processus est par définition marginal en comparaison des moyens étatiques. Nous n'avons ni les compétences nécessaires, ni les ressources adaptées. On nous demande souvent pourquoi nous n'avons pas sous-traité à d'autres organisations : d'une manière générale, nous ne le faisons pas car nous nous sommes engagés auprès de nos donateurs à leur rendre des comptes précis sur l'utilisation de l'argent qu'ils nous confient. MSF n'est pas une agence de financement.
Cela dit, avec 22 millions d'euros dépensés, nos programmes dans les pays touchés par le Tsunami ont été de grande envergure. Au-delà, nos activités n'auraient pas eu beaucoup de valeur ajoutée pour les populations.
Dossier spécial TsunamiPour plus d'informations sur les différentes actions menées par MSF lors de cette catastrophye, consultez notre dossier spécial Tsunami.