Chine - Avec les enfants en situation difficile

En mars 2001, nous avons ouvert dans la ville de Baoji un centre
d'accueil pour enfants en situation difficile. Depuis, près de 300
enfants sont passés par ce projet pilote pour tenter de se construire
un avenir plus stable.

Liu Kun a les rêves habituels d'une jeune fille de 17 ans : se marier, avoir des enfants, trouver un travail. Mais son parcours (lire son histoire) n'a rien de classique. Abandonnée par ses parents, élevée par son grand-père, l'adolescente a dû se débrouiller seule à la mort de ce dernier. Une année durant, elle a travaillé de force dans une usine clandestine de pilules d'ecstasy, avant de "saisir sa chance" et prendre la fuite. Après quelques mois d'errance, Liu Kun est arrivée dans notre centre pour enfants en situation difficile de Baoji, ville au centre de la Chine.

Ouvert en mars 2001, en collaboration avec le Bureau des Affaires Civiles chinoises, ce lieu veut offrir aux enfants des rues un environnement stable et propice à leur reconstruction (hébergement temporaire, soins médicaux et psychologiques, scolarisation...). Trois volontaires expatriés (un médecin, un psychiatre et une éducatrice spécialisée) et treize employés chinois (une infirmière, sept éducateurs, deux professeurs et trois travailleurs sociaux) se consacrent à ce projet pilote en Chine, pour introduire une nouvelle approche de l'aide à ces enfants marginalisés, ainsi que de nouvelles méthodes d'éducation.

Enfants abandonnés, enfants fugueurs, orphelins...

Le phénomène des enfants des rues est un réel problème en Chine. Chaque année, 150.000 "actes de vagabondage" concernant des enfants de moins de 16 ans sont recensés. Seuls ou en bandes, ils mendient ou bien ramassent des bouteilles en plastique qu'ils revendent au poids pour un prix dérisoire. La faim, le froid et le rejet sont leur quotidien.

Orphelins comme Liu Kun, enfants abandonnés comme Dong Yu (lire son histoire), enfants "perdus" dans le tumulte d'un quai de gare, rejetés après un divorce, bouche de trop à nourrir, handicapés... Certains sont vendus, d'autres donnés, d'autres encore ont fugué pour échapper à des maltraitances et des abus. Parce que Baoji, dans la province du Shaanxi, est un noeud ferroviaire important, beaucoup échouent là après parfois plus de 40 heures de train.
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Le centre MSF pour enfants des rues à Baoji.
33 filles et garçons de 8 à 17 ans, y vivent actuellement. Depuis l'ouverture du centre en 2001, plus de 300 enfants y ont fait étape.
© MSF

Quelques-uns, raflés par la police ou déposés par des inconnus, arrivent dans notre centre. Chaque semaine, en moyenne un enfant est amené aux équipes. Il n'est pas obligé de rester. Certains, échaudés par leur expérience des institutions pour enfants, préfèrent encore retourner dans la rue. Mais depuis l'ouverture du centre, près de 300 enfants ont choisi d'y faire étape. Actuellement, ils sont 33 à y vivre, filles et garçons âgés de 8 à 17 ans.

Soigner les bleus au corps et à l'Âme et prÉparer l'avenir

"A leur arrivée au centre, beaucoup d'enfants sont blessés, ont des lésions dermatologiques, la gale, portent des marques de brûlures ou encore des cicatrices, raconte Rong, l'infirmière du centre. Certains sont très petits pour leur âge, à cause de carences alimentaires. Je les emmène tous à l'hôpital, pour un examen complet : remise à jour des vaccinations, analyses, etc". Drames familiaux et dureté du monde de la rue ont parfois aussi fragilisé leur équilibre psychologique (lire l'entretien avec Françoise, pédopsychiatre à Baoji).

Après ces premiers soins, physiques et psychologiques, la partie sociale du travail peut commencer. Lorsque cela est possible, le centre aide les enfants à retrouver leur famille et à renouer le dialogue. Pour qu'à terme ils puissent retourner vivre avec leurs proches dans les meilleures conditions possibles. Le centre n'a pas vocation à être une solution durable, mais plutôt une alternative temporaire à la vie dans la rue.

Vaincre un tabou, changer l'approche éducative

"En Chine, un tabou très fort pèse encore sur la maltraitance des enfants et les problèmes familiaux et il n'existe pas de structures d'aide aux enfants des rues, marginalisés et en danger. Le centre est une initiative pilote, pour tenter d'introduire un regard nouveau sur les enfants des rues, une approche nouvelle. Il nous a fallu du temps pour former le personnel éducatif chinois, mais ça avance", explique François, éducateur spécialisé. "J'ai appris beaucoup sur la psychologie des enfants, mon regard sur eux a changé", reconnaît Wei, éducateur. "Notre travail, c'est d'aider ces enfants dans leur réinsertion", explique Bao Feng, travailleur social. En trois ans, plus de 110 enfants ont pu retourner dans leur famille et, parmi les plus âgés, une dizaine ont trouvé du travail. "Le centre est un véritable lieu de reconstruction pour les enfants des rues, ils vont mieux quand ils sont ici", insiste Françoise, pédopsychiatre du centre.

Notes

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