La maladie de Chagas, également appelée trypanosomiase humaine américaine (THAm), est endémique dans la plupart des pays d'Amérique latine. En Colombie, elle affecte particulièrement les habitants de l'Arauca, une des régions les touchées par la maladie.
Angela vit à Genareros, une communauté indigène de l'Arauca, en Colombie. En avril 2010, deux de ses sept enfants ont achevé leur traitement contre la maladie de Chagas, une infection transmise par un insecte qui prolifère notamment dans les maisons en torchis des zones rurales. Mais alors que les jeunes Yosney et Maryeli fêtaient la fin de leur traitement, Angela s'est rendue compte que deux autres de ses enfants étaient aussi infectés.
La maladie de Chagas est endémique dans la plupart des pays d'Amérique latine. L'Arauca est l'une des régions de Colombie les plus touchées par la maladie. Cette dernière est provoquée par le trypanosoma cruzi, un parasite transmis essentiellement par la réduve, un insecte qui se nourrit de sang. En Colombie, cet insecte est connu sous le nom de « pito ». Les personnes infectées ne développent parfois les symptômes de la maladie qu'au bout de plusieurs années. Toutefois, sans traitement, la maladie de Chagas peut provoquer de graves problèmes de santé, essentiellement des complications cardiaques et intestinales, parfois mortelles.
Intégrer la lutte contre la maladie de Chagas dans les services de soins de santé primaires
Fin 2009, MSF avait intégré le dépistage et le traitement de la maladie dans ses services de soins de santé primaires déjà assurés par ses dispensaires mobiles dans l'Arauca, une région en conflit, voisine du Venezuela. C'est la première fois que MSF propose un traitement contre cette maladie dans une zone de conflit. « Proposer un tel traitement est un véritable défi. Il exige en effet un suivi permanent sur une période de deux mois. S'ajoute à cela le risque de ne pas pouvoir rejoindre telle ou telle communauté en raison de l'insécurité, ou parce qu'un groupe armé bloque certaines routes dans la région, » explique Patrick Swartenbroekx, coordinateur de terrain pour MSF dans l'Arauca.
Genareros est la première communauté à avoir bénéficié d'un dépistage de la maladie. C'est là qu'habitent Angela et ses sept enfants. Sur les 97 échantillons sanguins prélevés sur des enfants âgés de neuf mois à 18 ans, 11 se sont révélés positifs. « Nous avons été surpris par la prévalence élevée de la maladie à Genareros. Heureusement, nous n'avons pas enregistré une prévalence aussi importante dans les autres communautés visitées », explique le Dr Rafael Herazo, référent médical pour le projet de MSF à Arauca.
Soixante jours de traitement pour guérir une maladie silencieuse et négligée
A ce jour, l'équipe MSF à Arauca a prélevé 1 617 échantillons de sang dans 10 communautés et analysé 514 prélèvements en laboratoire. Ces analyses ont mis en évidence qu'une personne sur 28 était infectée. Les patients dont la maladie a été confirmée font l'objet d'un examen médical complet avant l'administration du traitement qui durera deux mois. Cette procédure est nécessaire car il faut déterminer si les patients ont déjà développé la maladie. « L'existence d'une grave complication cardiaque par exemple indique que le malade ne répondra vraisemblablement pas au traitement, » explique le Dr Herazo.
Pendant cette phase de traitement, l'équipe de MSF s'est rendue à Genareros une fois par semaine. Les effets secondaires étant fréquents, il est essentiel d'assurer le suivi des patients et de les encourager à ne pas abandonner leur traitement. « Les gens nous disent en effet : « Mon enfant allait bien et puis, vous lui avez donné ces médicaments qui provoquent des démangeaisons, des douleurs dans les jambes... »
Autant de raisons pour lesquelles les acteurs de santé rendent visite aux patients et à leur famille, afin de les sensibiliser au fait que la maladie de Chagas tue en silence. Ils insistent sur l'importance du suivi du traitement et sur le caractère transitoire des effets secondaires. Si le traitement est interrompu, l'enfant risque de développer ultérieurement de graves complications cardiaques : il ne pourra peut-être plus travailler dans les champs ni marcher. Il se fatiguera facilement et risque de mourir de la maladie, » explique le Dr Herazo.
Alors que les onze premiers enfants viennent de terminer leur traitement, d'autres difficultés subsistent
En avril 2010, les onze enfants de Genareros souffrant de la maladie ont terminé leur traitement avec succès. Dans un an, Yosney et Maryeli devront subir un autre test afin de confirmer leur guérison. Une réinfection est toutefois à craindre étant donné que ces « anciens » malades continuent à vivre dans des maisons où les pitos prolifèrent, à Genareros et dans d'autres communautés de l'Arauca.
MSF fait ainsi pression sur les autorités de la santé de l'Arauca afin qu'elles assurent la vaporisation régulière d'insecticides. Il s'agit là d'une mesure essentielle qui permet de réduire la transmission de la maladie et de prévenir les réinfections. « Ces soixante jours de traitement, tout ce travail de sensibilisation, ces effets secondaires à surmonter et ces visites aux communautés n'auront servi à rien si les habitations continuent à abriter des pitos qui vont réinfecter les habitants. Nous faisons pression sur les autorités de santé pour obtenir un renforcement des mesures sanitaires et pour leur montrer qu'un traitement peut être mis en place», conclut le Dr Herazo.