Pourtant, après deux ans d’absence, MSF doit y retourner, car de nombreux besoins ne sont pas couverts.MSF s’apprête à ouvrir une clinique pour les soins de santé mère et enfant dans un camp de déplacés de Zalingei, plus de deux ans après avoir transféré nos activités médicales dans les camps à d’autres acteurs de santé, pour nous concentrer sur la prise en charge des cas les plus critiques à l’hôpital. En 2007, deux centres de nutrition ambulatoire ont également été ouverts, l’un en septembre dans le camp d’Hamedia et l’autre en décembre dans le camp d’Hassa Hissa, chaque camp comptant environ 40 000 personnes déplacées.
Ce retour dans les camps a été décidé suite à une augmentation importante de la malnutrition aiguë sévère à l’hôpital, à partir du mois de mai. En 2007, la situation nutritionnelle était comparable à celle de 2004, au tout début du déploiement de l’aide humanitaire. Pourtant, les besoins paraissaient bien couverts par les distributions alimentaires et les programmes nutritionnels mis en place par les différents acteurs présents dans les camps.
Des besoins loin d’être couverts
Sur le papier, le système semble bien rôdé : chaque organisation travaille selon son domaine de compétence dans une zone géographique et, chaque semaine, tout le monde partage ses informations sous la houlette d’OCHA (Organisation et coordination de l’aide humanitaire), un bureau des Nations unies.
«Les responsabilités et les stratégies de chaque organisation sont clairement écrites et apparemment, tout est sous contrôle. Mais les besoins sont loin d’être couverts », explique Saif Ebrahim, coordinateur des programmes MSF à Zalingei. « L’aide ici souffre de deux handicaps majeurs : la concentration des activités dans les camps laisse des vides importants, notamment pour les populations des zones rurales en raison de l’insécurité sur les routes ; et dans les camps où les humanitaires n’ont pas de problèmes majeurs d’accès, l’aide est de plus en plus réduite au regard des besoins. L’erreur a été de ne pas être suffisamment réactifs face à l’évolution de la situation dans les camps de déplacés. Et ce qui fonctionnait auparavant n’est plus adapté aujourd’hui.»
Sécurité et nouveaux arrivants
Lors des réunions hebdomadaires regroupant tous les acteurs humanitaires à Zalingei, les mêmes questions reviennent sur la table, en vain. Les mots clefs sont « sécurité » et « nouveaux arrivants ». « De nouvelles familles arrivent régulièrement » explique Saïf. « Ce ne sont plus des déplacements massifs comme au début du conflit, mais des arrivées continues, moins visibles. Depuis décembre, jusqu’à un à deux milliers de personnes déplacées arrivent chaque mois. Des familles arrivent les unes après les autres, en provenance des quelques villages épargnés jusque-là. Ils racontent qu’ils sont devenus plus vulnérables parce que les forces de sécurité du gouvernement ont quitté la zone, et que les vols et les violences se multiplient sur les routes, aux abords du village et dans le village même. Ces familles fuient vers les camps pour y trouver la sécurité et l’accès à l’aide.».
Cependant, à leur arrivée, elles ne reçoivent plus d’assistance et ce sont les déplacés qui partagent avec elles la nourriture et les abris pendant plusieurs mois. Certaines ne seront d’ailleurs pas reconnues comme personnes déplacées parce qu’elles ne correspondent plus au même « profil » que les déplacés de 2004, majoritairement des agriculteurs dont le village avait été attaqué et totalement détruit. Elles ont donc beaucoup de difficultés à avoir accès à l’aide, alimentaire ou autre.
Invisibles également, les quelques milliers d’enfants nés dans les camps. Depuis 2004, aucun nouveau-né n’est pris en compte pour la distribution de l’aide alimentaire. Alors que la population dans les camps augmente continuellement, les services, qu’il s’agisse de points d’eau ou de structures de santé, n’augmentent pas dans l’ensemble.
Dans le camps de réfugiés de Zalingei, les déplacés sont totalement dependants de l'aide exterieure pour leur survie.
La qualité, une question taboue
« Nous sommes dans une situation intermédiaire », explique Fabrice Weissman, chef de mission MSF au Darfour. « Il n’y a plus d’urgences importantes comme en 2004, tels que des déplacements massifs ou des épidémies. Certaines organisations peuvent rencontrer des difficultés pour mobiliser les mêmes ressources et maintenir une assistance de qualité. Si nous ne restons pas vigilants dans les camps qui regroupent des dizaines de milliers de personnes, la malnutrition peut augmenter très vite, ou une épidémie, de choléra ou de rougeole, peut se propager. »
La détérioration des conditions de vie n’est pas uniquement due à la pression des nouveaux arrivants mais aussi à des problèmes de qualité de l’aide. Les rations de nourriture distribuées par le Programme Alimentaire Mondial sont définies précisément, à la centaine de grammes près. Ces derniers mois, il y a eu une diminution dans la composition et la quantité des rations distribuées aux personnes déplacées. Cette situation perdure, à cause de problèmes d’approvisionnement ou de transport. Des cliniques risquent de fermer dans les camps un jour supplémentaire par semaine. Les déplacés reçoivent parfois uniquement des ordonnances et le conseil d’aller acheter les médicaments au marché. Il n’y a plus de distribution de savon. Mais ces besoins étant « en principe » couverts, il est difficile, voire impossible, pour une autre organisation d’intervenir dans ce domaine.
Ces différentes tendances, la concentration de la population dans les camps, les faiblesses, en quantité et en qualité, de l’aide apportée et la répartition rigide des tâches entre les organisations, sont inquiétantes et ne semblent pas s’infléchir.