Le conflit touche particulièrement les communautés rurales indigènes et paysannes, qui vivent dans des villages reculés et comptent pour 20% de la population dans ce département. La vie dans ces villages semble tranquille. Les maisons sont simples et dispersées à travers les montagnes, entourées de champs cultivés. Les gens travaillent dans les champs de maïs, de café ou de haricots, et élèvent leurs poulets tandis que les enfants vont à l'école la plus proche, parfois située à deux heures, et jouent au football comme dans n'importe quel autre endroit dans le monde.
Mais le bruit des balles et le bourdonnement des hélicoptères brisent ce calme et les habitants, accoutumés et résignés, courent se cacher dans leurs maisons ou sont contraints de se déplacer vers d'autres lieux avec leurs familles jusqu'à ce que la violence s'arrête et qu’ils puissent revenir.
Nombreuses sont les histoires qui témoignent de l'ampleur de la peur, de la douleur et du silence qui affectent ces communautés. Ces histoires révèlent aussi le besoin de ces populations d'accéder à un psychologue, qui peut les aider à refermer leurs plaies et à faire face à leur vie, alors qu'elles continuent d'être condamnées à souffrir du conflit armé en cours depuis 50 ans dans leur pays.
Le conflit armé a marqué psychologiquement les personnes les plus directement touchées. Cependant, l'accès à la santé mentale dans ces villages isolés dans les montagnes est inexistant. Aucun psychologue n’est disponiblepour faire des consultations individuelles dans les centres de soins primaires, ni dans les hôpitaux municipaux, qui sont très souvent distants de six heures de trajet via des routes en mauvais état.
Les psychologues de MSF proposent à la fois des séances individuelles et de groupe dans les hôpitaux municipaux et les villages des montagnes du Cauca. De cette façon, les populations dispersées ont également accès à des soins psychologiques. Les psychologues de MSF travaillent également avec les dirigeants communautaires, des promoteurs de santé, des sages-femmes et des enseignants au sujet des questions de prévention. L'objectif est de les former afin qu'ils puissent identifier les personnes qui doivent être transférées à un psychologue ou un psychiatre et afin qu'ils puissent offrir certains soins psychologiques primaires immédiatement après un épisode de violence. En 2013, les équipes de MSF ont effectué 974 consultations psychologiques dans ces montagnes et formés 2852 personnes.
Toutes les photos sont d'Ana Surinyach.
Ana Silvia Muñoz
Ana Silvia Muñoz a été déplacée à plusieurs reprises en raison du conflit armé. Il y a un an, son mari a été touché par une balle alors qu'il était à la maison. Elle a échappé aux balles mais souffre de stress post-traumatique.
Carlos Héctor Zanches
Carlos a été touché par une balle alors qu'il semait du café dans son champ. La balle est entrée par son visage et est ressortie par ses côtes, fractionnant sa clavicule et laissant son bras handicapé à vie. Il ne peut plus travailler ou se débrouiller par lui-même. « La vie peut changer d'un moment à l'autre. »
Elvia Pardo
Le mari d’Elvia Pardo a été tué en 2005. Il y avait une rumeur selon laquelle ils allaient la tuer elle aussi, qu'ils la poursuivaient. Elle avait peur de mourir. Elle craignait pour sa vie et pour celle de son fils. Huit ans après, elle a commencé à voir un psychologue. Cela l’a aidée à surmonter ses craintes.
María Rujéis
« Ici, on est prêt à être bombardé à tout moment. Nous sommes résignés. » María Rujéis est devenue veuve après que son mari ait été assassiné. Sa fille avait un an. « Ma vie a dramatiquement changé. » Sa fille vit avec ses grands-parents car Maria était trop affectée et incapable d'élever seule son enfant.
Rosa Inés Pisso
Le fils de Rosa Inés Pissa a disparu il y a neuf ans. Elle l'a vu pour la dernière fois dans leur maison avant qu’il parte passer un examen pour entrer dans l'armée. Il avait été menacé. Elle espère le revoir. « Le silence, ne pas savoir où il est, c'est ce qui me tue. »
Zenobia Moreno
Un proche a essayé d’abuser d'elle quand elle avait 13 ans. Elle ne l'a jamais dit à personne, pensant que la douleur et la peur disparaîtraient avec le temps. Mais cela n’est pas arrivé. Et elle a décidé de parler à un psychologue. « Cela m'a aidée à ne pas y penser, à me détendre et me calmer. »
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