Le Guangxi est
la troisième province la plus touchée par le sida en Chine. Et même si
le taux de personnes infectées n'est pas très élevé, cela fait beaucoup
de patients, alors que l'accès aux soins est assez faible. Un véritable
problème de traitement des malades du sida se posait donc. "Nous avons
fait une enquête qui montre que 20 à 25% des séropositifs sont
aujourd'hui malades du sida", indique Cheng Jie, directeur adjoint du
Centre de contrôle et de prévention des maladies (CDC) de la province
du Guangxi. L'ouverture, le 1er décembre 2003, de la clinique VIH/sida
à Nanning est donc une avancée indispensable.
A
la clinique, MSF a mis en place un processus de prise en charge des
patients séropositifs et des malades du sida. "Quand les patients
viennent à la clinique, ils sont reçus par les médecins. Dans un
premier temps, nous leur donnons des médicaments pour prévenir les
maladies opportunistes. Puis, lorsque nous estimons qu'un patient a
besoin des antirétroviraux, nous commençons par le recevoir pour une
série d'entretiens pour les préparer à la prise du traitement. C'est un
traitement à vie, donc c'est important que les patients en comprennent
les implications, et pourquoi il est essentiel de les prendre chaque
jour, à heure fixe", insiste Selina Lo, médecin australienne d'origine
chinoise.
Soigner le corps et lutter contre les discriminations
Au bout de six mois d'activités, 140 patients sont désormais suivis,
dont 80 reçoivent des antirétroviraux. Les premiers résultats sont
encourageants. "C'est une prise en charge complète, depuis la salle
d'attente jusqu'à la consultation et en passant par les entretiens
conseil. Les problèmes sont résolus à temps et nous recevons un soutien
psychologique. Les docteurs se renseignent sérieusement sur les effets
secondaires des médicaments. Nous, nous sentons que la maladie n'est
pas si terrible. En plus, je vois de très bons résultats dans le
traitement", témoigne un patient.
Si
soigner les malades est essentiel, MSF s'efforce aussi de faire reculer
les discriminations dont sont victimes les personnes infectées par le
VIH. "Il y a encore beaucoup de stigmatisation et de malentendus autour
du sida et des personnes séropositives. Il est important que nous
soyons capable d'offrir un environnement approprié aux malades et
d'encourager les autres autour de nous à faire de même. Car ainsi, non
seulement les malades pourront bénéficier d'un traitement, mais aussi
reprendre une vie normale", souligne Selina.
Des traitements trop chers et pas toujours adaptés
Mais ce n'est encore qu'un premier pas. Beaucoup de problèmes
demeurent, notamment celui du coût des traitements. Pour l'heure, MSF
doit acheter la plupart de ses médicaments antirétroviraux aux grands
laboratoires, à prix forts. D'une part, les génériques produits par des
fabricants chinois ne présentent pas encore les garanties de qualité
suffisantes et n'ont pas reçu l'agrément de l'Organisation mondiale de
la santé. D'autre part, certains antirétroviraux, parce qu'ils sont
protégés par des brevets, ne peuvent pas être produits sous forme
générique en Chine. Pour le même nombre de patients et pour un même
traitement en Afrique, MSF paie dix fois plus cher en Chine.
Outre
les questions de coûts, MSF est confrontée au problème du traitement
des enfants. En effet, cinq enfants séropositifs sont suivis à la
clinique, dont trois reçoivent des ARV. "Il n'existe pas en Chine de
dosages pédiatriques appropriés, les antirétroviraux pédiatriques ne
sont pas encore produits ici", déplore le docteur Tang, médecin à la
clinique. "Nous sommes donc obligés de diviser des comprimés pour
adultes en plusieurs morceaux pour soigner les enfants", explique Yves
Marchandy, chef de mission de MSF à Nanning.
Une visite de parlementaires chinois
Malgré ces défis, la clinique augmente progressivement le nombre de
patients suivis. "L'objectif, c'est d'arriver à prendre en charge 210
patients sous ARV d'ici à la fin de l'année et de partager notre
expérience avec nos collègues chinois du Guangxi et auprès des
autorités centrales du pays", projette Yves Marchandy. Une délégation
de parlementaires chinois est d'ailleurs récemment venue de Pékin pour
visiter la clinique. "En Chine, nous essayons d'explorer et de trouver
un modèle pour fournir un traitement efficace aux patients
séropositifs. Cette coopération avec MSF nous offre une expérience
utile pour la mise au point de traitements similaires à Nanning ou
ailleurs dans la province du Guangxi", explique Cheng Jie.
Cet article est basé sur le reportage diffusé par TV Nanning, télévision locale chinoise.