Chan est un "vieux" patient de l'hôpital AKS. Il n'a que 41 ans, il a été hospitalisé plusieurs fois mais il est le premier à avoir été mis sous traitement antirétroviral par MSF. Tout en suivant son traitement scrupuleusement, il travaille. Il a même deux emplois pour pouvoir faire face aux besoins de sa famille.
Ce jour-là, Chan n'avait pas rendez-vous pour une consultation Mais il n'a pas hésité à venir, après sa journée de travail, à l'hôpital de l'Amitié khméro-soviétique quand Sopha, éducatrice thérapeutique à MSF pour le programme sida, lui a demandé d'apporter son témoignage. Car Chan a marqué l'histoire de la prise en charge du VIH/sida à Phnom Penh. Il est le premier patient que MSF a mis sous traitement antirétroviral à l'hôpital de l'Amitié khméro-soviétique qui s'appelait alors hôpital Norodom Sihanouk. C'était en juin 2001, MSF innovait au Cambodge en introduisant les antirétroviraux qui n'étaient pas encore disponibles dans le système de santé publique.
Depuis le temps, Chan connaît bien l'hôpital de l'Amitié khméro-soviétique. Il vient régulièrement en consultation au service des Maladies infectieuses. A plusieurs reprises, il y a été soigné par les équipes MSF. Mais il se souvient surtout de la première fois où il a été hospitalisé. « Je ne pouvais pas respirer normalement, j'ai été sous oxygène pendant un mois et demi. Et il y avait beaucoup de décès parmi les patients VIH, parfois trois à quatre dans la nuit. » Chan, lui, est toujours là. « Ma santé est fragile. J'ai un rhume quand le temps change et je suis allergique à la poussière, explique-t-il, avec de grands mouvements de bras. Mais je me soigne bien quand j'ai une maladie. »
A 41 ans, ce fonctionnaire de police a appris à lutter contre la maladie et il a compris qu'il y avait deux catégories de patients VIH. « Quand ça va mieux, dit-il, certains tiennent à conserver leur bonne santé, tandis que d'autres se mettent à négliger leur santé. » De toute évidence, Chan fait partie de la première catégorie. Il prend toujours son traitement à l'heure dite. Avant il se servait d'un réveil, maintenant que la technologie est passée par là, il utilise son téléphone portable. Et à sept heures tous les matins, il fait un tour près de sa maison et prend ses médicaments.
Ses journées sont ensuite bien remplies. Pour faire vivre sa famille et financer les études à l'université de son jeune frère, il a deux emplois : à la police et dans le service financier d'une entreprise privée. « Mais, précise-t-il, je ne travaille dans la société privée que quand mon état de santé est normal. Ma séropositivité est un secret, s'ils le savaient, je perdrais mon travail, c'est sûr. »
En revanche ses collègues de la police sont au courant, de même que ses amis proches et ses voisins. Quand il est gravement malade, il doit s'absenter pour aller à l'hôpital. Alors sa famille ou ses voisins s'occupent de lui. Mais Chan n'est pas en reste, il aide d'autres malades. « J'ai amené à l'hôpital un patient qui refusait de venir se faire soigner. Il avait honte. Jusqu'à aujourd'hui, il est en vie et il travaille. »
Il n'en reste pas moins difficile parfois d'accepter la maladie et les renoncements que cela implique. Il y a quinze ans de cela, Chan voulait se marier et avait fait une analyse de sang pour vérifier que tout allait bien. C'est alors qu'il avait découvert sa séropositivité. Depuis il n'est plus question pour lui de fonder une famille.