Depuis
des mois, chacun s'efforce de trouver de quoi manger, malgré les
greniers à mil pratiquement vides. Face à la disette, les habitants
déploient des stratégies de survie qui permettent aux adultes de se
procurer le minimum vital mais sont souvent insuffisantes pour couvrir
besoins des enfants en pleine croissance.
Cadun Cadun,
en langue haoussa, veut dire "un peu, un peu". C'est une expression
qu'on entend très souvent. Le mil a atteint un prix très élevé et les
familles les plus démunies ne peuvent plus acheter cet aliment de base
qu'en très petites quantités, par tasse, pour des familles de huit
personnes en moyenne. Sur le marché de Maradi, les petits vendeurs
essaient de gagner trois sous en proposant des herbes pour nourrir le
bétail, des feuilles cuites roulées en boule, des cartons, des boîtes
de conserves et des bouteilles vides ou encore des pots en terre cuite.
Une femme se tient dans un coin auprès de ses enfants. Elle a posée
devant elle trois bols de bois creusé. Plus loin, les cartons vides des
aliments thérapeutiques utilisés par MSF pour soigner les enfants qui
souffrent de malnutrition sévère sont vendus 15 francs CFA (deux
centimes d'euro).
La plupart des gens travaillent aux champs,
c'est la saison des pluies et le mil commence à pousser. Un peu partout
des touffes vertes surgissent de terre, y compris en pleine ville ou
aux confins du désert. En octobre, les récoltes permettront – mais pour
combien de temps ? – de remplir à nouveau les estomacs et les greniers.
En attendant, on peut voir des femmes et des enfants ramasser des
herbes, cueillir des feuilles et des baies.
A bout de forces
Dans un village de brousse à trois jours de marche au nord de Dakoro,
le commerce s'est raréfié et la terre est trop sèche pour cultiver. Les
éleveurs vendent leurs bêtes pour acheter du mil. Mais cette année de
nombreux animaux sont morts de faim et ceux qui restent n'ont que la
peau sur les os. Sur le marché, ils ne valent presque plus rien. Le
long de la piste qui mène à ce village, Bermo, une quinzaine de
cadavres de vaches, d'ânes ou de chèvres commencent à pourrir. Un
Touareg qui remonte vers le nord avec sa famille ne cache pas son
désespoir. Il dit qu'il a perdu tout son troupeau, ce qui semble
exagéré puisque des vaches cheminent devant lui. Mais elles sont à bout
de forces. Une vache s'écroule et toute la famille tire sur les cornes
et pousse sur la croupe pour parvenir à la relever.
Pas une seule distribution gratuite
Sur la place du village, des dizaines d'hommes et de femmes se sont
rassemblés, ils tiennent des sacs ou des gamelles vides. Des Européens
sont arrivés dans le village et toute la population a accouru, dans
l'espoir d'une distribution de nourriture. Les villageois repartent les
mains vides, l'espoir a été bref. Ici, il n'y a pas eu une seule
distribution de nourriture gratuite. Le maire du village ne sait plus
quoi faire : il n'a plus de stocks pour poursuivre les ventes de mil à
prix modéré, soit deux fois moins cher que le prix du marché.
Ramatou
a eu de la chance : elle a profité de la dernière vente, il y a quatre
jours. En pilant du mil pour en faire de la farine, elle avait gagné un
peu d'argent et a pu s'acheter cinq tasses. Pendant quatre jours, elle
a pu cuisiner deux repas par jour pour ses trois enfants. Mais quand on
lui demande si elle a de quoi les nourrir, elle répond : "pas
toujours".
Solidarité locale
"Ce soir on ne mange pas, demain matin, un peu de riz", raconte une
autre mère de famille dans ce village. En plus de ses cinq enfants
vivants, elle nourrit ses deux petits-enfants depuis la mort de son
gendre. A 35 ans cette jeune femme qui a donné naissance à sept enfants
explique que son corps est fatigué. "Je suis devenue comme un enfant,
je ne suis pas en état de travailler, je suis là du matin au soir et je
ne sais pas quoi faire pour sortir de cette situation." Elle n'a reçu
aucune aide. Acheter le mil à prix modéré est impossible pour elle,
faute d'argent. Comment fait-elle pour manger ? "C'est Dieu".
"Ceux
qui ont le peu aident ceux qui n'ont rien", explique celui qu'on
appelle le docteur dans le village. Alors que la mobilisation
internationale n'a débuté qu'en juillet, c'est la charité au sein des
villages qui a permis à des familles de manger, une fois par jour, un
peu de mil ou de riz.