Cadun cadun - Comment les villageois font face à la disette

Des dizaines de milliers d'enfants sont malnutris au Niger. MSF
distribue des rations alimentaires aux familles des enfants admis dans
les programmes de prise en charge de la malnutrition sévère et, au sud
de Maradi, aux familles des enfants malnutris modérés. D'autres acteurs
humanitaires débutent leurs opérations d'aide. Mi-juillet, des villages
très vulnérables n'ont pas encore reçu la moindre aide alimentaire
gratuite.


Depuis des mois, chacun s'efforce de trouver de quoi manger, malgré les greniers à mil pratiquement vides. Face à la disette, les habitants déploient des stratégies de survie qui permettent aux adultes de se procurer le minimum vital mais sont souvent insuffisantes pour couvrir besoins des enfants en pleine croissance.

Cadun Cadun, en langue haoussa, veut dire "un peu, un peu". C'est une expression qu'on entend très souvent. Le mil a atteint un prix très élevé et les familles les plus démunies ne peuvent plus acheter cet aliment de base qu'en très petites quantités, par tasse, pour des familles de huit personnes en moyenne. Sur le marché de Maradi, les petits vendeurs essaient de gagner trois sous en proposant des herbes pour nourrir le bétail, des feuilles cuites roulées en boule, des cartons, des boîtes de conserves et des bouteilles vides ou encore des pots en terre cuite. Une femme se tient dans un coin auprès de ses enfants. Elle a posée devant elle trois bols de bois creusé. Plus loin, les cartons vides des aliments thérapeutiques utilisés par MSF pour soigner les enfants qui souffrent de malnutrition sévère sont vendus 15 francs CFA (deux centimes d'euro).

La plupart des gens travaillent aux champs, c'est la saison des pluies et le mil commence à pousser. Un peu partout des touffes vertes surgissent de terre, y compris en pleine ville ou aux confins du désert. En octobre, les récoltes permettront – mais pour combien de temps ? – de remplir à nouveau les estomacs et les greniers. En attendant, on peut voir des femmes et des enfants ramasser des herbes, cueillir des feuilles et des baies.

A bout de forces
Dans un village de brousse à trois jours de marche au nord de Dakoro, le commerce s'est raréfié et la terre est trop sèche pour cultiver. Les éleveurs vendent leurs bêtes pour acheter du mil. Mais cette année de nombreux animaux sont morts de faim et ceux qui restent n'ont que la peau sur les os. Sur le marché, ils ne valent presque plus rien. Le long de la piste qui mène à ce village, Bermo, une quinzaine de cadavres de vaches, d'ânes ou de chèvres commencent à pourrir. Un Touareg qui remonte vers le nord avec sa famille ne cache pas son désespoir. Il dit qu'il a perdu tout son troupeau, ce qui semble exagéré puisque des vaches cheminent devant lui. Mais elles sont à bout de forces. Une vache s'écroule et toute la famille tire sur les cornes et pousse sur la croupe pour parvenir à la relever.

Pas une seule distribution gratuite
Sur la place du village, des dizaines d'hommes et de femmes se sont rassemblés, ils tiennent des sacs ou des gamelles vides. Des Européens sont arrivés dans le village et toute la population a accouru, dans l'espoir d'une distribution de nourriture. Les villageois repartent les mains vides, l'espoir a été bref. Ici, il n'y a pas eu une seule distribution de nourriture gratuite. Le maire du village ne sait plus quoi faire : il n'a plus de stocks pour poursuivre les ventes de mil à prix modéré, soit deux fois moins cher que le prix du marché.

Ramatou a eu de la chance : elle a profité de la dernière vente, il y a quatre jours. En pilant du mil pour en faire de la farine, elle avait gagné un peu d'argent et a pu s'acheter cinq tasses. Pendant quatre jours, elle a pu cuisiner deux repas par jour pour ses trois enfants. Mais quand on lui demande si elle a de quoi les nourrir, elle répond : "pas toujours".

Solidarité locale
"Ce soir on ne mange pas, demain matin, un peu de riz", raconte une autre mère de famille dans ce village. En plus de ses cinq enfants vivants, elle nourrit ses deux petits-enfants depuis la mort de son gendre. A 35 ans cette jeune femme qui a donné naissance à sept enfants explique que son corps est fatigué. "Je suis devenue comme un enfant, je ne suis pas en état de travailler, je suis là du matin au soir et je ne sais pas quoi faire pour sortir de cette situation." Elle n'a reçu aucune aide. Acheter le mil à prix modéré est impossible pour elle, faute d'argent. Comment fait-elle pour manger ? "C'est Dieu".

"Ceux qui ont le peu aident ceux qui n'ont rien", explique celui qu'on appelle le docteur dans le village. Alors que la mobilisation internationale n'a débuté qu'en juillet, c'est la charité au sein des villages qui a permis à des familles de manger, une fois par jour, un peu de mil ou de riz.

Notes

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