"Je travaille
actuellement comme infirmière dans la clinique où MSF prend en charge
les malades du sida vivant dans ou près de la ville de Nanning, au sud
de la Chine. Ce programme n'a rien à voir avec l'action "habituelle" de
MSF dans des pays très pauvres ou en guerre comme le Soudan ou la
République Démocratique du Congo. Nanning, c'est une ville assez
développée où le niveau de vie est relativement haut.
Le
but du programme de MSF est d'offrir un traitement de qualité aux
malades du sida. Cela veut dire leur distribuer des traitements
antirétroviraux (ARV) bien sûr, mais aussi leur proposer une prise en
charge la plus complète possible. Ainsi, nous donnons des conseils aux
patients sur la manière dont ils doivent prendre leurs médicaments et
nous expliquons également aux femmes enceintes séropositives comment
éviter de transmettre le virus à leur bébé. En fait, peu de gens
réalisent que proposer gratuitement des ARV n'est qu'une des
composantes de ce que devrait être un programme de prise en charge
complet.
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Consultation à la clinique HIV de Nanning
Les équipes de MSF distribuent gratuitement des ARV et prodiguent des
conseils aux patients sur la manière de prendre leurs médicaments.
© MSF
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La tuberculose, une maladie souvent associée au sida et mal connue en Chine
La tuberculose est une maladie à laquelle nous sommes confrontés chaque
jour, puisque c'est la première infection "opportuniste" qui frappe les
personnes séropositives. Ainsi, un tiers de nos patients en sont
atteints et beaucoup en meurent.
Soigner
les patients co-infectés par la tuberculose et le sida en Chine
représente un véritable défi. A première vue, le système de santé
chinois dispose de tous les instruments et équipements médicaux
coûteux. Pourtant, en matière de tuberculose, le savoir-faire des
équipes médicales chinoises est limité. Ainsi, il est souvent difficile
de les convaincre de l'importance de l'analyse des crachats
(expectorations) pour confirmer le diagnostic. De plus, les médicaments
combinant plusieurs traitements en un seul comprimé – les "combinaisons
à dose fixe" - ne sont pas disponibles en Chine, ce qui signifie que
certains patients doivent prendre jusqu'à 17 comprimés par jour juste
pour la tuberculose (et jusqu'à une quarantaine par jour en rajoutant
les ARV) pendant les premiers mois de leur traitement !
Nous
craignons aussi que beaucoup de patients deviennent résistants aux
traitements et développent une tuberculose dite "multi-résistante"
(MDR). Pour ceux-là malheureusement, le pronostic vital est très
pessimiste.
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Françoise, médecin, ausculte un patient co-infecté
Un tiers des patients séropositifs pris en charge à la clinique MSF sont co-infectés par le sida et la tuberculose.
© MSF
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Une prise en charge inadaptée
Je me souviens d'un patient. Il était vraiment très maigre. Lui et son
frère, également malade, étaient aidés par leur soeur, unique soutien
financier de la famille. Sans aucune aide sociale, elle se battait avec
l'énergie du désespoir pour travailler tout en s'occupant de ses
frères, se chargeant de leur faire les piqûres, vérifiant qu'ils
prenaient bien leur traitement. Ce patient a fini par décéder. Un bien
triste exemple qui montre que la tuberculose peut tuer quand elle n'est
pas correctement prise en charge. Malheureusement, les gens viennent
souvent nous voir trop tard, avec un historique de traitement
incomplet, à un stade de la maladie trop avancé pour que nous puissions
les aider...
Généralement,
en Chine, les infirmières ne jouent pas un rôle très important, mais
avec la tuberculose, on peut vraiment s'investir plus, tant dans la
collaboration avec les médecins que dans la communication avec les
patients. Du côté médical, c'est nous qui nous chargeons du recueil des
crachats pour les faire analyser au labo. Auprès de nos patients chez
qui on diagnostique la tuberculose, nous prodiguons des conseils de
base pour ne pas transmettre la maladie à leur entourage (se laver
souvent les mains, éternuer et se moucher dans un mouchoir, ventiler
leur maison...).Nous leur expliquons aussi l'importance de bien suivre
leur traitement, pour ne pas devenir résistants. La plupart se soignent
très consciencieusement. Si nous pensons qu'un patient ne prend pas
bien son traitement, nous lui proposons davantage de séances
d'information.
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Enfants malades
"Nous expliquons également aux femmes enceintes séropositives comment
éviter de transmettre le virus à leur bébé." Mais cette stratégie de
prévention n'évite pas que certains enfants naissent séropositifs. © MSF
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Une stigmatisation très lourde
Il y a beaucoup d'aspects culturels et psychologiques à garder en tête
dans la relation avec nos patients, car la plupart craignent la
stigmatisation. La discrimination contre les personnes séropositives
est très forte en Chine, même au sein des hôpitaux. Ils doivent par
exemple payer un supplément car leur draps sont brûlés à la fin de leur
séjour.La plupart du personnel soignant a peur du sida. MSF a organisé
quelques ateliers d'information dans les hôpitaux, notamment sur les
modes de transmission du virus, donc je crois que la compréhension de
cette maladie est désormais meilleure.
La
population a également très peur et personne ne parle du sida. Ainsi,
quelques patients ont choisi de venir ici, dans le programme MSF, alors
qu'ils vivent ailleurs. Ils préfèrent venir de loin qu'être vus dans
une clinique VIH là où ils habitent. Ce n'est pas inhabituel, la même
chose se produit à Londres ! Les gens se posent beaucoup de questions,
ils nous demandent, par exemple, s'il est dangereux de manger à la même
table qu'un membre de la famille séropositif. Beaucoup de nos patients
choisissent de ne révéler leur séropositivité à leur famille, ils
vivent alors leur maladie seuls, sans soutien, ce qui est très dur pour
eux !
C'est ma 1ère mission avec MSF. Avant, je travaillais dans
une unité de recherche sur le VIH/sida dans un grand hôpital londonien.
Mon travail ici est très différent de celui que je faisais en
Angleterre. Je peux être beaucoup plus investie, créative et réactive
dans ce programme médical à taille humaine que dans une énorme
structure hospitalière. J'ai un panel d'activités plus large. Je
m'occupe de la pharmacie, j'établis les commandes de médicaments, je
m'occupe de l'administration aussi. Je suis la seule infirmière
expatriée et, en collaboration avec une infirmière chinoise, nous
suivons les patients tout au long de leur traitement et nous assurons
que tous leurs examens et analyses sont effectués et au bon moment. A
beaucoup de points de vue, mon travail est très enrichissant et
gratifiant."