Coronavirus : en Cisjordanie, la violence quotidienne se poursuit malgré le confinement

Dans de nombreux villages de Cisjordanie, les habitant placent des barres métalliques à leurs fenêtres pour se protéger contre les attaques des colons israéliens. C'est le cas dans la maison de Reema, qui a perdu son fils, tué d'une balle dans la tête en face d'une colonie que l'on peut apercevoir au loin par cette fenêtre. Reema a été prise charge par les équipes MSF en 2016 et 2017.
Dans de nombreux villages de Cisjordanie, les habitant placent des barres métalliques à leurs fenêtres pour se protéger contre les attaques des colons israéliens. C'est le cas dans la maison de Reema, qui a perdu son fils, tué d'une balle dans la tête en face d'une colonie que l'on peut apercevoir au loin par cette fenêtre. Reema a été prise charge par les équipes MSF en 2016 et 2017. © Laurie Bonnaud/MSF

Un verrouillage complet est en place depuis plus de trois semaines pour les quelque 3,2 millions de Palestiniens qui vivent en Cisjordanie. Ces restrictions, imposées pour éviter la propagation du coronavirus, dont plus de 300 cas ont été confirmés, pèsent sur une population déjà largement soumise à la violence de l’occupation.

La propagation du coronavirus, les restrictions de mouvements et les mesures de distanciation sociale, imposées par les autorités israéliennes et palestiniennes pour lutter contre l'épidémie, n’y changent rien : les violences envers les populations palestiniennes n’ont pas diminué en Cisjordanie ces dernières semaines.

En mars, les affrontements entre les forces israéliennes et les Palestiniens se sont poursuivis, tout comme les opérations d'arrestation, les démolitions de maisons et les saisies de biens palestiniens par l'armée israélienne. Les attaques de colons israéliens contre les Palestiniens ont quant à elle augmenté de 78 % en Cisjordanie au cours des deux dernières semaines de mars, selon l'Onu.

« Les restrictions à la circulation font déjà partie de la réalité quotidienne des Palestiniens. Et les épisodes de violence autour des colonies israéliennes font également partie de cette réalité », explique Tareq Zaid-Alkilani, coordinateur de projet MSF à Naplouse. Les communautés palestiniennes subissent depuis des décennies une violence et des agressions dont les effets sont dévastateurs. 

« Les épisodes d'agressions physiques et verbales, les jets de pierres, les détériorations matérielles sur les voitures, les maisons et les propriétés agricoles sont très fréquents dans cette région. Et il y a aussi les opérations régulières de l'armée israélienne... », poursuit le coordinateur de projet. Sous l'occupation israélienne, cette violence s’est insinuée dans les dynamiques domestiques, créant des troubles au sein des foyers et dans les relations familiales. « Le résultat est un modèle de violence généralisée et implacable qui pèse sur la santé mentale de milliers de personnes et le bien-être de communautés entières », conclut Tareq Zaid-Alkilani.

Naplouse est située à 48 km de Jérusalem. MSF travaille dans cette ville depuis 2004. 
 © Candida Lobes/MSF
Naplouse est située à 48 km de Jérusalem. MSF travaille dans cette ville depuis 2004.  © Candida Lobes/MSF

De nombreux patients reçus dans les cliniques MSF ont ainsi subi des événements profondément bouleversants. « Certains de nos patients, principalement ceux qui vivent à côté des colonies israéliennes… Je pense à ce garçon de sept ans, qui connaît des troubles du sommeil et des crises de panique depuis que son village a été attaqué par des colons israéliens. Son quartier a été attaqué avec des pierres et des cocktails Molotov, et il a vu des gens qu'il connaissait se battre avec les colons », explique Samieh Malhees, psychologue travaillant depuis cinq ans avec MSF dans le gouvernorat de Naplouse. Si la majorité des personnes reçues en consultation souffrent de problèmes familiaux ou domestiques, ces troubles sont difficilement dissociables du contexte de violences récurrentes. 

« Une de mes patientes m'a dit que son mari criait sur elle et ses enfants comme certains soldats israéliens lui criaient dessus. Un autre patient m'a dit que son mari était devenu violent après avoir été grièvement blessé lors d'affrontements. Ces cas ne sont pas isolés, détaille Samieh Malhees. Je peux tracer un schéma où les sentiments d'oppression, d'humiliation, d'impuissance et de colère dus à l'occupation empiètent sur les liens familiaux et la violence suit son cours dans un cercle vicieux. » Même les personnes qui n’ont pas subi d’expériences traumatisantes directes sont confrontées aux conséquences perturbatrices indirectes de toutes ces tensions et violences.

La propagation du coronavirus, les restrictions qui s’en sont suivies, les graves conséquences sur la situation financière de nombreuses familles et les attaques continues contre les Palestiniens en Cisjordanie se combinent pour aggraver la situation déjà fragile des personnes confrontées à la détresse mentale, à la violence domestique et à divers types d'abus. « L'épidémie de coronavirus confronte tout le monde à l'inconnu, ce qui peut entraîner un sentiment de perte de contrôle et d'impuissance, explique Malhees. Ces sentiments peuvent augmenter l'anxiété et causer des symptômes inconfortables aux personnes souffrant de problèmes de santé mentale préexistants. »

Dans ce contexte, les équipes MSF ont dû adapter leurs activités pour protéger les patients et le personnel contre le coronavirus. Les séances de groupe et les consultations en face-à-face ont été suspendues, mais les patients continuent de recevoir un soutien psychologique par téléphone. « Depuis le début du confinement, je n'ai pas pu rencontrer mes patients, alors j'essaie de proposer des consultations régulières par téléphone. Fournir un soutien psychosocial aux personnes déjà confrontées à une importante charge mentale est encore plus important aujourd’hui », conclut Samieh Malhees.

Notes

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