Gaza : soigner les grands brulés dans un système de santé en ruines

Tayseer Mansour, 17 ans, soigné par les équipes de MSF à l'hôpital Nasser de Khan Younis, à Gaza. Avril 2025 ©MSF
Tayseer Mansour, 17 ans, soigné par les équipes de MSF à l'hôpital Nasser de Khan Younis, à Gaza. Avril 2025 © MSF

Depuis la reprise des hostilités par les forces israéliennes le 18 mars, les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) à Gaza constatent une hausse alarmante du nombre de patients brûlés, en majorité des enfants. Après plus de 19 mois d'attaques israéliennes ayant dévasté le système de santé de Gaza, les options de soins pour les patients souffrant de brûlures sont extrêmement limitées. Le siège de Gaza imposé par les autorités israéliennes depuis 50 jours bloque l'accès à l'aide humanitaire, aux biens essentiels et aux médicaments, dont les antidouleurs, laissant de nombreux patients exposés à une douleur intense, sans réel soulagement.

En août 2024, Tayseer Mansour, 17 ans, a été gravement brûlé sur tout le corps lors d'une frappe israélienne qui a touché sa maison, tuant sa mère et blessant son père et ses frères. Il est soigné par les équipes de MSF à l'hôpital Nasser de Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza. « J'ai été brûlé au troisième degré, cela fait 150 jours que je suis hospitalisé. Je ne peux plus bouger mes mains, c'est très douloureux », explique Mansour. « Je ne peux plus faire grand-chose en autonomie, je ne peux même plus manger seul. »  

Une brûlure provoque une longue souffrance, et c'est encore plus le cas dans la bande de Gaza, en Palestine. De nombreuses personnes souffrent de grandes brûlures, certaines couvrant jusqu'à 40% de la surface corporelle. Elles sont dues principalement aux bombardements ou à des modes de cuissons improvisés. 

En avril, dans la clinique gérée par MSF dans la ville de Gaza, dans le nord de la bande, les équipes MSF ont reçu en moyenne plus de 100 patients brûlés par jour. À l'hôpital Nasser, le plus grand hôpital encore en activité à Gaza, les équipes MSF prennent en charge les grands brûlés. Depuis mai 2024, elles ont effectué plus de 1 000 opérations chirurgicales sur des patients brûlés, dont 70 % étaient des enfants, principalement âgés de moins de cinq ans. Ces enfants ont été brûlés par des explosions de bombes, ainsi que par de l'eau bouillante ou du combustible utilisé pour cuisiner ou se chauffer dans des abris de fortune. 

Les brûlures graves nécessitent des soins complexes sur le long terme : interventions chirurgicales répétées, changement quotidien des pansements, physiothérapie, prise en charge de la douleur, soutien psychologique, le tout dans un environnement stérile pour prévenir les infections. Mais après 50 jours de blocus à Gaza, les équipes de MSF sont à court d'analgésiques de base, ce qui prive les patients d'un soulagement contre la douleur. Dans le même temps, seuls quelques chirurgiens à Gaza ont encore la capacité de prendre en charge des soins complexes de brûlures et de chirurgie plastique. 

« Les enfants hurlent de douleur lorsque nous sommes obligés de retirer de leur peau les tissus morts à cause des brûlures », explique le Dr Ahmad Abu Warda, responsable de l'activité médicale de MSF à l'hôpital Nasser. « Ils nous supplient d'arrêter, mais si nous n'enlevons pas les tissus morts, le risque d’infection ou de cancer de la peau s’aggrave. » 

Les grands brûlés ont besoin d'un niveau élevé de soins, mais ils ont également besoin du double de calories quotidiennes pour guérir correctement. Cependant, aucune denrée alimentaire n'entre à Gaza depuis le 2 mars, les patients reçoivent donc des quantités insuffisantes de nourriture, ce qui compromet leur rétablissement. 

« Les conditions de vie à Gaza sont extrêmement difficiles. Il n'y a pas d'aliments sains, de viande ou de nutrition appropriée », explique Mansour. Un chirurgien de MSF explique, « Mansour est à l'hôpital depuis huit mois. Dans des conditions de soin normales, il aurait guéri en 3 mois. Mais sans nourritures, sans antidouleurs ni eau potable, il enchaine les échecs de greffe et les infections ». 

Depuis décembre 2024, les équipes de MSF à Gaza ont réalisé plus de 6 500 pansements pour brûlures, notamment à la clinique de Gaza, à l’hôpital de campagne de Deir al-Balah et à l’hôpital Nasser. Pourtant, près de la moitié des patients ne reviennent pas pour les soins de suivi. Selon l’OCHA, au 24 avril, plus de la moitié des structures de santé encore en activité se trouvent dans des zones sous ordre d’évacuation, rendant les soins de santé presque inaccessibles aux patients et au personnel médical. 

Notes

    À lire aussi