Les accords de paix de 2016 entre le gouvernement et les FARC ne sont pas respectés dans la région. La situation s’est dégradée et des groupes se battent désormais pour récupérer les territoires laissés par les FARC. Dans la zone, des massacres et des déplacements massifs de population ont lieu tous les mois.
Samuel connaît la géographie et les groupes armés sur le bout des doigts : GUP, FOS, ELN, AGC, E30FB, Frente 30, Los Cuyes et Los Contadores. Il me raconte qu’il y a dix ans, les équipes MSF ont travaillé au même endroit lors d'une première vague de violences. Parfois, il a l’impression de tourner en rond, même si aujourd’hui l’association est davantage intégrée dans les communautés. Il m’explique que celles-ci ont créé leurs propres mécanismes traditionnels pour pallier la négligence des pouvoirs publics.
Le système de santé s’est lentement détérioré ; Wilson est l’un des derniers villageois à savoir utiliser un microscope pour détecter le paludisme dans les échantillons de sang. Il y a quelques années seulement, chaque municipalité était équipée pour dépister et prendre en charge les cas de paludisme. L’homme au microscope a testé 22 patients en deux jours, dont 13 se sont révélés positifs. Il reste enthousiaste, même s’il sait que les patients devront se rendre à l’hôpital, loin et cher, pour se faire soigner. Si l’incidence de la Covid-19 a baissé, d’autres maladies persistent comme la dengue, Zika ou encore le chikungunya - qu’il faut combattre à tout prix.
La file devant la clinique mobile est longue. La plupart des adultes présentent des blessures, souvent faites par des machettes ; l'alcoolisme et les violences domestiques sont également fréquentes au sein de la population locale. Les enfants sont partout autour de la clinique et jouent entre eux. Si les plus jeunes sont encore épargnés par les gangs, les adolescents peuvent être tentés de les rejoindre. Maintenir les enfants en dehors du conflit est une lutte difficile pour l’enseignant local que j’ai rencontré. Chaque semaine, il intervient auprès des familles pour essayer de maintenir leurs enfants à l'école.
La meilleure stratégie s’est avérée être le football. Pendant son temps libre, le professeur entraîne quatre équipes et organise un championnat, en comptant sur les dons pour acheter des ballons et des filets.
« Les jeunes aiment jouer et rivaliser entre eux, ils restent ainsi près de l'école et loin d’autres influences », me confie-t-il.
*Les noms des personnes ont été changés pour protéger leur identité.